GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
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l’infini les marches du trône de Dieu, MM. Armand Caillat asso-
cient les chimères germaniques, enfantées dans les brumeuses et
solitaires tristesses des fiords Scandinaves, ne semblant pas sentir
combien les deux pensées que nous trouvions ici étaient difficiles à
réunir dans leur état de conception primitive. Et cela s’applique non
seulement à la chapelle de Mgr de Terris, à sa crosse, mais encore
au reliquaire de sainte Roseline, moins cependant, à celui de saint
Bernard de Menthon.
Il en va différemment par exemple de la crosse de Mgr Gouthe-
Soulard. De tous points, elle est parfaite, peut-être un peu chargée;
mais ceci est affaire de goût; l’ensemble est pondéré, bien un. Les
niellures s’y mêlent agréablement aux ors et sans aller jusqu’aux
enthousiasmes de M. l’abbé Reure, dans la Semaine religieuse du dio-
cèse de Lyon, la composition ingénieuse, le symbolisme bien compris,
l’exécution irréprochable, mettent ce bijou hors de pair dans la
vitrine de MM. Armand Caillat. Aussi le plaisir réel que je trouve
à le détailler fera-t-il, je l’espère, oublier aux orfèvres, dont la
conscience dépasse tout éloge, les critiques que je viens de leur
adresser.
Mais tout cela pour en arriver où? Mon Dieu, à une conclusion
fort simple : c’est qu’il est, de par le monde, deux sciences que tout
mortel connaît sans les avoir étudiées: la politique et l'archéo-
logie — j’oublie la médecine. Chacun croit pouvoir juger Riche-
lieu, Colbert, Talleyrand, nous ne parlons que des morts. Quelques
tentures heureuses, semées d’assiettes plus ou moins authentiques, et
l’archéologie n’a plus de secrets. Certaines questions que les Perrot,
les Lasteyrie, les Müntz, qui ont vécu leur vie dans l’étude, n’osent
trancher, d’une phrase, d’un coup de pinceau les voilà résolues.
Ceux qui veulent savoir le passé n’ont pourtant pas à se plaindre.
Aux PP. Cahier et Martin, aux Didron, aux Caumont, aux La
Barte, qui ont peut-être un peu vieilli, nous voyons succéder les
travaux les plus précieux. L’archéologie depuis quelques années est
royalement traitée : les Schlumberger, la collection Spitzer, le
Trésor des rois de Hanovre, la collection Zwénigorodskoï viennent
de lui apporter les documents les plus nouveaux.
Mais qu’on ne croie pas que c’est aux arts industriels seuls que je
fais le procès ; les artistes peuvent en prendre leur part. Aujourd’hui,
l’esprit critique veut comparer des faits réels, deviner les tendances
et les goûts d’une époque, juger l’état psychologique sur des monu-
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l’infini les marches du trône de Dieu, MM. Armand Caillat asso-
cient les chimères germaniques, enfantées dans les brumeuses et
solitaires tristesses des fiords Scandinaves, ne semblant pas sentir
combien les deux pensées que nous trouvions ici étaient difficiles à
réunir dans leur état de conception primitive. Et cela s’applique non
seulement à la chapelle de Mgr de Terris, à sa crosse, mais encore
au reliquaire de sainte Roseline, moins cependant, à celui de saint
Bernard de Menthon.
Il en va différemment par exemple de la crosse de Mgr Gouthe-
Soulard. De tous points, elle est parfaite, peut-être un peu chargée;
mais ceci est affaire de goût; l’ensemble est pondéré, bien un. Les
niellures s’y mêlent agréablement aux ors et sans aller jusqu’aux
enthousiasmes de M. l’abbé Reure, dans la Semaine religieuse du dio-
cèse de Lyon, la composition ingénieuse, le symbolisme bien compris,
l’exécution irréprochable, mettent ce bijou hors de pair dans la
vitrine de MM. Armand Caillat. Aussi le plaisir réel que je trouve
à le détailler fera-t-il, je l’espère, oublier aux orfèvres, dont la
conscience dépasse tout éloge, les critiques que je viens de leur
adresser.
Mais tout cela pour en arriver où? Mon Dieu, à une conclusion
fort simple : c’est qu’il est, de par le monde, deux sciences que tout
mortel connaît sans les avoir étudiées: la politique et l'archéo-
logie — j’oublie la médecine. Chacun croit pouvoir juger Riche-
lieu, Colbert, Talleyrand, nous ne parlons que des morts. Quelques
tentures heureuses, semées d’assiettes plus ou moins authentiques, et
l’archéologie n’a plus de secrets. Certaines questions que les Perrot,
les Lasteyrie, les Müntz, qui ont vécu leur vie dans l’étude, n’osent
trancher, d’une phrase, d’un coup de pinceau les voilà résolues.
Ceux qui veulent savoir le passé n’ont pourtant pas à se plaindre.
Aux PP. Cahier et Martin, aux Didron, aux Caumont, aux La
Barte, qui ont peut-être un peu vieilli, nous voyons succéder les
travaux les plus précieux. L’archéologie depuis quelques années est
royalement traitée : les Schlumberger, la collection Spitzer, le
Trésor des rois de Hanovre, la collection Zwénigorodskoï viennent
de lui apporter les documents les plus nouveaux.
Mais qu’on ne croie pas que c’est aux arts industriels seuls que je
fais le procès ; les artistes peuvent en prendre leur part. Aujourd’hui,
l’esprit critique veut comparer des faits réels, deviner les tendances
et les goûts d’une époque, juger l’état psychologique sur des monu-