Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 27.1902)

LES SALONS DE 1902

(deuxième article')

l’exposition des artistes indépendants

Peu avant l’ouverture des grands Salons, les serres de la Ville
de Paris se sont prêtées, pour un mois, aux tentatives des Artistes
Indépendants. Nul cadre mieux approprié à son contenu. Si l'on
fait abstraction des inévitables horreurs, des laborieuses aberrations
que le liltre d’un jury d’admission eût arrêtées au passage, il y avait
entre la gaieté lumineuse des verrières, la fraîcheur souple des ver-
dures et la majorité des œuvres auxquelles elles servaient de fond,
une harmonie qui, pour ne rien avoir de prémédité, n’en était pas
moins heureuse. On saisissait au vif, dans ces toiles de jeunes gens
lâchés en pleine fantaisie, nageant dans l’ivresse de leur liberté
première, cette nouveauté de l’œil encore vierge, ce fleurissement
spontané de la palette qui se ternissent et s’éteignent si vite. A ce
titre, cette exposition trop dédaignée formait une préface printanière
aux solennités apprêtées du lendemain, et il faut se hâter d’en noter
les promesses.

Citons en première ligne M. Laprade, en qui semble revivre un
peu de l’âme charmante de Berthe Morizot. Les formes féminines
qu’il allonge, dans une rêverie heureuse, parmi des parterres et des
statues, attirent comme des visions de félicité casanière. Plus modeste,
M. Lcbasque, en ses jardinets, sous une lumière criblée, accoude à
quelque table de fer une écolière laborieuse, adosse à quelque banc
rustique un bonhomme enfoui dans son journal, ou, dans des ver-
gers exigus, épanouit sur d’humbles travaux de lessive l’ombelle
i V. Gazette des Beaux-Arts, 3e pér., t. XXVII, p. 353.