62
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
piliers inférieurs. Mais Brunelleschi ne s’est inspiré que des piliers du
premier étage, qui ont 6 cannelures. Ce fut la forme favorite du premier
âge de la Renaissance, celle qui domina presque exclusivement pendant la
décade de 1440.
Comme type de la forme à huit cannelures, je citerai les pilastres de la
prison de Brescia.
Pour compléter ces recherches, j’ajouterai que, s’il est vrai que les
formes sont allées en se développant par une marche assez régulière, il
faut reconnaître que les formes primitives ont parfois survécu. La forme à
cinq cannelures se retrouve tardivement dans les œuvres d’Antonio Rossel-
lino et de Benedetto da Majano.
Après avoir étudié le stylé de l’architecture dans l’autel de
Modène, étudions le style des figures. Nous arrivons aux mêmes
conclusions relativement à la date de l’œuvre, et nous pourrons
déterminer l'école dont elle fait partie.
Les figures appartiennent encore au style gothique, par la mul-
tiplicité et la complication des plis, par la longueur des manteaux
recouvrant les pieds et s’étalant sur le sol, par le hanchement des
figures. Ce sont les traits caractéristiques que nous trouvons dans
l’art du maître le plus éminent de Florence au début du xvc siècle,
Niccolo d’Arezzo, et encore dans les premières œuvres de Ghiberti.
Notons un second caractère, qui est à ce moment particulier à la
Toscane et à l’Ombrie : c’est un sentiment religieux très profond, le
sentiment de la prière et de la chasteté monastique, qui se manifeste
à l’autel de Modène, dans le grand nombre des figures d’anges aux
fronts si purs, aux regards si tendres. Ces ravissantes figures, qui, les
mains jointes, tournent leurs jolis visages vers le ciel, figures d’une
perfection de formes qui égale la pureté de l’idée, sont dignes de
fra Angelico et de Luca délia Robbia. Un tel sentiment, une telle
délicatesse de formes, nous les chercherions en vain dans le milieu
vénitien, où tout semble tourné du côté de la grandeur et de la
puissance, et où l’on s’intéresse peu à ces délicieuses figures d’entants
que la Toscane chérit d’un si tendre amour. Tout cela, dans sa fleur,
dans sa grâce, c’est l’art créé à Florence sur la porte de la Mandorla,
par Niccolo d’Arezzo, art d’où est sorti, par une filiation directe, l’art
de Ghiberti et de Luca délia Robbia.
Le style de Niccolo d’Arezzo est encore rappelé à l’autel de
Modène par les beaux ornements latéraux qui enferment entre
leurs rinceaux de gracieuses figures nues, dans le style même de
la porte de la Mandorla,
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
piliers inférieurs. Mais Brunelleschi ne s’est inspiré que des piliers du
premier étage, qui ont 6 cannelures. Ce fut la forme favorite du premier
âge de la Renaissance, celle qui domina presque exclusivement pendant la
décade de 1440.
Comme type de la forme à huit cannelures, je citerai les pilastres de la
prison de Brescia.
Pour compléter ces recherches, j’ajouterai que, s’il est vrai que les
formes sont allées en se développant par une marche assez régulière, il
faut reconnaître que les formes primitives ont parfois survécu. La forme à
cinq cannelures se retrouve tardivement dans les œuvres d’Antonio Rossel-
lino et de Benedetto da Majano.
Après avoir étudié le stylé de l’architecture dans l’autel de
Modène, étudions le style des figures. Nous arrivons aux mêmes
conclusions relativement à la date de l’œuvre, et nous pourrons
déterminer l'école dont elle fait partie.
Les figures appartiennent encore au style gothique, par la mul-
tiplicité et la complication des plis, par la longueur des manteaux
recouvrant les pieds et s’étalant sur le sol, par le hanchement des
figures. Ce sont les traits caractéristiques que nous trouvons dans
l’art du maître le plus éminent de Florence au début du xvc siècle,
Niccolo d’Arezzo, et encore dans les premières œuvres de Ghiberti.
Notons un second caractère, qui est à ce moment particulier à la
Toscane et à l’Ombrie : c’est un sentiment religieux très profond, le
sentiment de la prière et de la chasteté monastique, qui se manifeste
à l’autel de Modène, dans le grand nombre des figures d’anges aux
fronts si purs, aux regards si tendres. Ces ravissantes figures, qui, les
mains jointes, tournent leurs jolis visages vers le ciel, figures d’une
perfection de formes qui égale la pureté de l’idée, sont dignes de
fra Angelico et de Luca délia Robbia. Un tel sentiment, une telle
délicatesse de formes, nous les chercherions en vain dans le milieu
vénitien, où tout semble tourné du côté de la grandeur et de la
puissance, et où l’on s’intéresse peu à ces délicieuses figures d’entants
que la Toscane chérit d’un si tendre amour. Tout cela, dans sa fleur,
dans sa grâce, c’est l’art créé à Florence sur la porte de la Mandorla,
par Niccolo d’Arezzo, art d’où est sorti, par une filiation directe, l’art
de Ghiberti et de Luca délia Robbia.
Le style de Niccolo d’Arezzo est encore rappelé à l’autel de
Modène par les beaux ornements latéraux qui enferment entre
leurs rinceaux de gracieuses figures nues, dans le style même de
la porte de la Mandorla,