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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 13.1895

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Nr. 5
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Marx, Roger: Les salons de 1895, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24666#0373

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LES SALONS DE 1895.

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immédiate qui requiert la sensibilité de la rétine, la justesse et la
docilité de la main, mais répudie comme néfaste l’intervention de
l’esprit, comme inutile le contrôle du goût. De hautes intelligences,
des critiques à la vision singulièrement pénétrante et divinatrice,
MM. Edmond et Jules de Goncourt, pressentirent d’emblée à quels
errements serait fatalement conduit l’art réaliste. Dans leur curieux
libelle, la Peinture à l'exposition de 1855, ils prêtent à la doctrine
cette ironique définition d’elle-même : « Je ne suis ni une foi,
ni une idée; je suis la vérité! J’ai défendu l’imagination à vos yeux,
à vos crayons, à vos pinceaux : la nature c’est moi! Vous lui prêtiez,
vous la pariez : je la déshabille. Vous cherchiez : je rencontrais.
Vous aviez des dédains, vous, et vous autres des dégoûts : tout est,
tout a le droit d’être. Je ne fais pas de tableaux, je les ramasse. La
création est responsable de mes toiles. Vous étiez peintres : gloire à
moi! Je suis chambre noire! »

Hélas, les deux frères ne furent que trop lucides et leur prétendue
raillerie ressembla fort à un oracle. « La vie de tous les jours est la
matière de volve observation : nous ne supportons pas les rêveurs; représentez
uniment ce que vous avez sous les yeux, » tel est le commode et extraor-
dinaire mandement auquel se rendirent en hâte les sténographes et
les virtuoses du trompe-l’œil, les pauvres d’esprit, délivrés de la
peine de penser et de l’embarras de choisir. Par les fenêtres ouvertes
sur la réalité, se succédèrent, pêle-mêle, des faits divers, instantané-
ment fixés tels quels, grandeur nature et ressemblance garantie.
L'art devint miroir, et des Salons on eût dit un recueil de vastes
photographies enluminées. Il n’en fallut pas davantage pour crier à
la merveille et proclamer le triomphe du Moderne. Illusion et leurre,
de confondre de la sorte le Moderne avec la mode et de croire à une
possible rénovation de l’art par la copie servile, superficielle d’un
épisode de vie pris au hasard, dépourvu de caractère comme de
portée1 ! Mais le Moderne, d’après Baudelaire (auquel revient d’avoir
mis le terme en honneur), c’est « l’éternel du transitoire » ; « Il offre
plus que les mœurs, plus que la vie qui passe, il contient du grand, de
l’épique, du gigantesque, de l’homérique», lit-on dans Manette Salomon,
et les Goncourt ajoutent : « Le beau d’aujourd’hui est enveloppé,

1. « On doit discuter et contester la théorie des artistes réalistes, théorie qui
semble pouvoir être résumée par ces mots: Rien que la vérité, toute la vérité, dit
Guy de Maupassant dans la préface de Pierre et Jean. Un tri s'impose et, si le
réaliste est un artiste, il cherchera non pas à montrer la photographie banale de la
vie, mais à en donner une vision plus probante que la réalité même. »
 
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