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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 13.1895

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Nr. 4
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Paris, Gaston: Souvenirs sur Alexandre Bida
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https://doi.org/10.11588/diglit.24666#0352

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334

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

vécu pendant une période, il vécût double pendant une autre. De
cœur, d’esprit, d’imagination, d’allures, il était plus jeune que ses
puînés d’un quart de siècle: il voyait tout en beau et en grand;
tout lui semblait facile ; la nature l’enchantait, son art l’enivrait, la
fortune et la gloire lui faisaient signe; il travaillait avec une joyeuse
ardeur et formait sans cesse de nouveaux plans; il jouissait pleine-
ment de la vie, de l’amitié, dans laquelle il apportait une chaude et
sincère cordialité, du monde, où il brillait par son esprit aimable, sa
riche mémoire, le charme et la courtoisie de ses manières à la fois
familières et nobles. Au moment où je l’avais rencontré, il sortait
d’une période noire pour entrer dans une bleue.

Ce fut à Divonne même qu'il connut la femme qui devait trans-
former la seconde partie de sa vie. Elle y avait accompagné son père,
déjà très malade, et qui mourut peu après son arrivée. Elle était
seule et timide, au milieu d’étrangers et d’indifférents. Son isole-
ment, son affliction touchèrent le cœur de Bida, disposé à la sym-
pathie par sa propre douleur encore si récente; il reconnut vite en
elle une incomparable distinction, qui aimait à se cacher, mais qui,
une fois remarquée, frappait d’autant plus qu'elle laissait toujours à
deviner plus encore qu’on n’avait découvert. L’année suivante (1869),
Bida épousait Mlle Astruc, plus jeune que lui de vingt-deux ans, dans
ce village de Bühl, en Alsace, près de Guebwiller, où devait désor-
mais se passer la plus grande partie de sa vie. J’allai représenter à son
mariage ma sœur, absente malgré elle, et qui, à Divonne, dans un
grand élan d’affection, avait mis ces deux mains Lune dans l’autre.
Les témoins de Bida étaient Fromentin et le sculpteur Christophe,
mort il y a trois ans. Nous partîmes tous quatre ensemble de Paris,
et pendant tout le trajet, le compartiment, où heureusement, nous
étions seuls, retentit de belles discussions sur l’art, son objet et ses
conditions. Bida inclinait vers l’opinion de Christophe, qui soutenait
avec éloquence et passion que l’artiste devait être initié à toutes les
idées, à toutes les tendances de son temps, connaître les sciences, l’his-
toire, la sociologie, avoir une philosophie et une politique. Fromentin
ripostait que l’artiste était avant tout une sensibilité particulière,
servie par une puissance d’expression adéquate (et il ajoutait doulou-
reusement qu’il se sentait la première, mais non la seconde de ces
facultés): il importait peu d’ailleurs qu’il fût instruit ou ignorant,
spiritualiste ou déterministe, monarchiste ou républicain. Je me
rappelle que le lendemain, veille du mariage, nous étions à Bâle,
visitant le musée; nous regardions, Fromentin et moi, le merveilleux
 
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