DOI Heft:
Nr. 3
DOI Artikel:Ritter, William: L' art moderne à Prague: correspondance d'Autriche
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
254
répertoire des altistes tchèques dû à la plume de M. H. Hantich et paru récem-
ment sous le titre L’Art tchèque',— malheureusement pas illustré, et ce n’est pas
la faute de l’auteur, avec tout le discernement désirable, — nous fournirait une
excellente occasion de revenir sur les noms vénérés à Prague à plus ou moins
juste titre. Mais il nous paraît infiniment plus urgent de mettre hors pair, après
examen attentif des dernières expositions, les cinq ou six individualités tout à
fait marquantes, parmi ceux d’entre ces artistes nouveaux qui atteignent, en même
temps qu’à leur maturité à la plénitude de leurs moyenset àla franche originalité.
Le premier est M. Max Svabinsky. On a de lui des portraits d’un dessin extrê-
mement incisif. Même lorsqu’il peint, il recourt à la plume et poursuit jusque
dans la pénombre la plus molle quelque chose d’arrêté et de précis qui met dans
l’âme du spectateur une impression de sécurité et de certitude sans aucun détri-
ment de celle de poésie etde naturel produite par la couleur. Il arrive à pratiquer
ainsi une sorte de divisionnisme d’un nouveau genre où de rudes traits noirs
hachant les tons menu, loin d’en intercepter la lumière, en redoublent la vibra-
tion. Un portrait de femme debout, en robe de dentelle, traité de la sorte, aussi
bien qu’un champ de blé et un bouquet d’arbres courbés sous l’orage, procurent
un genre de saisissement analogue à celui que naguère l’on éprouva devant les
premières recherches pointillistes. D’autant plus qu’il réserve de vastes espaces
violemment monochromes sans plus rien de ce tricolage noir. Il aime ainsi
modeler ses portraits dans un premier plan tout d'ombre sur un fond de grand
soleil. Telle sa Grand’mère ou bien ces Deux femmes assises dans une prairie, de
la dernière exposition Manès. Généralement il recherche cette opposition, con-
traire à la tradition, du portrait noir et détaillé sur fond clair ou sur page laissée
blanche. Ainsi son fameux portrait de Rieger. Les principales célébrités tchèques
et les femmes de la société de Prague ont à l’envi posé pour lui : MM. Masaryk et
Svatopluk Cech, Mmo Jaroslav Goll et Mme Doubek. A l’étranger nous trouvons
même M. Maeterlinck. Très chercheur et très coloriste, on voit de loin en loin
M. Svabinsky verser dans de formidables erreurs qu’on ne songe même pas à lui
reprocher, tant on ale sentiment qu'il est impossible qu'il n'en soit pas le pre-
mier épouvanté et tant elles sentent l’écart d’un cheval de race cabré : ainsi cer-
taine affiche qu’il serait même cruel de désigner plus explicitement après qu'elle
a si longtemps hurlé sur les murs vénérables du vieux Prague. Chose étrange, cet
amoureux de pénombre et de crépuscule dans des intérieurs humbles, de
silhouettes délicates comme celle de sa tisseuse assise au métier en contre-
jour, de chambres où une seule bougie étend la vibration de sa molle lumière
à travers les tamis de croissante obscurité, ce subtil du dessin veut être à cer-
taines heures celui qui violente par les rouges, les bleus, les jaunes et les verts
exaspérés. On a alors l’impression d’un Georges Rodenbach subitement aliéné
qui interromprait le « règne du silence » par des cris poussés à tue-tête. Il faut
attendre beaucoup de M. Svabinsky, car il est à la fois patient et fougueux, aussi
sérieux que capable de folie et aussi travailleur qu’indiscipliné. Il voit blond et
harmonieux, et il voit écarlate ou tricolore.
Il faut beaucoup attendre de M. Arnost Hofbauer pour les raisons contraires.
Nul mieux que lui ne se possède, ne se restreint. La moindre chose sortie d'entre
1. L’Art tchèque au xix* siècle, par Henri Hantich. Préface de Charles Nermand.
Paris, PerLnnim; Prague, Topie. In-folio, ol p. av. 16 itl.
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répertoire des altistes tchèques dû à la plume de M. H. Hantich et paru récem-
ment sous le titre L’Art tchèque',— malheureusement pas illustré, et ce n’est pas
la faute de l’auteur, avec tout le discernement désirable, — nous fournirait une
excellente occasion de revenir sur les noms vénérés à Prague à plus ou moins
juste titre. Mais il nous paraît infiniment plus urgent de mettre hors pair, après
examen attentif des dernières expositions, les cinq ou six individualités tout à
fait marquantes, parmi ceux d’entre ces artistes nouveaux qui atteignent, en même
temps qu’à leur maturité à la plénitude de leurs moyenset àla franche originalité.
Le premier est M. Max Svabinsky. On a de lui des portraits d’un dessin extrê-
mement incisif. Même lorsqu’il peint, il recourt à la plume et poursuit jusque
dans la pénombre la plus molle quelque chose d’arrêté et de précis qui met dans
l’âme du spectateur une impression de sécurité et de certitude sans aucun détri-
ment de celle de poésie etde naturel produite par la couleur. Il arrive à pratiquer
ainsi une sorte de divisionnisme d’un nouveau genre où de rudes traits noirs
hachant les tons menu, loin d’en intercepter la lumière, en redoublent la vibra-
tion. Un portrait de femme debout, en robe de dentelle, traité de la sorte, aussi
bien qu’un champ de blé et un bouquet d’arbres courbés sous l’orage, procurent
un genre de saisissement analogue à celui que naguère l’on éprouva devant les
premières recherches pointillistes. D’autant plus qu’il réserve de vastes espaces
violemment monochromes sans plus rien de ce tricolage noir. Il aime ainsi
modeler ses portraits dans un premier plan tout d'ombre sur un fond de grand
soleil. Telle sa Grand’mère ou bien ces Deux femmes assises dans une prairie, de
la dernière exposition Manès. Généralement il recherche cette opposition, con-
traire à la tradition, du portrait noir et détaillé sur fond clair ou sur page laissée
blanche. Ainsi son fameux portrait de Rieger. Les principales célébrités tchèques
et les femmes de la société de Prague ont à l’envi posé pour lui : MM. Masaryk et
Svatopluk Cech, Mmo Jaroslav Goll et Mme Doubek. A l’étranger nous trouvons
même M. Maeterlinck. Très chercheur et très coloriste, on voit de loin en loin
M. Svabinsky verser dans de formidables erreurs qu’on ne songe même pas à lui
reprocher, tant on ale sentiment qu'il est impossible qu'il n'en soit pas le pre-
mier épouvanté et tant elles sentent l’écart d’un cheval de race cabré : ainsi cer-
taine affiche qu’il serait même cruel de désigner plus explicitement après qu'elle
a si longtemps hurlé sur les murs vénérables du vieux Prague. Chose étrange, cet
amoureux de pénombre et de crépuscule dans des intérieurs humbles, de
silhouettes délicates comme celle de sa tisseuse assise au métier en contre-
jour, de chambres où une seule bougie étend la vibration de sa molle lumière
à travers les tamis de croissante obscurité, ce subtil du dessin veut être à cer-
taines heures celui qui violente par les rouges, les bleus, les jaunes et les verts
exaspérés. On a alors l’impression d’un Georges Rodenbach subitement aliéné
qui interromprait le « règne du silence » par des cris poussés à tue-tête. Il faut
attendre beaucoup de M. Svabinsky, car il est à la fois patient et fougueux, aussi
sérieux que capable de folie et aussi travailleur qu’indiscipliné. Il voit blond et
harmonieux, et il voit écarlate ou tricolore.
Il faut beaucoup attendre de M. Arnost Hofbauer pour les raisons contraires.
Nul mieux que lui ne se possède, ne se restreint. La moindre chose sortie d'entre
1. L’Art tchèque au xix* siècle, par Henri Hantich. Préface de Charles Nermand.
Paris, PerLnnim; Prague, Topie. In-folio, ol p. av. 16 itl.