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intelligente des objets reproduits avec la
teinte originale, est une de nos plus belles
conquêtes,puisque,non-seulement elle peut
s’obtenir fidèlement, mais elle peut aussi,
et c’est là l’énorme bénéfice de l’enseigne-
ment, se répandre dans la foule à un prix
accessible à tous. Les Musées de France, pu-
bliés par M. Rolschiid, devraient figurer
dans les bibliothèques publiques et prin-
cipalement dans les écoles de dessin où se
forment, non-seulement les céramistes,mais
tous ceux que les besoins de la vie appelle-
ront à la connaissance et à l’exploitation
des arts plastiques. Ceux qui se livrent à
la carrière de l’enseignement doivent être
convaincus qu’à notre époque, avec la per-
fection à laquelle sont parvenus les arts de
reproduction, la partie parlée de l’enseigne-
ment a perdu beaucoup, sinon de son im-
portance, du moins de ses difficultés. Rien
n’apprend mieux que la vue de l’objet dans
toutes les conditions de sa raison d’être :
l’énorme progrès des arts industriels trou-
ve, dans l’énoncé de cette vérité, son origine
et sa justification. Il y a quelque temps, à
propos de l’ornement polychrome de la
maison Didot,nous insistions sur la pratica-
bilité de ce livre ; nous insistons de même
aujourd’hui, à propos des Musées de France
de M. Rolschiid. C’est le plus agréable li-
vre que puissent lire les archéologues et
les personnes qui ont le goût des belles
choses ; c’est un des livres les plus encou-
rageants et les plus initiateurs que puissent
consulter les artistes et les artisans.

(Correspondance particulière.)

Le Nouvel Opéra. — Les Tuileries. — Le Louvre.

— La Direction des Musées du Louvre. — La

statue de Jeanne d'Arc.

Monsieur le Directeur,

La terrible crise industrielle et commer-
ciale que traverse la France en ce moment,
n’est pas sans avoir quelques relations
nécessaires avec les travaux d’art entrepris
dans la capitale. Vous savez que le Gou-
vernement se préoccupe de trouver du
travail aux nombreux ouvriers sans res-
sources qui encombrent Paris. C’est dans
cette pensée que donnant le premier l’ex-
emple aux particuliers, le Gouvernement
fait exécuter avec la plus grande célérité
les travaux du nouvel Opéra, des Tuile-
ries et du Louvre.

Il y a peu de temps, M. le Ministre des
travaux publics a parcouru successivement
toutes les par ties du nouvel Opéra auquel
travaillent 800 ouvriers. C’est M. Garnier,
l’architecte du monument et M. Duc,
membre de l’Institut, inspecteur général
des bâtiments civils, qui conduisaient le

ministre dans cette visite officielle. M.
Garnier a renouvelé dans cette occasion
l’assurance que l’Opéra serait achevé avant
la fin de la présente année. Nous ne pou-
vons qu’applaudir à l’impulsion vigoureuse
imprimée à cette œuvre gigantesque que la
disparition de l’ancienne salje de la rue
Lepelletier rend encore plus indispensable
à bref délai.

Ce n’est pas l’heure de vous entretenir
des œuvres d’art proprement dites qui dé-
corent le nouvel édifice. Ces descriptions
viendront en leur temps. Nous avons vu
notamment et nous avons admiré le plafond
de la salle peint par M. Lenepveu, le Direc-
teur de notre Ecole de Rome. Mais nous
ne pouvons entrer ici dans de plus amples
digressions.

Aux Tuileries et au Louvre, le Ministre
des travaux publics a été reçu par M.Lefuel,
membre de l’Institut, architecte de ces
deux palais. Là encore 400 ouvriers sont
occupés à réparer le pavillon de Flore et
à construire la galerie du quai qui doit faire
la continuation tant souhaitée du Musée,
dont les salles ne sont plus en rapport de-
puis longtemps avec l’accroissement de nos
richesses artistiques.

Je ne vous parlerai pas plus longuement
du Louvre dans cette lettre, bien que ses
Musées viennent d’être placés sous la direc-
tion de l’Etat et confiés aux soins de M.
Reiset dont le nom ne vous est pas inconnu.

Depuis longtemps les esprits éclairés
réclamaient la séparation de nos collections
d’art du département de la Liste civile.
Cette dépendance a fait longtemps de nos
musées, les collections du souverain beau-
coup plus que de la nation. Mais le progrès
vivement disputé s’est accompli. Nous étu-
dierons quelque jour à cette place les con-
séquences de cette réforme.

Un grand événement s’impose à mon
attention de chroniqueur. Paris possède
enfin la statue de Jeanne d’Arc. Ce
n’est pas sans peine que cette réparation
tardive a été concédée à notre grande hé-
roïne. La capitale de la France ne s’est pas
montrée généreuse envers l’humble fille
lorraine qui conduisit un de ses rois à la
victoire de l’Anglais. Une modeste place,
précédée d’une ruelle de quelques mètres,
reçut, il y a moins de cinq ans, dans un
des faubourgs de Paris, le nom glorieux
de Jeanne d’Arc ! Et ce fut tout. Pendant
ce temps, les radicaux et les bourgeois
célébraient pompeusement la mémoire de
Voltaire, au grand contentement des des-
cendants de Frédéric de Prusse. Cette
antithèse honteuse arracha plus d’une fois

dans ces derniers temps de solennelles pro-
testations à l’àme indignée de vrais Fran-
çais. M. le Ct0 Franz de Champagny, de
l’Académie française,fut un de ceux qui ré-
clama publiquement avec le plus d’autorité.
Avant lui, le noble duc de Luynes, mort à
Rome, avait écrit dans le silence de l’inti-
mité la lettre suivante qu’il adressait à l’un
de nos plus éminents statuaires :

« Monsieur et cher confrère,

« Le Journal Le Siècle croit s’honorer et
se démocratiser en ouvrant une souscrip-
tion pour ériger une statue à celui qui a
tenté de souiller le caractère de Jeanne
d’Arc.

« Puisse cette honteuse entreprise ani-
mer votre talent et susciter votre génie
pour ériger une statue digne d’elle à cette
sublime et sainte héroïne de la véritable
démocratie française.

« Je vous y seconderai de tout mon pou-
voir, si, comme je l’espère, votre art ré-
pond à votre cœur et au mien.

« Votre dévoué confrère,

<r D’albert de Lcvnes »

Cette lettre qui ne fait pas moins d’hon-
neur à celui qui en fut jugé digne qu’à
l’homme qui en est l’auteur, était adressée
à M. Bonnassieux, membre de l’Institut.

Les deux artistes étaient faits pour se
comprendre, et, si la mort n’eut soudaine-
ment emporté l’un d’eux, Paris posséderait
aujourd’hui la douce figure de Jeanne, tail-
lée dans le marbre et représentée debout,
vêtue de son armure, tenant d’une main l’é-
pée et de l’autre l’oriflamme.

La statue de M. Frémiet, inaugurée, ou
plutôt posée hier, silencieusement, sur son
socle, est une figure équestre. A nos yeux
c’est un premier défaut. Jeanne est chétive
sur sa monture. De plus, elle est impassi-
ble, froide et sans mouvement, les yeux au
ciel ! Ce n’est pas ainsi que la vaillante jeu-
ne fille nous apparaît dans l’histoire. Sa
vie fut courte,mais commeelle fut remplie!
L’artiste a couronné sa figure d’un nimbe
d’or. C’est une bonne pensée d’indiquer
ainsi par ce symbole de la sainteté en quel-
le estime la France doit avoir la mémoire
de sa libératrice. Mais la tète est vulgaire.
Le type est rude et sans idéal. L'œuvre de
M. Frémiet dénote un talent incontestable
et un sérieux désir d’être vrai, mais ehez
lui l’archéologue a fait tort à l’artiste. Il
est vrai peut-être, il n’est pas sublime. Il
attire sans retenir, il convainc sans toueher.
L’œuvre souhaitée par le duc de Luynes
n’ayant pas été sculptée,je me reporte,pour
me consoler de ce qui manque à la statue
de M. Frémiet, à cette aimable et tou-
 
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