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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Mercure l’écoute, il tient les rênes du cheval Pégase; au sommet
de l’Hélicon, l’Amour triomphe avec Mars et Vénus; et l’espiègle
Cupidon crible de ses traits le dieu Vulcain qui forge ses armes
dans sa caverne ardente, et menace son heureux rival.
De tous les artistes auxquels Isabelle va confier le soin d’orner
son studiolo, c’est le génie le plus incontesté, le plus entier et le plus
volontaire, qui va se montrer le plus souple à contenter ses désirs.
Tout ce qui peut nous heurter dans l’œuvre vient de la précision de
Tinvenzione de la marquise ou de la minutie du poète. Mantegna n’a
pas souvent pénétré dans le monde de la fiction ; c’est le poète tragique
des grands drames divins; cependant il semble à l’aise dans ce milieu
nouveau pour lui. Le chœur des nymphes dans le Parnasse, au point
de vue de la grâce, de l’harmonie et de la beauté de la forme, est digne
de l’antiquité. Le grand tragique qui fait de la Mort du Christ, cette
toile minuscule, une fresque d’une intensité terrible, s’attendrit à la
voix de sa jeune souveraine et, asservi à sa volonté, tout au plus
laisse-t-il voir son ennui et la trace d’un effort lorsqu’elle exigera
de lui, si imbu de la beauté antique et qui proscrit toute difformité, de
symboliser dans des êtres répugnants les vices honteux, la basse
envie et la grossière ignorance, qu’il va incarner dans des formes
aussi hideuses que les vices eux-mêmes.
A partir du moment où Isabelle d’Este a reçu le Parnasse et le
Combat delà Chasteté contre les Vices, tous les artistes qu’elle appellera
à elle vont se conformer à ce point de départ : ce sera le même esprit,
la même forme, le même ordre d’idées. Les allégories, la fable, les tra-
ditions de l’antiquité et ses mythes, sont les arguments substantiels.
Isabelle est bien de son temps; les peintres du moyen âge s’étaient
voués au culte de la Vierge et des saints, aux scènes de la Bible;
les humanistes, les platoniciens, et ceux qu’ils inspirent, sont revenus
au culte de l’antiquité et ils ressuscitent les dieux de l’Olympe.
Ceux qui dictent les arguments et inspirent les peintres du studiolo,
sont les Bembo, Nicolo Correggio, Mario Equicola, le Castiglione,
Paride Ceresara. Le Pérugin voué aux sujets sacrés, qui va venir
après Mantegna dans le studiolo d’Isabelle, subira la même loi; et son
œuvre, destinée à faire pendant à celle d’Andrea, sera la contre-
partie du sujet imposé à son grand devancier.
CHARLES YRIARTE.
{La suite prochainement.)
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Mercure l’écoute, il tient les rênes du cheval Pégase; au sommet
de l’Hélicon, l’Amour triomphe avec Mars et Vénus; et l’espiègle
Cupidon crible de ses traits le dieu Vulcain qui forge ses armes
dans sa caverne ardente, et menace son heureux rival.
De tous les artistes auxquels Isabelle va confier le soin d’orner
son studiolo, c’est le génie le plus incontesté, le plus entier et le plus
volontaire, qui va se montrer le plus souple à contenter ses désirs.
Tout ce qui peut nous heurter dans l’œuvre vient de la précision de
Tinvenzione de la marquise ou de la minutie du poète. Mantegna n’a
pas souvent pénétré dans le monde de la fiction ; c’est le poète tragique
des grands drames divins; cependant il semble à l’aise dans ce milieu
nouveau pour lui. Le chœur des nymphes dans le Parnasse, au point
de vue de la grâce, de l’harmonie et de la beauté de la forme, est digne
de l’antiquité. Le grand tragique qui fait de la Mort du Christ, cette
toile minuscule, une fresque d’une intensité terrible, s’attendrit à la
voix de sa jeune souveraine et, asservi à sa volonté, tout au plus
laisse-t-il voir son ennui et la trace d’un effort lorsqu’elle exigera
de lui, si imbu de la beauté antique et qui proscrit toute difformité, de
symboliser dans des êtres répugnants les vices honteux, la basse
envie et la grossière ignorance, qu’il va incarner dans des formes
aussi hideuses que les vices eux-mêmes.
A partir du moment où Isabelle d’Este a reçu le Parnasse et le
Combat delà Chasteté contre les Vices, tous les artistes qu’elle appellera
à elle vont se conformer à ce point de départ : ce sera le même esprit,
la même forme, le même ordre d’idées. Les allégories, la fable, les tra-
ditions de l’antiquité et ses mythes, sont les arguments substantiels.
Isabelle est bien de son temps; les peintres du moyen âge s’étaient
voués au culte de la Vierge et des saints, aux scènes de la Bible;
les humanistes, les platoniciens, et ceux qu’ils inspirent, sont revenus
au culte de l’antiquité et ils ressuscitent les dieux de l’Olympe.
Ceux qui dictent les arguments et inspirent les peintres du studiolo,
sont les Bembo, Nicolo Correggio, Mario Equicola, le Castiglione,
Paride Ceresara. Le Pérugin voué aux sujets sacrés, qui va venir
après Mantegna dans le studiolo d’Isabelle, subira la même loi; et son
œuvre, destinée à faire pendant à celle d’Andrea, sera la contre-
partie du sujet imposé à son grand devancier.
CHARLES YRIARTE.
{La suite prochainement.)