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Murger, Henri; Gill, André [Ill.]
La vie de bohème — Paris, [1877]

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https://doi.org/10.11588/diglit.8482#0267
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LA VIE DE BOHÊME

259

— Peuh!... Et vous, l'aimez-vous encore?

— Moi, je ne l'ai jamais aimé de ma vie.

— Si, Mimi, si, vous l'avez aimé, à ces heures où le cœur des
femmes change de place. Vous l'avez aimé, et ne vous en dé-
fendez pas, car c'est votre justification.

— Ahl bah! dit Mimi, voilà qu'il en aime une autre, main-
tenant.

— C'est vrai, fit Marcel, mais n'empêche. Plus tard, votre sou-
venir sera pour lui pareil à ces fleurs qu'on place encore toutes
fraîches et toutes parfumées entre les feuillets d'un livre et que,
bien longtemps après, on retrouve mortes, décolorées et flétries,
mais a3'ant conservé toujours comme un vague parfum de leur
fraîcheur première.

Un soir qu'elle fredonnait à voix basse autour de lui, M. le
vicomte Paul dit à Mimi :

— Que chantez-vous là, ma chère ?

— L'oraison funèbre de nos amours que mon amant Rodolphe
a composée dernièrement. Et elle se mit à chanter.

Je n'ai plus le sou, ma chère, et le Code,
Dans un cas pareil, ordonne l'oubli;
Et sans pleurs, ainsi qu'une ancienne mode,
Tu vas m'oublier, n'est-ce pas, Mimi?

C'est égal, vois-tu, nous aurons, ma chère,
Sans compter les nuits, passé d'heureux jours.
Ils n'ont pas duré longtemps; mais qu'y l'aire?
Ce sont les plus beaux qui sont les plus courts.

XXI

ROMÉO ET JULIETTE.

Mis comme une gravure de son journal ÏEcharpc d'Iris, ganté,
verni, rasé, frisé, la moustache en crocs, le stick en main, le
monocle à l'œil, épanoui, rajeuni, tout à fait joli : tel on eût pu
voir, un soir du mois de novembre, notre ami le poëto Rodolphe,
qui, arrêté sur le boulevard, attendait une voiture pour se faire
reconduire chez lui.

Rodolphe attendant une voiture ? Quel cataclysme était donc
tout à coup survenu dans sa vie privée?

A cette même heure où le poëte, transformé, tortillait sa
moustache, mâchait entre ses dents une énorme régalia, et char-
mait le regard des belles, un sien ami passait aussi sur le même
boulevard. C'était le philosophe Gustave Colline. Rodolphe
l'aperçut venir et le reconnut bien vite; et de ceux qui l'auraient
vu une seule fois, qui donc aurait pu ne pas le reconnaître?
 
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