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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5. Pér. 1.1920

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Nr. 3-4
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Forthuny, Pascal: M. Paul Baudier: peintres-graveurs contemporains
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https://doi.org/10.11588/diglit.24918#0236

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M. PAUL BAUDIER

219

tout s’ordonne en menus détails, le retient moins que ces libres panoramas
de terre, massés en vastes nappes, striés de longues en (ailles et sur lesquels
s’architecture le théâtre sans bornes où le vent joue ses tragédies.

Ce que publie ici la Gazette des Beaux-Arts définit l’acheminement de
cette préférence, depuis le temps où M. Baudier cherchait son sentier sur la
plaine. Il a vu l’enclos de la petite chapelle romane et n'a pu résister à en
conserver un souvenir écrit. Il a vu l’église de Beaumont et s’est laissé
retenir par le jeu des ombres sur la place. Il a vu quatre arbres au bord d’un
pré, mais ne s’est vraisemblablement décidé a en graver les volumes que pour
faire chanter derrière eux la lumière d'un ciel d’été. Il a vu les escarpements du
Salève, mais surtout la coulée des sols glissants et l’élan des nuées par-dessus
les ondulantes crêtes. lia vu l’astre rayonner comme une fleur ardente dernère
le fuseau des peupliers et, en cette planche, il a conjugué les techniques,
adroitement, pour faire valoir ses blancs purs, la netteté de ses noirs, puis le
détail des herbages. Ce n’est pas, d’abord, de la gravure, mais un paysage,
un ciel, un bouquet d’arbres, un sol,... et puis, après, un « bois gravé ». lia
vu, dans l’Oberland, la vieille tricoteuse et il nous la montre, fidèlement,
telle qu’elle était.

Il estàprésumer queM. Paul Baudier aura d’autres révélations. Il voyagera.
On aimerait le voir partir vers les mornes solitudes de l’Aragon et de la
Navarre, là où, sur des levées de pierres rudes, s’éloignent, profilés, seuls,
contre la magie des soirs, d'authentiques Sanchos et Don Quichottes, cava-
liers silencieux. Il apprécierait ces pays. Mais ne préjugeons pas de son
avenir. Attcndons-le, de confiance; c’est celui d’un bel artiste. Ce que l’on
peut, tout au plus, se permettre de présager, c’est que M. Baudier a bien l’in-
tention de ne plus ajouter, à l’image d’Epinal où est si simplement relatée sa
vie, de planches violentes, gravées à coups véhéments. Gharleroi et Pader-
born lui suffisent. O11 devine plutôt que la feuille de papier blanc se couvrira
de sujets aussi « désenfiévrés » que la vie d’aujourd’hui le permet, et que le
dernier, dans bien des années, montrera un vieux graveur, heureux de son
sort, satisfait de son labeur, point vaniteux de ses lauriers, bien réjoui
d’avoir vu grandir et prospérer sa petite famille, et achevant ses jours, en
sage, loin du bruit, dans une chaumière très paysanne, dont le jardin se
bornera d’une rivière tranquille, et d’où l’on verra par la fenêtre, après trois
peupliers, toute une campagne aux lignes apaisées, jusqu’à perte de vue, là-
bas où le ciel commence...

PASCAL FORTHUNY
 
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