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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 27.1902

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Nr. 4
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Lafenestre, Georges: La collection Thomy-Thiéry, 2
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290

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

vigueur et quelle fraîcheur dans ses impressions ! Quelle sincérité et
quelle hardiesse, variée, nette, vive, dans son coup de pinceau, plus
résolu, plus incisif que celui de Jules Dupré, guidé par une obser-
vation des choses plus méthodique et plus calme ! L’enthousiasme
pour les forces et les grandeurs du monde végétal est, à coup sûr,
au moins aussi ardent et continu chez lui; mais c’est une passion
plus maîtresse d’elle-même, moins nerveuse, moins inquiète, qui
laisse à la main plus de sûreté, comme à l’imagination plus de tran-
quillité. Le génie viril de Rousseau est un génie pacifique et paci-
fiant. Tandis que chez Jules Dupré, le phénomène observé, dans sa
solennité anxieuse ou sa complication poétique, est presque toujours
un phénomène passager, de courte durée, dont il faut prévoir, avec
crainte ou espoir, la transformation prochaine, presque toujours,
au contraire, chez Rousseau, le phénomène est une manifestation
normale, régulière, de la nature, saine et féconde, accomplissant avec
sérénité la révolution des saisons pour la joie des yeux de l’homme
et la consolation de ses soucis. Dans les paysages de Rousseau, on
peut rester longtemps, s’y asseoir, s’y coucher, en rêvant, en regar-
dant, comme le font les rares figures qu'il y pose, et le repos y sera
salubre, et la contemplation, si longue qu’elle soit, douce, instruc-
tive, fortifiante.

Dans ce bel ensemble, le Village sous les arbres, les Chênes, les
Bords de la Loire, donnent peut-être le mieux cette impression d’un
génie pacifique d’artiste puissamment pénétré par la grandeur paci-
fique de la nature. Avec quelle majesté heureuse, dans le Village,
en groupe serré, des arbres immenses, superbes géants, vigoureux,
plantureux, largement étoffés, tiennent suspendues leurs masses
silencieuses et opaques de verdures solides au-dessus de quelques
humbles chaumines, tranquillement assises sous leurs dômes opu-
lents ! La vie est douce et facile dans ce coin abrité, pour les gens
comme pour les plantes. Les Chênes, les cinq gros chênes, isolés, mal
groupés, les pieds enfoncés dans une terre molle, sur un plateau
marécageux, ont eu plus de peine à grandir, et ils ont aussi plus de
peine à vivre ; branchages plus tordus, frondaisons moins com-
pactes, feuillées moins luisantes, brûlés par le soleil, ébouriffés
par l'orage, ce sont arbres moins nobles, d’allures gauches, de ron-
deurs lourdes et campagnardes ; mais avec quelle simplicité robuste
et bonne ils étalent, en file protectrice, leurs grosses têtes hérissées
et touffues, pour abriter du soleil ou de la pluie le bétail qui
rumine et le bouvier en guenilles ! Un des traits aussi du génie de
 
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