DOI Heft:
Nr. 5
DOI Artikel:Bernard, Emile: Alessandro Magnasco (1667 - 1749)
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.24918#0381
ALESSANDRO MAGNASCO
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et, ainsi qu’en les tombeaux on trouve dans son pittoresque l'infini du déla-
brement. Les pauvres s’y sont habillés des défroques du grand seigneur, les
ruffians des oripeaux du reître ; le moine est un mendiant, et le mendiant a
des muscles capables de faire trembler le passant auquel il quémande. Le
luxe et le raffinement ont affaibli les classes nobles, tandis que les gens du
peuple sont retournés à la force et à la nudité de la nature. Tout, jusqu’aux
paysages meublés de ruines, a la tristesse d’une chose qui se meurt ; et la
tempête elle-même semble déchaînée pour balayer de ses vagues furibondes
le chaos de la société. Ce sont ici les épaves d’une époque héroïque, galante,
chevaleresque, parfumée, que la richesse et le plaisir ont conduite à la
déliquescence, à la dégradation et au dénuement; et le loqueteux porte un
vieil habit de genlilhomme comme le portique inutile et ruiné porte un
blason. C’est une chose étrange pour l’imagination et la pensée que ce
mélange constant de volupté et de grossièreté, de musc et d’ail, de richesse et
de misère. Bizarre repaire où la beauté a la lèpre, où la splendeur brille sur
des écroulements.
Magnasco s’incarne tout entier dans la peinture de ce temps singulier ;
outre son mysticisme de férocité et d’austérité barbare, il représente cette
fin de la vieille société aristocratique tuée par son raffinement, ses recher-
ches exquises et ses plaisirs épuisants. Seuls restent debout les loqueteux
pleins de poux et de soleil, les mendiants nus, musclés comme Hercule, et
les moines pareils aux arbres des forêts abandonnées. Sur tout cela plane le
mystère obsédant d’un avenir inconnu, du regret et de 1 irrémédiable.
Beaucoup d’œuvres de Magnasco nous resteront donc indéchiffrables ; en
vain essaiera-t-on d’en comprendre le sujet; elles appartiennent essentielle-
ment aux cataclysmes de son siècle. Ce sont de magnifiques morceaux de
virtuosité picturale : on y sent vivre les passions et les vices, les aspirations
et les rêves; c’est une floraison artiste des plus caractéristiques, émanée
d un tempérament qui fut tout nerf, tout flamme et tout esprit.
ÉMILE BERNARD
- 5e PÉRIODE.
*7
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et, ainsi qu’en les tombeaux on trouve dans son pittoresque l'infini du déla-
brement. Les pauvres s’y sont habillés des défroques du grand seigneur, les
ruffians des oripeaux du reître ; le moine est un mendiant, et le mendiant a
des muscles capables de faire trembler le passant auquel il quémande. Le
luxe et le raffinement ont affaibli les classes nobles, tandis que les gens du
peuple sont retournés à la force et à la nudité de la nature. Tout, jusqu’aux
paysages meublés de ruines, a la tristesse d’une chose qui se meurt ; et la
tempête elle-même semble déchaînée pour balayer de ses vagues furibondes
le chaos de la société. Ce sont ici les épaves d’une époque héroïque, galante,
chevaleresque, parfumée, que la richesse et le plaisir ont conduite à la
déliquescence, à la dégradation et au dénuement; et le loqueteux porte un
vieil habit de genlilhomme comme le portique inutile et ruiné porte un
blason. C’est une chose étrange pour l’imagination et la pensée que ce
mélange constant de volupté et de grossièreté, de musc et d’ail, de richesse et
de misère. Bizarre repaire où la beauté a la lèpre, où la splendeur brille sur
des écroulements.
Magnasco s’incarne tout entier dans la peinture de ce temps singulier ;
outre son mysticisme de férocité et d’austérité barbare, il représente cette
fin de la vieille société aristocratique tuée par son raffinement, ses recher-
ches exquises et ses plaisirs épuisants. Seuls restent debout les loqueteux
pleins de poux et de soleil, les mendiants nus, musclés comme Hercule, et
les moines pareils aux arbres des forêts abandonnées. Sur tout cela plane le
mystère obsédant d’un avenir inconnu, du regret et de 1 irrémédiable.
Beaucoup d’œuvres de Magnasco nous resteront donc indéchiffrables ; en
vain essaiera-t-on d’en comprendre le sujet; elles appartiennent essentielle-
ment aux cataclysmes de son siècle. Ce sont de magnifiques morceaux de
virtuosité picturale : on y sent vivre les passions et les vices, les aspirations
et les rêves; c’est une floraison artiste des plus caractéristiques, émanée
d un tempérament qui fut tout nerf, tout flamme et tout esprit.
ÉMILE BERNARD
- 5e PÉRIODE.
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