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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 33.1905

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Nr. 3
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Hourticq, Louis: Un amateur de curiosités sous Louis XIV, 2: Louis-Henri de Loménie, comte de Brienne; d'aprés un manuscript inédit
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https://doi.org/10.11588/diglit.24815#0279

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UN AMATEUR DE CURIOSITÉS SOUS LOUIS XIV 251

ravissante, et trois amours aussi beaux que l’amour mesme. L’indé-
cence de ce tableau consistoit en ce que la déesse dormant, ou fai-
sant semblant de dormir, levoit une jambe qui découvroit trop le
nud du siège d’amour. De l’autre manière, il ne paraît plus. Les
jambes et la cuisse immodestes sont coupées, et il ne reste que
la teste de la principale figure, avec les trois amours, qui ne
peuvent estre plus charmants qu’ils sont1. » L’opéralion n’est pas aisée
à concevoir; mais il n’est que trop clair qu’une Vénus fut privée de
son corps, pour ne pas échauffer l’imagination de jeunes sémina-
ristes et d’un vieillard encore vert. Ce fut la stricte application du
précepte évangélique : « Si ton bras droit fait scandale, coupe-Ie et
jette-le. » Il arrive toujours un temps où les œuvres nées dans
l’amour des beautés naturelles semblent un défi aux vertus ascé-
tiques. Qu'on se rappelle le mot de La Bruyère, d’une dureté bien
intransigeante chez un homme qui n’élait ni un Savonarole, ni un
Calvin: « Que les saletés des dieux, la Vénus, le Ganymède et les
autres nudités du Carache aient été faites pour des princes de
l’Eglise, et qui se disent successeurs des apôtres, le palais Farnèse
en est la preuve2 »; et l’on comprend alors par quelles sollicitations
et quelles exigences le pauvre Briennc, suspect pour ses mœurs
passées, astreint à donner des gages de sa réhabilitation, fut enfin
obligé de trouver indécente une Vénus qu’il avait jusqu’alors
contemplée avec amour. Sa véritable faiblesse fut de ne pouvoir
s’en séparer et d’aimer mieux la mutiler que de la perdre.

LOUIS H O U R TIC Q

(La suite prochainement.)

1. Ms., col. 2oi.

2. La Bruyère, Caractères : De quelques usages.
 
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