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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 33.1905

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Nr. 3
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Hourticq, Louis: Un amateur de curiosités sous Louis XIV, 2: Louis-Henri de Loménie, comte de Brienne; d'aprés un manuscript inédit
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https://doi.org/10.11588/diglit.24815#0278

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250

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

séda aussi un dessin de Poussin qu’il décrit en ces termes : « J’ay
eu de sa main, parmy ses desseins faits d’après nature, une Aurore
en rouge et en noir. Il n’y avoit point de figure de l’Aurore, mais
seulement les accidents de lumière que l’Aurore produit en se levant1. »
Enfin, il paraît bien, par son manuscrit, que Brienne a conservé
un dernier Poussin, dont il 11e s’est pas séparé volontiers, puis-
qu’il le possède encore au moment où il écrit. Ce tableau représente
une Vénus dont la nudité a, dit-il, beaucoup choqué son entou-
rage, au point qu’il a dû se résigner à un pieux sacrilège et sac-
cager l’idole païenne. On a peine à le croire; et, d’ailleurs, ce qu’il
dit est loin d’être net. Qu’on en juge. Il écrit d’abord à propos
d’une Vénus de Titien pour laquelle un M. Mazel avait une admira-
tion trop forte : « J’ay fait couvrir par M. de Cany d’un drap la belle
Vénus de Poussin qui m’a fait tant d’affaires dans le séminaire où
je suis, quoyque ce tableau, d’ailleurs excellent, et qui peut être vu
de tout le monde en l’état qu’il est maintenant, n’est pourtant
jamais montré [?]. Je seray obligé de m’en défaire. J’en ay vu en
Italie, chez des Cardinaux d’aussy nuds et de moins chastes. Mais
en France les nudités ne sont plus souffertes2. » Pauvre Brienne!
il n’était plus de son temps. Il aimait à voir la belle chair en pein-
ture ; il fallut couvrir du mouchoir de Tartufe ce qui pouvait faire
venir de coupables pensées.

Il est à craindre que la dévotion ne se soit pas contentée de voiler
la Vénus de Brienne et soit allée jusqu’à la fureur iconoclaste. Le
mot cité tout à l’heure : « ce tableau peut être vu de tout le monde,
dans l'état qu’il est maintenant », ce mot est déjà inquiétant. L’inquié-
tude n’est que trop justifiée par cet aveu : « Je diray à ce sujet que,
depuis quelques jours, j’ay fait couvrir un tableau de Vénus, quatre
figures, qui est, à la vérité, trop nud eL trop immodeste, mais que
j’ay rendu, en le coupant et en conservant la figure de Vénus,
supportable aux yeux chastes. J’ai fait couper le tableau en deux.
Et comme je voulois principalement conserver trois amours qui
veilloient Vénus au pied de son lit, où posoient ses jambes pendant
qu’elle sommeille, j’ay fait effacer ces belles jambes de la déesse,
et replacer sa teste du costé où estoient ses pieds. Ainsy c’est main-
tenant que les amours sont au chevet du lit de Cythère, et ainsy,
j’ay, au lieu d’une figure qu’on n’ose regarder, une teste et des
bras placés par-dessus d’un air nonchalant qui sonL d’une beauté

\. Ms., col. 216.

2. Ms,, col. 55.
 
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