SOUVENIRS SUR ALEXANDRE B IDA.
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portrait de]la femme d’Holbein : « Ah! mon ami, me dit-il tout à
coup en me serrant fortement le bras, si je pouvais faire de la pein-
ture comme cela, comme je me . moquerais que mon pays gémît
sous la plus horrible tyrannie! »
Bida, je l’ai dit, n’était pas aussi intransigeant. Il avait une
instruction très large et très variée, et il alimentait sans cesse son
art par ses lectures. Sa carrière, au début, avait été singulière. Son
père, né d’une vieille famille ardennaise, après avoir émigré, s’était,
au hasard d’un voyage, marié et établi dans le Midi. Le jeune
Alexandre, né à Toulouse le
1er octobre 1813, fut envoyé,
pour compléter son éduca-
tion, commencée dans divers
collèges, à un oncle, M. Régis
Bida, qui était professeur au
séminaire de Charleville et
fut ensuite chanoine de la
cathédrale de Reims. C’était
un prêtre d’une érudition
solide et d’une vie tout à fait
sainte. Il a exercé sur son
neveu l’influence la plus
durable ; Bida n’en parlait
jamais qu’avec une recon-
naissance attendrie. Sous sa
direction, le jeune homme
avait d’abord songé à entrer
dans l’Eglise. Il a toujours
gardé dans un coin de son âme un reste de cette vocation imparfaite,
un goût particulier pour la liturgie, les offices, la vie spéciale du
clergé, et une instruction théologique à laquelle il attachait du prix.
C’est aussi à son éducation religieuse et à l’influence de maîtres
vénérables et vénérés qu’il dut ce sens du respect, qui était un des
traits les plus sympathiques de son caractère d’homme et d’artiste.
Il regardait l’art — en cela d’accord avec Delacroix — comme étant
avant tout « une soumission » ; il étudiait les œuvres des maîtres
comme un jeune prêtre fervent étudie la vie des saints. Il resta
d'ailleurs toujours religieux, d’une religion dont certains aspects
ne laissaient pas d’étonner parfois ses amis d’une autre génération.
Il reconnaissait dans toutes les affaires, mais surtout dans ses affaires
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portrait de]la femme d’Holbein : « Ah! mon ami, me dit-il tout à
coup en me serrant fortement le bras, si je pouvais faire de la pein-
ture comme cela, comme je me . moquerais que mon pays gémît
sous la plus horrible tyrannie! »
Bida, je l’ai dit, n’était pas aussi intransigeant. Il avait une
instruction très large et très variée, et il alimentait sans cesse son
art par ses lectures. Sa carrière, au début, avait été singulière. Son
père, né d’une vieille famille ardennaise, après avoir émigré, s’était,
au hasard d’un voyage, marié et établi dans le Midi. Le jeune
Alexandre, né à Toulouse le
1er octobre 1813, fut envoyé,
pour compléter son éduca-
tion, commencée dans divers
collèges, à un oncle, M. Régis
Bida, qui était professeur au
séminaire de Charleville et
fut ensuite chanoine de la
cathédrale de Reims. C’était
un prêtre d’une érudition
solide et d’une vie tout à fait
sainte. Il a exercé sur son
neveu l’influence la plus
durable ; Bida n’en parlait
jamais qu’avec une recon-
naissance attendrie. Sous sa
direction, le jeune homme
avait d’abord songé à entrer
dans l’Eglise. Il a toujours
gardé dans un coin de son âme un reste de cette vocation imparfaite,
un goût particulier pour la liturgie, les offices, la vie spéciale du
clergé, et une instruction théologique à laquelle il attachait du prix.
C’est aussi à son éducation religieuse et à l’influence de maîtres
vénérables et vénérés qu’il dut ce sens du respect, qui était un des
traits les plus sympathiques de son caractère d’homme et d’artiste.
Il regardait l’art — en cela d’accord avec Delacroix — comme étant
avant tout « une soumission » ; il étudiait les œuvres des maîtres
comme un jeune prêtre fervent étudie la vie des saints. Il resta
d'ailleurs toujours religieux, d’une religion dont certains aspects
ne laissaient pas d’étonner parfois ses amis d’une autre génération.
Il reconnaissait dans toutes les affaires, mais surtout dans ses affaires