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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
grande révolution dans cet art spécial, ne coïncide ni avec la formation de l’art
moderne, ni avec la renaissance des arts de l’antiquité, mais bien avec l’appari-
tion dans la conscience humaine du sentiment de la beauté de la nature prise en
elle-même, vierge et libre. C’est au moment où l’on s’aperçut que les montagnes
n’étaient pas des déserts affreux et des chaos de rochers dépourvus de toute
grâce et de toute beauté, que les forêts avaient leur poésie et leur grandeur,
c’est au temps de Jean-Jacques Rousseau, c’est en plein xvme siècle, que Ton
renonça à l'antique conception du jardin dit régulier. Alors apparaît le jardin
paysager, que l’on appelle encore le jardin anglais, et ajuste titre, car les Anglais
furent des premiers à éprouver ce sentiment tout moderne de la nature, à le
faire passer dans leurs œuvres de poésie comme de peinture, et aussi dans ces
œuvres d’art véritables, que furent les grands parcs dessinés par un William
Kent, par exemple.
De notre temps, ce sentiment s’est développé de plus en plus; on a renoncé
aux exagérations de pittoresque que se permirent les introducteurs du genre
anglais en France, comme aussi aux enjolivements sentimentaux, temples,
tombeaux, fausses chaumières, qui faisaient les délices de nos arrière-grands-
pères. Éclectiques et dilettantes, nous sommes pris parfois de retours d’affection
pour les antiques jardins réguliers, mais ce que nous y cherchons et y aimons,
c’est peut-être plus les effets de la nature reprenant ses droits que les artifices
ingénieux des décorateurs d’autrefois, et les longues allées de Versailles nous
touchent peut-être surtout lorsque les grands arbres vieillissants ont quelque peu
rompu la symétrie chère à Le Nôtre.
PAUL vIT R Y
L’Imprimeur-gérant : André MARTY.
PARIS. — IMPRIMERIE DE LA « GAZETTE DES BEAUX-ARTS », 8, RUE FAVART.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
grande révolution dans cet art spécial, ne coïncide ni avec la formation de l’art
moderne, ni avec la renaissance des arts de l’antiquité, mais bien avec l’appari-
tion dans la conscience humaine du sentiment de la beauté de la nature prise en
elle-même, vierge et libre. C’est au moment où l’on s’aperçut que les montagnes
n’étaient pas des déserts affreux et des chaos de rochers dépourvus de toute
grâce et de toute beauté, que les forêts avaient leur poésie et leur grandeur,
c’est au temps de Jean-Jacques Rousseau, c’est en plein xvme siècle, que Ton
renonça à l'antique conception du jardin dit régulier. Alors apparaît le jardin
paysager, que l’on appelle encore le jardin anglais, et ajuste titre, car les Anglais
furent des premiers à éprouver ce sentiment tout moderne de la nature, à le
faire passer dans leurs œuvres de poésie comme de peinture, et aussi dans ces
œuvres d’art véritables, que furent les grands parcs dessinés par un William
Kent, par exemple.
De notre temps, ce sentiment s’est développé de plus en plus; on a renoncé
aux exagérations de pittoresque que se permirent les introducteurs du genre
anglais en France, comme aussi aux enjolivements sentimentaux, temples,
tombeaux, fausses chaumières, qui faisaient les délices de nos arrière-grands-
pères. Éclectiques et dilettantes, nous sommes pris parfois de retours d’affection
pour les antiques jardins réguliers, mais ce que nous y cherchons et y aimons,
c’est peut-être plus les effets de la nature reprenant ses droits que les artifices
ingénieux des décorateurs d’autrefois, et les longues allées de Versailles nous
touchent peut-être surtout lorsque les grands arbres vieillissants ont quelque peu
rompu la symétrie chère à Le Nôtre.
PAUL vIT R Y
L’Imprimeur-gérant : André MARTY.
PARIS. — IMPRIMERIE DE LA « GAZETTE DES BEAUX-ARTS », 8, RUE FAVART.