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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 13.1895

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Nr. 6
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Ritter, William: Autriche et Allemagne, [1]: correspondance de l'étranger
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https://doi.org/10.11588/diglit.24666#0540

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514

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

contemporains de France, d'où l’amour de ce style était venu. Mais voici qu’après
l'exposition universelle de 1873, les bastions tombés, il y eut subitement contact
sur tous les points de la circonférence entre la ville commerçante et la ville impé-
riale, et la ceinture de colossaux édifices : trois théâtres, trois musées, une église,
un hôtel de ville et une université, sortis en quelques années des portefeuilles d'ar-
chitectes parfois éminents, tels que le baron Schmidt et le baron Ferstel, rempla-
cèrent les anciennes barrières par autant de traits d’union qu’il y avait jadis de
portes aux remparts et qu'il y a maintenant de rues aboutissant à ces centres
attractifs communs : Opéra, Théâtre de la Burg, Théâtre allemand, église votive,
Parlement, université, Musée d’histoire naturelle et Musée des collections artistiques
impériales.

Dès lors, il était clair que la vieille ville centrale ne résisterait pas à la conquête
du capitalisme étranger et qu'un multiple courant d’endosmose allait s’établir entre
les palais du centre et les jardins des faubourgs et entraîner avec lui le commerce
de l'un en l’autre. En effet, on vit dès lors les aristocrates se construire des palais
à Landstrasse et à Wieden, on vit des banques de change et de grands magasins
passer des faubourgs au centre de la ville, s'y sentir à l’étroit, éprouver le besoin
de s’agrandir, et le vieux Vienne fut frappé mortellement. Nous assistons aujour-
d'hui à son agonie. Tout s'en va; l’implacable pioche du démolisseur ne respecte
rien, ni les palais aux magnifiques proportions, ni les petites maisons bourgeoises
où le moyen âge et le xvme siècle se mêlent avec tant de bizarrerie pour former
un style ambigu d’un caractère si spécialement autrichien, ni le charme, inhé-
rent à certaines vieilles bâtisses, du souvenir d'actes historiques mémorables; et,
sur tous les points à la fois, de larges trouées éventrent les noires façades monu-
mentales, et d'immenses maisons de rapport les remplacent et déséquilibrent de
leurs blancs placards prétentieux et surchargés l'harmonie de lignes et de couleurs
des rues et des places; tandis qu’au contraire, par une réelle inconséquence, les
travaux de construction de la Burg se poursuivent sur les plans de son architecte
du siècle passé, Fischer von Erlach, dont la valeur réelle et posthume jouit de la toute
spéciale faveur du souverain actuel. Et lorsque, derrière cette Burg qui cherche à
prendre les proportions d’un Louvre, la cité aura subi avec moins de discrétion
l’opération capitale que le baron Haussmann fit jadis subir à Paris, Vienne aura
perdu tout le prestige pittoresque qui lui restait, cette unique façon artistique clas-
sique et autrichienne, dont il ne restera plus guère d’échantillons formant un
ensemble complet qu’à Prague ou en province, à Gratz, à Salzbourg, à Innsbruck
et dans certains châteaux et abbayes de campagne : Schlosshof, Melk, Klosterneu-
bourg, Durnstein.

A vivre plus longtemps dans la capitale autrichienne, l’impression première
persiste. On se convainc que l’aristocratie, en perdant le goût de la langue et des
habitudes françaises, a perdu aussi la tradition des demeures de grand style qu'elle
devait surtout au prince Eugène, et que la masse générale du public est infiniment
arriérée en fait d’art. On peut dire d'une façon à peu près absolue que les besoins
artistiques de l’Autriche sont nuis. En général, l’art fait défaut aussi bien dans les
salons que dans les magasins; on voit des chromolithographies dans des palais, et
peu de grands seigneurs se donnent la peine de masquer leur complète indifférence
et même leur mépris pour les beaux-arts. Le prince régnant de Liechtenstein, le
margrave Pallavicini. le comte Lanckoronski Brzezic sont de magnifiques exceptions,
 
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