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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
ments d’une vente assurée. Les collectionneurs, et, il faut bien le
dire aussi, les conservateurs de musées par le bon accueil fait aux
offres de ces modernes barbares, ne sont pas complètement inno-
cents des dommages ainsi causés systématiquement à ces vieilles
pierres dont la conservation’ sur place, si tout devait toujours
se passer d’une manière normale, serait certainement préférable au
transport dans nos galeries publiques. Mais cette manière de voir, il
ne faut pas se le dissimuler, n’est guère approuvée qu’en théorie,
tant est grande la place prise aujourd’hui par le musée, devenu par
la force des choses le principal auxiliaire de l’archéologie.
Quand le mal a pris une si grande extension, il convient d’y
apporter un prompt et radical remède, et c’est ce qu’a su faire, avec
son sens très vif des réalités, M. Maspero, directeur général du Ser-
vice des antiquités de l’Egypte. Jugeant que les mesures adoptées
par ses prédécesseurs n’avaient pas donné tous les résultats atten-
dus, que l’interdiction des fouilles non réglementées et de l’expor-
tation en dehors des conditions fixées par le règlement des fouilles
n’empêchaient pas les bédouins d’accumuler dans des cachettes les
produits de leurs incessantes déprédations et de constituer ainsi de
véritables entrepôts clandestins de pièces plus ou moins transpor-
tables, mais qui tôt ou tard finissaient par prendre le chemin des
musées d’Europe et d’Amérique, il se préoccupa d’arrêter le mal à
sa source. Le moyen tout indiqué était d’inviter les grands établis-
sements scientifiques à faire cause commune avec le Service des
antiquités contre les marchands, en échange de concessions dirigées
contre le trafic des bédouins, puisqu’elles avaient pour principal
résultat de le rendre inutile.
Il s’agissait d’abord de faire un départ entre les monuments
d’une conservation facile, tels que les temples et les tombes acces-
sibles et qu'une bonne clôture, à défaut d’un gardiennage perma-
nent, suffisait à protéger, et les monuments d’un accès difficile, dont
la mise en état de conservation pouvait être onéreuse à cause des
travaux d’approche qu’elle nécessitait, mais que la sagacité des-
tructive des spoliateurs savait toujours atteindre. Do ce nombre sont
les petits mastabas de Saqqârah, véritables bijoux de musée que
Mariette ne s’était pas fait scrupule de démonter pour tapisser sa salle
de l’Ancien Empire à Boùlàq, — ce qui, je dois le dire, a puissam-
ment contribué à mieux faire connaître l’art merveilleux d’une époque
qui ne nous a guère laissé que des tombes. Le lecteur tirera do lui-
même la conclusion : permettre aux musées d’Europe ce que Ma-
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ments d’une vente assurée. Les collectionneurs, et, il faut bien le
dire aussi, les conservateurs de musées par le bon accueil fait aux
offres de ces modernes barbares, ne sont pas complètement inno-
cents des dommages ainsi causés systématiquement à ces vieilles
pierres dont la conservation’ sur place, si tout devait toujours
se passer d’une manière normale, serait certainement préférable au
transport dans nos galeries publiques. Mais cette manière de voir, il
ne faut pas se le dissimuler, n’est guère approuvée qu’en théorie,
tant est grande la place prise aujourd’hui par le musée, devenu par
la force des choses le principal auxiliaire de l’archéologie.
Quand le mal a pris une si grande extension, il convient d’y
apporter un prompt et radical remède, et c’est ce qu’a su faire, avec
son sens très vif des réalités, M. Maspero, directeur général du Ser-
vice des antiquités de l’Egypte. Jugeant que les mesures adoptées
par ses prédécesseurs n’avaient pas donné tous les résultats atten-
dus, que l’interdiction des fouilles non réglementées et de l’expor-
tation en dehors des conditions fixées par le règlement des fouilles
n’empêchaient pas les bédouins d’accumuler dans des cachettes les
produits de leurs incessantes déprédations et de constituer ainsi de
véritables entrepôts clandestins de pièces plus ou moins transpor-
tables, mais qui tôt ou tard finissaient par prendre le chemin des
musées d’Europe et d’Amérique, il se préoccupa d’arrêter le mal à
sa source. Le moyen tout indiqué était d’inviter les grands établis-
sements scientifiques à faire cause commune avec le Service des
antiquités contre les marchands, en échange de concessions dirigées
contre le trafic des bédouins, puisqu’elles avaient pour principal
résultat de le rendre inutile.
Il s’agissait d’abord de faire un départ entre les monuments
d’une conservation facile, tels que les temples et les tombes acces-
sibles et qu'une bonne clôture, à défaut d’un gardiennage perma-
nent, suffisait à protéger, et les monuments d’un accès difficile, dont
la mise en état de conservation pouvait être onéreuse à cause des
travaux d’approche qu’elle nécessitait, mais que la sagacité des-
tructive des spoliateurs savait toujours atteindre. Do ce nombre sont
les petits mastabas de Saqqârah, véritables bijoux de musée que
Mariette ne s’était pas fait scrupule de démonter pour tapisser sa salle
de l’Ancien Empire à Boùlàq, — ce qui, je dois le dire, a puissam-
ment contribué à mieux faire connaître l’art merveilleux d’une époque
qui ne nous a guère laissé que des tombes. Le lecteur tirera do lui-
même la conclusion : permettre aux musées d’Europe ce que Ma-