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LA DYNASTIE DES CHICRIFS FILELI
sait, grâce à ses ornements de tuiles vertes, de présenter un aspect
assez original. A la Kasbah, se rattachaient quatre mosquées, des gale-
ries peintes pour la promenade des femmes et d’immenses jardins avec
des pièces d’eau. Le harem était peuplé de plusieurs milliers de cap-
tives. Notons encore l’Alcazar où l’on vendait les plus riches tissus
de l’Europe; le marché ou Khamiz, où l’on voyait de belles fontaines,
un parc d’oliviers symétriquement plantés, entouré d’un mur de huit
lieues de tour, arrosé par des ruisseaux artificiels, et garni de vignes
et d’autres plantes particulières au climat d’Afrique. Tous ces embel-
lissements étaient l’œuvre des esclaves, et principalement des esclaves
chrétiens. C’est de ce séjour que Moulê-Ismaël terrorisait ses sujets.
Peu lui importait leur misère, pourvu que son autorité fût respectée
et son prestige fût rehaussé par les richesses au milieu desquelles il
passait son existence.
Les Européens, Espagnols, Portugais et Anglais avaient pied au
Maroc et possédaient les principaux ports de l’empire. Moulê-Ismaël
désirait avant tout l’expulsion des Roumis et cherchait l’occasion favo-
rable pour les jeter à la mer. Les Anglais qui s’étaient établis à Tanger
excitaient tout particulièrement la jalousie du sultan, et malgré leur
insistance, il se montrait peu disposé à nouer des relations avec eux.
Le cabinet de Saint-James avait voulu lui envoyer un ambassadeur.
Moulê-Ismaël répondit qu’il permettait à l’envoyé de l’Angleterre de
venir à Mequinez, sous la condition expresse qu’il ne viendrait pas de
Tanger, mais débarquerait à Salé. Le gouvernement anglais refusa
de se soumettre à cette proposition, qu’il regardait comme contraire
à sa dignité. Les rapports entre les deux pays en restèrent là.
Si Moulê-Ismaël se refusait à entretenir des relations amicales avec
l’Angleterre, en revanche, il ne dissimulait pas son hostilité. La con-
quête de Tanger était le but qu’il poursuivait, et, par ses ordres, les
kaïds des environs ne cessaient d’inquiéter la garnison de la place.
Les Anglais étaient toujours sur le qui-vive et obligés d’échanger sans
cesse des coups de fusil avec les Maures qui rôdaient autour des rem-
parts. Les alertes étaient continuelles, et, un jour, le kaïd d’Alkasar,
Amar-Hadou, fut assez heureux pour s’emparer d’un ouvrage avancé et
d’une pièce de canon, qui fut envoyée à Mequinez comme un glorieux
trophée (1678). L’année suivante, malgré la paix, Ismaël vint lui-
même attaquer la ville avec un corps de troupes assez considérable. Il
remporta un succès, puis perdit ensuite 4,000 hommes. En 1680, il
donne l’assaut, mais est forcé de battre en retraite devant l’héroïque
LA DYNASTIE DES CHICRIFS FILELI
sait, grâce à ses ornements de tuiles vertes, de présenter un aspect
assez original. A la Kasbah, se rattachaient quatre mosquées, des gale-
ries peintes pour la promenade des femmes et d’immenses jardins avec
des pièces d’eau. Le harem était peuplé de plusieurs milliers de cap-
tives. Notons encore l’Alcazar où l’on vendait les plus riches tissus
de l’Europe; le marché ou Khamiz, où l’on voyait de belles fontaines,
un parc d’oliviers symétriquement plantés, entouré d’un mur de huit
lieues de tour, arrosé par des ruisseaux artificiels, et garni de vignes
et d’autres plantes particulières au climat d’Afrique. Tous ces embel-
lissements étaient l’œuvre des esclaves, et principalement des esclaves
chrétiens. C’est de ce séjour que Moulê-Ismaël terrorisait ses sujets.
Peu lui importait leur misère, pourvu que son autorité fût respectée
et son prestige fût rehaussé par les richesses au milieu desquelles il
passait son existence.
Les Européens, Espagnols, Portugais et Anglais avaient pied au
Maroc et possédaient les principaux ports de l’empire. Moulê-Ismaël
désirait avant tout l’expulsion des Roumis et cherchait l’occasion favo-
rable pour les jeter à la mer. Les Anglais qui s’étaient établis à Tanger
excitaient tout particulièrement la jalousie du sultan, et malgré leur
insistance, il se montrait peu disposé à nouer des relations avec eux.
Le cabinet de Saint-James avait voulu lui envoyer un ambassadeur.
Moulê-Ismaël répondit qu’il permettait à l’envoyé de l’Angleterre de
venir à Mequinez, sous la condition expresse qu’il ne viendrait pas de
Tanger, mais débarquerait à Salé. Le gouvernement anglais refusa
de se soumettre à cette proposition, qu’il regardait comme contraire
à sa dignité. Les rapports entre les deux pays en restèrent là.
Si Moulê-Ismaël se refusait à entretenir des relations amicales avec
l’Angleterre, en revanche, il ne dissimulait pas son hostilité. La con-
quête de Tanger était le but qu’il poursuivait, et, par ses ordres, les
kaïds des environs ne cessaient d’inquiéter la garnison de la place.
Les Anglais étaient toujours sur le qui-vive et obligés d’échanger sans
cesse des coups de fusil avec les Maures qui rôdaient autour des rem-
parts. Les alertes étaient continuelles, et, un jour, le kaïd d’Alkasar,
Amar-Hadou, fut assez heureux pour s’emparer d’un ouvrage avancé et
d’une pièce de canon, qui fut envoyée à Mequinez comme un glorieux
trophée (1678). L’année suivante, malgré la paix, Ismaël vint lui-
même attaquer la ville avec un corps de troupes assez considérable. Il
remporta un succès, puis perdit ensuite 4,000 hommes. En 1680, il
donne l’assaut, mais est forcé de battre en retraite devant l’héroïque