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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Caïque bercerait mieux la rêverie du visiteur que le grondement des trains du
Métropolitain de Berlin. Mais peut-être ne faut-il pas trop demander au désin-
téressement archéologique des grandes puissances ; Olympie et Delphes prouvent
qu’elles ne sont pas incapables de travailler... pour le roi de Grèce.
La reconstitution et le rangement des dalles de la Gigantomachie ont été une
œuvre laborieuse, quoique facilitée par la découverte in situ d’une partie des
fragments, ainsi que par les marques d’assemblage de la corniche qui formait
une série continue tout autour de l'édifice. L’ordre adopté ne diffère que par
d’insignifiants détails de celui qu’a déterminé, dès 1888-1889, M. Puchstein, dans
une série de mémoires excellents, et c’est aussi à ce savant que nous devons
l’utile catalogue que nous annonçons. A une brève, mais claire et substantielle
introduction succède la description détaillée de tous les fragments conservés de
la frise, dans l’ordre où le visiteur est invité à la parcourir, et avec tous les ren-
seignements mythologiques désirables. Suivant la louable tradition des catalogues
des musées de Berlin, tous les groupes décrits sont figurés ; ce sont des dessins
au trait, sans prétention, mais suffisants pour orienter le lecteur et fixer les sou-
venirs du touriste. Des planches annexes donnent l’assemblage général de la
frise, la suite des marques de lapicide, le fac-similé des débris d’inscriptions
qui nous ont conservé les noms des personnages représentés et de quelques-uns
des artistes employés à cet immense travail.
11 est bien regrettable que l’opuscule de la Direction des musées n’ait pas
paru quelques semaines plus lard, de manière à pouvoir profiter de la belle
découverte de M. Héron de Villefosse : sur un médaillon du Pergame, connu
depuis longtemps, mais qui — chose presque incroyable — n’avait été ni regardé
ni utilisé par aucun des savants qui, depuis vingt-cinq ans, s’occupent des anti-
quités de Pergame, M. IL de Villefosse a retrouvé la seule représentation antique
que nous possédions de l’autel de Zeus. La démonstration est, à mon avis, con-
vaincante, et je crois rendre service à nos lecteurs en plaçant sous leurs yeux
le médaillon en question, d’après l’exemplaire de Londres *, mieux conservé que
celui de Paris. Pour apprécier l’importance de la découverte et les additions ou
modifications qu’elle apporte à nos connaissances, je rappelle en quelques mots
les faits acquis. L’autel de Zeus s’élevait dans la partie centrale d’une vaste ter-
rasse artificielle (150 mètres sur 90), qui se dresse au-dessus de l'agora de Per-
game. L’enceinte ou péribole de l’autel formait un rectangle (39 mètres sur 37),
élevé sur un massif soubassement. L’intérieur du rectangle était occupé par
l’autel proprement dit, précédé d’une plateforme, la prothysis, où l’on immolait
les victimes avant de les jeter dans les flammes. Sur trois côtés du rectangle
régnait un portique, c’est-à-dire une muraille, flanquée, à l’extérieur et proba-
blement à l’intérieur, d’une rangée de colonnes ioniques. Cette double colonnade
se terminait sur la face ouest (CD) par deux façades ou pylônes, entre lesquels
montait un escalier monumental. La frise de la Gigantomachie, composée de
dalles de marbre rapportées, couvrait, à une hauteur de 2m50, toute la surface
externe du soubassement sur ses trois côtés ; sur le quatrième, elle courait au-
dessous des pylônes, puis rentrait pour décorer la surface interne des ailes en
retour, échancrées parla tranchée de l’escalier ; dans cette partie, la hauteur des
1. Catalogue du British Muséum, Mysia, pl. XXX, p. 7. Je remercie M. Warwick
M roth de m’avoir communiqué une empreinte
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Caïque bercerait mieux la rêverie du visiteur que le grondement des trains du
Métropolitain de Berlin. Mais peut-être ne faut-il pas trop demander au désin-
téressement archéologique des grandes puissances ; Olympie et Delphes prouvent
qu’elles ne sont pas incapables de travailler... pour le roi de Grèce.
La reconstitution et le rangement des dalles de la Gigantomachie ont été une
œuvre laborieuse, quoique facilitée par la découverte in situ d’une partie des
fragments, ainsi que par les marques d’assemblage de la corniche qui formait
une série continue tout autour de l'édifice. L’ordre adopté ne diffère que par
d’insignifiants détails de celui qu’a déterminé, dès 1888-1889, M. Puchstein, dans
une série de mémoires excellents, et c’est aussi à ce savant que nous devons
l’utile catalogue que nous annonçons. A une brève, mais claire et substantielle
introduction succède la description détaillée de tous les fragments conservés de
la frise, dans l’ordre où le visiteur est invité à la parcourir, et avec tous les ren-
seignements mythologiques désirables. Suivant la louable tradition des catalogues
des musées de Berlin, tous les groupes décrits sont figurés ; ce sont des dessins
au trait, sans prétention, mais suffisants pour orienter le lecteur et fixer les sou-
venirs du touriste. Des planches annexes donnent l’assemblage général de la
frise, la suite des marques de lapicide, le fac-similé des débris d’inscriptions
qui nous ont conservé les noms des personnages représentés et de quelques-uns
des artistes employés à cet immense travail.
11 est bien regrettable que l’opuscule de la Direction des musées n’ait pas
paru quelques semaines plus lard, de manière à pouvoir profiter de la belle
découverte de M. Héron de Villefosse : sur un médaillon du Pergame, connu
depuis longtemps, mais qui — chose presque incroyable — n’avait été ni regardé
ni utilisé par aucun des savants qui, depuis vingt-cinq ans, s’occupent des anti-
quités de Pergame, M. IL de Villefosse a retrouvé la seule représentation antique
que nous possédions de l’autel de Zeus. La démonstration est, à mon avis, con-
vaincante, et je crois rendre service à nos lecteurs en plaçant sous leurs yeux
le médaillon en question, d’après l’exemplaire de Londres *, mieux conservé que
celui de Paris. Pour apprécier l’importance de la découverte et les additions ou
modifications qu’elle apporte à nos connaissances, je rappelle en quelques mots
les faits acquis. L’autel de Zeus s’élevait dans la partie centrale d’une vaste ter-
rasse artificielle (150 mètres sur 90), qui se dresse au-dessus de l'agora de Per-
game. L’enceinte ou péribole de l’autel formait un rectangle (39 mètres sur 37),
élevé sur un massif soubassement. L’intérieur du rectangle était occupé par
l’autel proprement dit, précédé d’une plateforme, la prothysis, où l’on immolait
les victimes avant de les jeter dans les flammes. Sur trois côtés du rectangle
régnait un portique, c’est-à-dire une muraille, flanquée, à l’extérieur et proba-
blement à l’intérieur, d’une rangée de colonnes ioniques. Cette double colonnade
se terminait sur la face ouest (CD) par deux façades ou pylônes, entre lesquels
montait un escalier monumental. La frise de la Gigantomachie, composée de
dalles de marbre rapportées, couvrait, à une hauteur de 2m50, toute la surface
externe du soubassement sur ses trois côtés ; sur le quatrième, elle courait au-
dessous des pylônes, puis rentrait pour décorer la surface interne des ailes en
retour, échancrées parla tranchée de l’escalier ; dans cette partie, la hauteur des
1. Catalogue du British Muséum, Mysia, pl. XXX, p. 7. Je remercie M. Warwick
M roth de m’avoir communiqué une empreinte