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N° 23.

12 Décembre 1874.

Setzième Année

JOURNAL DES BEAUX-ARTS

ET DE LA LITTERATURE

paraissant deux fois par mois, sous la direction de M. Ad. S1RET, membre de l'Académie royale de Belgique, membre correspondant
de la Commission royale des monuments, membre de l’Institut des provinces de France, de la Société française d’Archéologie, etc.

CXF'C S’-AJBCXN'N'K : à Anvers, chez TESSARO, éditeur; à_Bruxelles, chez DECQ et
DUMENT et chez MUQUARDT; à Garid, chez HOSTE et chez ROGGHÉ ; à Liège, chez DE SOER
et chez DECQ .• à Louvain, chez Cn. PEETEBS ; dans les autres villes, chez tous les libraires. Pour
l'Allemagne, la Russie et l’Amérique : C. MUQUARDT. La France : V RENOUARD, Paris. Pour
la Hollande : MARTINUS NYHOFF, à la Haye. - PRIX R’^ABOI^jXICIVlElX'T :
pour toute la Belgique (port compris). Par an, 9 fr. — Etranger (port compris) : Allemagne, Angle-

terre, France, Hollande, Italie et Suisse, 12 fr. Pour les autres pays, même prix, le port en sus. —
PRIX PAR dVIIXClElRO : 50 c. — RECLAMES : 50 e. la ligne. — Pour les
grandes annonces on traite à forfait. — j-VlNANT ON CES : 40 c. la ligne. — Pour tout ce qu
regarde l’Administration ou les annonces s’adresser à l’Administration, rue du Progrès, 28, à
St-Nicolas (Flandre orientale) ou à Louvain, rue Marie-Thérèse, 22. — H pourra être rendu compte
des ouvrages dont un exemplaire sera adressé à la rédaction.

SOMMAIRE: Belgique: André Van Hasselt. —
Exposition des œuvres de Frédéric Van de Kerk-
liove. — Correspondance. Lettre de M. Pinchart.

— France : Correspondance particulière de Paris.
Livres nouveaux publiés par Ambr. Firmin Didot.

— Hollande : Les ventes Van den Wall Bake
et Croockewit. — Allemagne : Correspondance
particulière. ■—■ Chronique générale. — Périodiques
illustrés. — Annonces.

Befgtque.

ANDRÉ VAN HASSELT.

André Henri Constant Van Hasselt est né
à Maestricht en 1806. Il est mort à Bruxelles
le 1er décembre 1874, le jour de sa fête pa-
tronale.

J’ai acquis le droit de parler de lui puis-
que pendant les six derniers mois de sa vie,
il s’est déclaré mon ennemi. Pendant plus de
trente ans nous nous étions fraternellement
serré les mains, il avait reçu chez moi l’hos-
pitalité du pain et du sel ; j’ai assisté à
l’éclosion de beaucoup de ses travaux, nous
avions souvent marché côte à côte, lorsque
éclata tout à coup, sans cause connue, une
animosité que n’auraient pas justifiée les
plus grossières fautes contre l’histoire ou la
langue et que faisaient naître une erreur déjà
rectifiée et quelques phrases insignifiantes.
Evidemment il y a là dessous un mystère
qu’on ne pourra jamais pénétrer. Si l’on peut
déplorer que cette aigreur malsaine se soit
exercée envers plusieurs camarades, envers
des collègues dignes d’autres procédés, il ne
faut, j’en ai la conviction, l’attribuer qu’au
mal qui le minait sourdement peut-être. Que
les paroles de colère et par conséquent d’in-
justice soient oubliées. Paix à sa cendre.
Honneur à sa mémoire !

André Van Hasselt est une des plus chères
et des plus grandes illustrations du pays.
Il ne s’agit pas de le pleurer, car, en défini-
tive, sa vie a été pleine jusqu’aux bords et il
a donné tout ce qu’il pouvait donner. Il faut
maintenant le montrer sur le piédestal de
son œuvre, il faut que la reconnaissance le
retrouve -et que la postérité le salue. Il a
accompli sa tâche, c’est à ceux qui lui sur-
vivent de lui rendre en justice, en affection
et en admiration toute l’intelligence, tout le
génie qu’il a dépensé pour nous.

André est le premier poète véritablement
belge qui se soit produit après 1830. Lui,

Mathieu et Labarre, personnifièrent notre re-
naissance dans trois genres de poésie diffé-
rents. Ils marquèrent le pas. André s’était
passionnément épris de Victor Hugo au point
d’en perdre l’originalité qu’il aurait pu avoir
et qu’il avait certainement à en juger par quel-
ques fissures de sa poésie où l’on voit, de
temps en temps, apparaître son cœur : les
Orientales du maître furent pour lui le coup
de grâce ou le coup de vie, comme on vou-
dra, car, dès cette époque, la couleur et l’em-
pâtement l’occupèrent uniquement. Au début,
sa pensée s’échappait jeune, fraîche et bril-
lante vers le ciel de l’amour et des illusions;
il avait l’accent vibrant et sonore de l’homme
sain et vigoureux qui donne le signal des
passions et des combats; parfois, pour sacri-
fier au goût du jour, il faisait semblant de
pleurersurdes douleurs intimes imaginaires,
puis ses vers s’émiettaient légèrement sur
de vaporeuses légendes et de blondes bal-
lades où perçait le mysticisme de sa future
religion poétique. Les Primevères nous mon-
trent André sous son jour le plus harmo-
nieux et le plus séduisant. C’est, en quelque
sorte, à mon sens, la plus gracieuse et la
plus verte de ses productions. Hélas ! il se
fit homme trop vite. Il dut se plier aux exi-
gences et aux devoirs de la vie réelle et sa
poésie s’en ressentit. Il fit des Odes, des Bal-
lades, des Paraboles, des Poèmes, mais il ne
fit plus de Primevères.

Sa première manière comme poète est
donc tout entière dans son premier recueil.
Là l’étude du rythme ne paraît pas encore
le travailler jusqu’à l’obsession, comme cela
lui arriva plus tard. Sa façon de procéder
révèle un musicien, sinon pour la mélodie,du
moins pour la convenance et l’alternance
des mouvements. Aussi les compositeurs se
sont-ils avidemment emparés de ses paroles.
Sa pensée ne s’élève pas encore très haut, et
elle paraît s’occuper davantage du nombre
et de l’effet que de la profondeur. Mais tout
cela brûle de poésie, une chaleur commu-
nicative y domine, un entraînement irrésis-
tible s’y manifeste, le cœur s’y exprime dans
un langage passionné toujours retenu, car
jamais il ne dit le mot. qui pourrait effa-
roucher. Parfois clans quelques-unes de ses
innombrables romances, il use, convenable-
ment, du reste, d’une certaine latitude poé-
tique, mais, c’est une justice à lui rendre, il

conserve toujours dans ses vers une grande
élévation et une pureté non moins grande
d’expressions.

Sa seconde manière nous le montre plongé
dans un monde légendaire dont il évoque
fréquemment les légions fantastiques. Les
études auxquelles il s’était livré dans la poé-
sie des Germains et des Scandinaves, avaient
exercé une impression décisive sur ses idées.

Non-seulement il s’éprit du monde nébu-
leux des mythologies du nord, mais son dic-
tionnaire de mots à lui s’en ressentit et son
vers acquit tout à coup une amplitude étrange
qui touche à l’emphase. Il vécut dans une
atmosphère de Dieux immenses, de génies
subtils , de gnomes fluides , d’apparitions
fantastiques, de guerriers colosses, de mon-
stres formidables ; il assista en imagination
à des exploits qui font pâlir ceux d’flomère.
Il composa à cette époque des fragments de
tragédie où s’agite un monde de héros d’une
sublime rudesse. Ces fragments restés iné-
dits ont été lus par lui à ses amis. Bon gré-
mal gré,il fallait,pendant des heures entières,
écouter patiemment de longues tirades qu’il
plaçait dans la bouche des anciens Celtes
ou des .guerriers du temps de Charlemagne.
Il avait trouvé des canevas de tragédies
bizarres et d’une représentation impossi-
ble.Le vers avait une allure magistrale, sen-
tentieuse et la chute des périodes était su-
perbe. Un peu d’exagération nuisait toutefois
aux qualités transcendantes de ses vers.

Je ne sais ce que ces fragments sont deve-
nus. Si, comme on l’annonce, le gouverne-
ment publie ses travaux poétiques, les frag-
ments inédits dont je parle n’en seront pas
les moins remarquables.

L’œuvre à laquelle il s’est attaché avec une
prédilection toute particulière est le poème
intitulé Les Quatre incarnations du Christ.
Il eu déposa le germe, il y a une vingtaine
d’années, dans ses Epîtres à Wiertz. C’est
une grande étude philosophico-religieuse
où l’hyperbolisme de la pensée atteint des
proportions si élevées que souvent le poète
s’y perd lui-même. Il n’a pas su non plus
éviter certaines confusions qui résultent de
sa manie de prêter une âme et une voix aux
choses surnaturelles et immatérielles. Malgré
ces graves imperfections, malgré le touffu
des détails, ce poème est entraînant en ce
qu’il procède par bonds sublimes. Il pourrait
 
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