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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5. Pér. 1.1920

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Nr. 3-4
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Malo, Henri: J.-M. Michel Cazin (1869 - 1917)
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https://doi.org/10.11588/diglit.24918#0312

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

294

déployant sa serviette: « C’est gentil d’avoir pensé à nous réunir!... »

Une épouvantable explosion se produisit, juste au-dessus de leur tête. Sur
le pont du torpilleur, un quartier-maître manœuvrait une torpille qui venait
de lui éclater entre les mains.

Mme Berthe Cazin n’entendit pas l’explosion. Elle sentit un souille lui
passer sur la nuque ; elle vit l’eau s'engouffrer dans le navire : elle perçut
une voix qui criait: « Sauvez la dame! » Puis, elle perdit connaissance.
La joue et le cuir chevelu déchirés, on la transporta à l’hôpital, la tête cou-
verte de sang. C’est ce qui donna lieu au bruit qu elle avait été tuée. Plus
tard, on constata le décollement de la rétine d’un de ses yeux : il 11e voyait plus.

Le lieutenant de vaisseau Erzbischoff, les deux bras arrachés, ne tarda pas
à succomber. Quant à Michel Cazin, il coula avec le contre-torpilleur. Lorsque,
dix jours plus tard, on parvint à relever la Rafale, il n’avait pas bougé: on
le retrouva assis devant la table; il ne portait aucune blessure apparente ; il
était mort de la commotion.

J’ai tenu à rapporter en détail les circonstances de cet événement, car je
fus à même de les connaître avec exactitude, et, dès le premier jour, sur la
foi de dépêches hâtivement transmises aux journaux et publiées sans contrôle,
une légende se créa, qui n’avait pas le sens commun.

L'artiste disparu, il reste l’œuvre. A la voir si variée dans ses modes d’ex-
pression, si inventive dans ses moyens, si admirablement une dans son inspi-
ration, si nourrie de pensée, si chargée de poésie, le regret s’avive de cette
brisure nette qui l’interrompit avant le temps. Mais, telle qu’elle est, elle sub-
siste. Elle survit, et en elle 1 artiste se survit. Elle participe de l’éternel, par
l'absolu de perfection qu elle contient. Et cette vertu inhérente à sa substance
nous apporte une suprême consolation.

HENRI MALO

PAR MICHEL CAZIN
 
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