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N° 6.

âs Mars 1874.

Seizième Année.

JOURNAL

DES BEAUX-ARTS

ET DE LA LITTÉRATURE

paraissant dettt fois par mois, sotis îii ün'pctitm df M. Ad. SIREÏ, nipnike de l'Académie royale de Belgique, memLre correspondant de la Commission royale des monuments, membre de
l'Institut des provinces detraDce, de la Société française (l'Archéologie, de l'Académie de Reims, de l'Académie d'Arcliéologie de Madrid, etc.

France, Hollande, Italie et Suisse, 12 fr. Pour les autres pays, même prix, mais le port en sus.—
par numéro 50 c. — Héciames î 50 c. la ligne. — Pour les grandes annonces on traite à
forfait. — Annonces s 40 c. la ligne. — Pour tout ce qui regarde l’administration ou les
annonces s’adresser à M. le Directeur du Jotihnal DES Beaux-Arts, rue du Casino,à St-Nieolas.
— Il pourra être rendu compte des ouvrages dont un exemplaire sera adressé à la rédaction.

immEi nbottlMfe * à Anvers, che* ÎESSARO, érliteêr ; à Bruxelles, chez DECQ et DUHF.NT et chez
u à Gand, chez HOSÎ’R et chez R.OGGHË; à Liège, chez DE SOF.R et chez DECQ ; dans les

a-h cVe* tTlUs les libraires. Pour l’Allemagne, la Russie et .l’Amérique :C. MUQUARDT. La
/L RENOUA RD, Paris. Pour la Hollande: MARTTNUS NYHOFF, àlaHave. Pour l’Angleterre et
*n. .a i 6• ^‘hez POTtER’S Newspeper Office, 53, Piccatlilly. à Londres. —Prix d’abonnement z pour
te la Belgiqüe, (portttoïnpris). Par an. 9 fl*. — Étranger,-fport compris) : Allemagne. Angleterre

SOMMAIRE. Belgique : Littérature nationale :
Histoire de la poésie en Allemagne. —
France : Corr. part. — Angleterre : Corr.
part. Musée de South-Kensington. — Autri-
che : Corr. part. — Hollande : Iconographie.
— Vente van Reede. — Vente de Ridder.
— Vente van der Willigen. — Chronique
générale. — Annonces.

Belgique.

LITTÉRATURE NATIONALE.

HISTOIRE DE LA POESIE ALLEMANDE PAR
Ferdinand Loise.

« L’art n’est pas une question de forme, c'est
un sacerdoce. Il n’est utile, il n’est grand, il
n’est efficace qu’à la condition de plonger ses
racines dans les entrailles du peuple dont il doit
éclairer l’intelligence et réchauffer l’âme par le
double attrait de la vérité unie à la beauté
morale. Pour atteindre ce but, pour être vérita-
blement populaire, il n’v a pas deux chemins à
prendre, il n’y en a qu’un : s’inspirer du peuple
lui-même, de ses traditions, de ses mœurs, de
ses instincts ; écouter les palpitations de son
eœur, car c’est là que gît la vraie humanité ;
s’emparer enfin de ses croyances, de sa foi reli-
gieuse et nationale, et lui montrer dans l’art
l’image de ce qu’il fut dans le passé, de ce qu’il
est dans le présent, de ce qu’il doit être dans
l’avenir. Toute poésie, comme toute philosophie,
comme toute politique sérieuse, comme toute
morale, est un acte de foi. Ne croire à rien, c’est
plus q’abdiquer l’art, c’est cesser d’être homme.
Done travailler à éteindre une croyance, une foi
politique ou religieuse, dans une nation, à moins
qu’on ne puisse y substituer une foi nouvelle et
plus haute et plus pure, c’est un crime envers
Dieu et envers l’humanité comme envers la pa-
trie, car tuer la foi, c’est tuer avec la poésie tout
ce qui fait la dignité, la noblesse, l’élévation,
l’honneur, la sainteté de notre vie, de nos senti-
ments et de nos pensées.

» Laissons au peuple surtout, laissons-lui ses
croyances. Les tyrans peuvent se passer de Dieu :
ils se font dieux eux-mêmes. Le peuple ne le
peut pas : dans la misère, il faut qu’il élève son
âme vers Celui qui seul entend le cri de nos
besoins ; et, dans l’oppression, il lui faut un
consolateur sur la terre et dans le ciel un ven-
geur. •

Ce langage enthousiaste et cette parole
de leu dépeignent la profession de foi de
l’auteur du nouveau livre que nous exami-
nons aujourd’hui. Le croirait-on ? ce su-
perbe et éloquent morceau n’est point un
exorde, c’est au contraire une péroraison.
C’est la dernière page de l’œuvre et ce
devrait en être la première. Au lieu d’être
la porte qui s’ouvre sur le temple pour per-
mettre d’en entrevoir le culte, c’est celle
qui se ferme quand la cérémonie est ter-
minée; c’est, en un mot, une conclusion au
lieu d’un programme.

Ce mouvement oratoire est loin d’être
neuf et c’est peut-être à cause de cela qu’il
nous charme. Les plus célèbres écrivains
de l’antiquité, ceux qui font et feront tou-
jours l’admiration des âmes droites et le
désespoir des esprits chagrins et envieux,
l’ont souvent employé, non comme recher-
che ou coquetterie, mais plutôt comme
dernier et suprême exutoire de leurs con-
victions. Il semble que leur adieu à la foule
qu’ils viennent de tenir sous leur parole,
doive contenir en quelques lignes, en
quelques mots, la quintessence d’eux-mè-
rnes, le sommet de leurs idées, la pointe
de leur âme, leur âme elle-même, en quel-
que sorte,afin qu’aucune équivoquene puis-
se plus exister dans ce mystérieux travail
de transubslantiation qui se fait de l’homme
qui parle à l’homme qui entend.

M. Loise, comme historien, comme pen-
seur, est arrivé à une époque solennelle,
non par ses grandeurs, hélas! mais par ses
misères et ses lâchetés. Esprit méditatif,
âme chaude, intelligence sérieuse, il a vite
compris le grand mal politique et social de
notre temps où la lutte est établie inégale-
ment, illogiquement, entre l’homme avide
et l’événement fatal qui suit sa marche sans
souci de ce qui se meut à ses pieds. Ce
dix-neuvième siècle si fier de sa raison, est
celui qui en offre le moins dans tout le
cycle de l’histoire sociale; il n’accepte des
faits que ceux qu’il a provoqués d’une ma-
nière factice, puis il s’étonne des consé-
quences impossibles qui en résultent; il ne
veut rien de ce qui découle des lois natu-
relles, il s’est forgé un monde sans genèse
physique ni morale,et il s’étonne naïvement
de ne trouver nulle part le germe et la fé-
condité ; il détruit une vérité et y substitue
une chimère, il a fait du progrès non un
instrument civilisateur mais une arme, il
est avide de lumière et s’enfonce avec un
désespérant aveuglement dans les plus
épaisses ténèbres ; se heurtant à tout, étour-
diment et sans remords, il change tout,
déplace tout, arrange tout, et, dans cette
orgueilleuse folie, il ne s’aperçoit pas que
l’heure va sonner, l’heure de la raison vraie
sur la raison fausse, l’heure de la punition,
l’heure qui verra écraser les Titans.

Toute cette logique nous paraît transsu-
der du livre de M. Loise, du moins de l'In-
troduction et de la page qui clôt son œu-
vre, On sent poindre à chacun des élance-
ments de la pensée de l’écrivain, comme
une lumière qui éclaire ses vues sur la

marche des destinées humaines des nations-
Et comment pourrait-il en être autrement •
Voilà quatorze ans, si nous ne nous trom-
pons, que M. Loise a entamé celte monu-
mentale histoire de l’Influence de la poésie
sur la civilisation, thème de classe si on ne
le voit que par le petit bout, sujet colossal
si on retourne la lunette. Or, M. Loise,
avec un inconvenable mépris des obstacles
et des dangers de la situation telle qu’il
voulait la faire, s’avise de rêver... quoi?
l’Histoire de la poésie en Europe, c’est à dire,
la synthèse de l’histoire de tous les peuples
européens, car il est aussi vrai de dire que
la poésie est au sommet de l’histoire de
tous les peuples que d’assurer que le soleil
vivifie la nature. A l’heure qu’il est, cette
tâche est à peuprès accomplie, car l’Histoire
de la poésie en Orient, en Grèce, en Italie,
en France et en Espagne est terminée. Voici
celle de l’Allemagne jusqu’à Luther. La suite
viendra dans peu de temps. L’Angleterre et
le reste suivront. Quatre volumes ont paru,
celui-ci est le cinquième. Les quatre vo-
lumes ont été reçus par les nations litté-
raires de l’époque avec un respect et une
admiration qui ont dû toucher et enor-
gueillir la Belgique. La presse étrangère,
par ses organes les plus brillants et les
mieux posés, a exalté l’écrivain belge et
l’a placé à une hauteur où rarement s’est
vu un des nôtres. Ses livres sont traduits,
commentés, livrés à l’instruction, aux con-
férences, aux lectures publiques, bref, c’est
un grand et légitime honneur échu à la
Belgique qui, à son tour, a fait jusqu’à
présent quelque chose pour l’écrivain si
choyé des autres, en lui offrant un siège de
membre correspondant à son Académie
Royale, dont il fut, enlSGO, un des plus
brillants lauréats.

Nous n’avons pas à faire remarquer ici
ce qu’il a fallu d études pour en arriver au
point que nous venons d’indiquer. Nous
voulons seulement insister suida part faite,
dans les livres de M. Loise, à l’élément mo-
derne chez les peuples qu’il fouille dans
tous les plis de leur âme. Cet élément
moderne est,sans contredit,ce qui distingue
l’individualité de M. Loise,et nous croyons
qu’il constitue la force principale de l’œu-
vre, son âme. Cet élément moderne est
semé là sous deux espèces, subjective et
objective. Nous ne prétendons pas signaler
enM. Loise l’inventeur de ce précieux mode
d’analyse, loin de là, mais nous croyons
que rarement auteur ait procédé, en cette
 
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