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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 13.1895

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Nr. 6
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Marx, Roger: Les salons de 1895, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24666#0470

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

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tante, le partage de l’enthousiasme, la passivité de l’être tout entier
absorbé par l'émotion qui l’étreint, le poinct, se sont traduits par
les mêmes stigmates, par les mêmes tensions du col, par les mêmes
poses verticales ou infléchies, par les mêmes accoudements ou la
même prostration. Ce sont ces marques, toujours identiques, du
trouble intérieur que M. Carrière a fixées avec la clairvoyance et la
compassion d’un philosophe. Pour atteindre à l’expression extrême,
il s’est inspiré, comme le veut Michelet, du peuple qui ressent plus
profondément et manifeste sans contrainte de tenue, en toute spon
tanéité, avec des mouvements libres et caractéristiques ; le théâtre
de quelque faubourg lui a servi de champ d’expériences, et des
longues veilles passées à épier l’agitation de la salle houleuse,
enfiévrée, de l’amas des observations graphiques et intellectuelles,
est résulté ce tableau, d’une cohésion telle que les personnages sem-
blent ne pas exister isolément, former un seul être, et que ce qui se
trouve là, mis à nu, confessé, c’est l’âme même de la foule. Le
vieux Poussin n’eût pas manqué de dire du Théâtre Populaire : «Voilà
des choses que l’on ne peut pas faire en sifflant, comme les peintres
de Paris qui, en se jouant, font des tableaux en vingt-quatre heures...
Il ne faut pas les voir à la hâte, mais avec tems, jugement et intel-
ligence. » Sur une œuvre aussi longuement mûrie, toute en retrait,
un regard furtif, jeté au passage, est impuissant à rien apprendre;
mais une contemplation moins hâtive découvre, à travers la pénombre,
pour l’esprit d’amples sujets d’étude, et pour les yeux de rares
séductions. Cette enveloppe tant reprochée, c’est celle qui donne à
l’ensemble son extraordinaire unité; dans cette gamme aux modu-
lations bistrées, les nuances s’avivent ou se dégradent, le modelé
s’écrit avec puissance et douceur, tout à la fois. Quelle autorité sau-
rait contester à M. Carrière le droit d’élire une tonalité et de n’en point
vouloir chercher de seconde, et pourquoi blâmer chez lui ce qui fut
admis, loué chez d’autres ?« Au point de vue technique, rapporte
M. Paul Girard, Zeuxis a rang de novateur. Il s’essaya à rendre les
jeux de la lumière et de l’ombre; il cultiva le monochrome, mais un
monochrome d’une nature particulière et très différent des
silhouettes à teintes plates où se dépensait la science rudimentaire
des peintres d’autrefois. C’étaient des espèces de grisailles dans les-
quelles le modelé des corps était exprimé à l'aide d’une seule couleur
additionnée de blanc en quantités variables. » L’art de M. Carrière
est-ilsi différent? Mais un système qui exige la vérité brutale réclame
la lumière crue, aveuglante et des témoignages précis comme des
 
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