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N° 11.

15 Juin 1874.

Seizième Année.

JOURNAL DES BEAUX-ARTS

ET IDE LA LITTERATURE

paraissant deux fois par mois, sous la direction de M. Ad S1RET, membre de l'Académie royale de Belgique, membre correspondant
de la Commission royale des monuments, membre de l’Institut des provinces de France, de la Société française d’Archéologie, etc.

OJST : à Anvers, chez TESSARO, éditeur; à Bruxelles, chez DECQ et

DTJHENT et chez MUQUARDT; à Garid, chez HOSTE et chez ROGGHÉ ; à Liège, chez DE SOER
et chez DECQ : à Louvain, chez Ch. PEETERS ; dans les autres villes, chez tous les libraires. Pour
l’Allemagne, la Russie et l’Amérique : C. MUQUARDT. La France : Y* RENOUARD, Paris. Pour
la Hollande : MARTINUS NYHOFF, à la Haye. — PRIX D’ABONNEMENT :
pour toute la Belgique (port compris). Par an, 9 fr. — Etranger (port compris) : Allemagne, Angle-

terre, France, Hollande, Italie et Suisse, 12 fr. Pour les autres pays, même prix, le port en sus. —
PRIX JP-A.R- NTXJ3VIEIRO : 50 c. — RE C AA Al IE S : 50 c. la ligne. — Pour les
grandes annonces on traite à forfait. — AÜNTÜNT ON CES : 40 c. la ligne. — Pour tout ce qui
regarde l’Administration ou les annonces s’adresser à l’Administration, rue du Progrès, 28, à
St-Nicolas (Flandre orientale) ou à Louvain, rue Marie-Thérèse, 22. — H pourra être rendu compte
des ouvrages dont un exemplaire sera adressé à la-rédaction.

SOMMAIRE : Belgique : Entrefilet. — Le quin-
zième Salon des aquarellistes. — Le portail
d’Audenarde. — Angleterre : Exposition de
Regent-Hall. — La théorie des arts. — Société
d’encouragement des Beaux-Arts. — Chronique.
— Ventes. — Périodiques illustrés. —Annonces.

Belgique.

Il y a quelque temps la ville de Bruxelles
a vu s’organiser chez elle, sous des prétextes
de bienfaisance, deux expositions de ta-
bleaux qui ont eu les plus fructueux résul-
tats k tous les points de vue. Ces exhibitions,
comme nous l’avions prévu, n’ont été que
des réclames pompeusement et adroitement
imaginées. Prévoyant l’issue qu’elles de-
vaient avoir, nous avons gardé sur tout cela
un silence dont on nous a même fait un re-
proche. Nous ne voulions en aucune manière
nous faire le complice de ce que nous con-
sidérions comme des entreprises mercantiles
où la bienfaisance servait de tremplin.

Jusqu’ici il n’y avait rien qui pût, à la ri-
gueur, étonner ou émouvoir l’opinion pu-
blique. D’ailleurs la caisse des pauvres se
trouvait trop providentiellement pourvue
par ces ressources inespérées pour qu’on
s’occupât d’autre chose. Mais de très-hautes
récompenses, de celles qui ne tombent même
pas toujours sur une longue carrière d’hon-
neur, de gloire et de travail, sont venues
toucher en pleine poitrine des hommes dont
l’acte de charité s’est peu de temps après
subitement transformé en magnifiques opé-
rations d’argent. Si le respect nous ferme
la bouche, ce ne sera cependant pas au
point de nous empêcher d’exhaler un regret
sur la légèreté avec laquelle on a agi et
d’exprimer i’espoir que cela servira de leçon
pour l’avenir.

LE QUINZIÈME SALON

DES AQUARELLISTES.

Nos confrères de la presse artistique ont
étéunanimes à déclarer que cette exposition
est une des plus belles que nous ayons eues,
sinon comme quantité et variété, du moins
comme progrès et solidité. En effet, il faut
l’avoir vue pour le croire, comme on dit vul-
gairement, afin de se bien pénétrer de ce
que nos artistes ont réalisé dans un art qui
cache peut-être encore un nombre incalcu-

lable de ressources, si nous en croyons
l’examen auquel nous venons de nous livrer.
Cette remarque s’applique non moins exacte-
ment aux artistes étrangers que nous allons
retrouver sous des aspects nouveaux. Qu’on
nous pardonne donc d’employer ici le cliché
de rigueur : oui, le niveau de l’art de l’aqua-
relle s’est notablement élevé et nous le con-
statons avec une joie infinie. La Société royale
Belge clés aquarellistes a bien mérité de l’art
et de la patrie; ce qui du reste ne doit point
la surprendre beaucoup, car, depuis sa nais-
sance, chacun de ses pas est un progrès et
même une victoire. En effet, nous ne trou-
vons ses expositions en rien inférieures k
celles avec lesquelles elle est entrée et entre
chaquejour en lutte.

Nous l’avouons, notre sévérité en fait de
critique, sévérité dont les nuances échappent
k beaucoup de nos lecteurs mais que les
intéressés discernent avec un tact tout parti-
culier et que le plus souvent ils nous font
l’honneur d’écouter, notre sévérité, disons-
nous, n’aura k s’aventuer ici que dans des
occasions exceptionnelles. Encore,si nous le
faisons, est-ce pour qu’on ne se fatigue pas k
ce monotone mouvement d’encensoir que les
circonstances nous obligent k imprimer k
notre article dès le début. On le sait déjk, si
l’exposition emporte nos éloges,

La faute en est aux Dieux qui la firent si belle.

Mais commençons et examinons alphabé-
tiquement ce qui nous a le plus frappé.

André Achenbach. — Deux paysages de peu
d’effet, d’une technique expérimentée mais
tenace et tenant peu compte des progrès ac-
complis. — A. Allebé. Devenu aquarelliste
très fort et personnel. Son Coin d'église est
d’une tonalité fine, lumineuse et charmante.
Les types sont réels; ils le sont trop peut-
être. Affaire de goût. Ne disputons pas là
dessus. Les Singes échappés forment une
délicieuse caricature que je recommande k
ceux de mes compatriotes qui prétendent
avoir une guenon dans leurs parchemins. Il
y a lk un singe (se tâtant les bosses en pré-
sence d’un crâne d’homme) qui est tout un
poème de mordante signification. A sa mine
effarée et k son air profondément absorbé
dans la recherche comparative de la vérité,
on dirait qu’il se demande, retournant la
proposition de Darwin, si le singe ne descend
pas de l’homme— Bakkerkorf. Croquis spiri-

tuels de facture, un peu fatigants par la mo-
notonie de leurs petits coups de plume dont
Henri Monnier sut faire jadis un si parfait
usage — Léon Becker. Un excellent paysage
bien touché et un dogue communard d’une
superbe venue — Blanchi. Colporteur, sujet
de genre traité avec autant d’esprit que d’ob-
servation, couleur distinguée, maniement
flexible et assuré du pinceau — Bignoli. Plus
modeleur et plus coloriste que Bianchi,
maître excellent et talent d’une fière allure—
Madame Bisschop. Le Baiser, délicieuse scène
d’intérieur où le charme du sujet égale celui
de la facture — Blommers. Les premiers pas,
formes et couleurs un peu boursoufflées.
Trop de force.—Borio. Rien de particulier k
mentionner k nouveau dans l’extrême habi-
leté de cet aquarelliste — Branwhite. Auda-
cieuses, puissantes et majestueuses sont les
vastes aquarelles de cet illustre maître qui
a fait de cet art une véritable science. Son
Ancien four à chaux est une œuvre splendide,
éclairée par des rayons de soleil d’une
puissance de fournaise. Quel feu ! quelle vie !
quelle exubérance de nature dans cette
œuvre bien faite pour désarçonner les esthé-
ticiens de l’aquarelle ! Et qui donc, en pré-
sence de tant de magnificences, oserait
blâmer la recherche du fini? Qui oserait
donner le pas k la pratique dans un art où
l’on vous exhibe la preuve qu’elle n’est et ne
peut rien si une pensée, une raison ne la
domine? Que d’orgeuils d’esprit, que de
vanités de plume réduits d’un seul coup,
uno ictu, au silence et k l’humiliation! —
Cabianca.Façon très primesautière de traiter
l’aquarelle ; la forme séduit plus que le fond
qui ne dit rien ou peu de chose. L’épisode
du Corse Donati enlevant sa sœur, est tout k
fait incompréhensible malgré le livret. Les
Jeunes gens qui se baignent sont bien un peu
âgés pour se présenter dans cet état au
palais ducal — Calloiv. Marines très intéres-
santes d’un artiste expérimenté et sympa-
thique— Charette. Progrès très remarquables
que pourrait compromettre l’excès de crudité
du coloris. — Charlemagne. Mœurs russes
traitées dans des gammes claires. L’artiste
est d’une grande souplesse et il dit ce qu’il
veut dire avec une éloquence qui va droit
au but —

(Za suhe au prochain n°).
 
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