Les régimes matrimoniaux.
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Cependant ces contrats suffiraient pour prouver qu'un tel régime n'était pas impossible, et
que le mari bénéficiait alors de l'usufruit, mais souvent pour un temps limité. Dans notre
contrat Mempliite il doit rendre cette dot, soit au moment du mariage définitif, soit dans le
cas de divorce. Dans le contrat de Thèbes le cas de divorce et celui de mort sont seuls
prévus. La femme est alors exemptée du serment à faire sur la valeur réelle des biens dotaux
apportés par elle, et il est expressément spécifié que les biens mobiliers susdits doivent être
rendus en argent suivant l'estimation portée sur le contrat. Notre code a du reste décidé ce
point dans le même sens d'une façon générale et normale. L'article 1551 dit en effet : «Si
» la dot ou partie de la dot consiste en objets mobiliers mis à prix par le contrat, sans
» déclaration que l'estimation n'en fait pas vente, le mari en devient propriétaire et n'est
» débiteur que du prix donné au mobilier. » Mais cet axiome de droit qui couvre le mari
pouvait chez les Égyptiens ne pas couvrir la femme. On pouvait supposer qu'elle s'était fait
faire une donation déguisée ou bien encore qu'il y avait eu fraude de sa part dans l'apport
des objets. C'est ce que les Romains nommaient l'exception : pecuniœ non numeratœ, exception
qui aurait exposé la femme à des ennuis de la part des tiers. Ceux-ci étaient en droit d'exiger
alors le serment, que les créanciers peuvent encore déférer aux veuves, d'après l'article 2275
du Code. Nous voyons même dans les actes que ce serment déféré aux veuves était très
habituel en Egypte. On le retrouve encore à l'époque copte1 dans un curieux papyrus du
British Muséum qui est ainsi conçu :
6ic0ô.i iiTa>.m.epiT 6<\.ieù.ê6t Tujeepe çjotoc ,M.n.M.&ii&pioc enityMiioc t6cm.&ô.T m^pia.
.mu AÛpù.0CkA\. iieco_.m nujHpe n^eoa^capoe Auieiii&CTpou. jiou-a>t. ^ç^ipem. — enei2k.it Aumce*. neimOTR
.w.n(ô.)jiV.AHô.pioe nei(OT ivTio on -^(po.M.ïie)......eÛ2«_o.w.HC ««.pX- ctujooh TenoT &.ïeivô.^e
UMjw.e iito Tcv.u.epiT .u..u.ù.t eAic^fieT jù'npoceA^ei epo miTi.\uaiTô>.TOc e.o^u^eioc aui ûniTtop 11A.6.uj
(tviOTr?) no_oi5-ii Aina^Aotpopoe .vi.\ie>.pT?rpoc AÊÊfv HTpi-Mioc AUteiH&eTpon iiottûit cpe ït&eotpT-A.
fiiuTtop nè>.p3CHnpec£i. j^tu np......iimav&k .«.neç_OTrn eT(pe)n'i\.i'.poipopei aiavoi .\v.n&.iiivuj
eçoirii .sui(çJ;\xmoc inrpijvRoc. jw.unca> TeniViipotyopci ÂÎmoï Âûiù.n*.uj a/isci a^iroi a'ïtcoh efioA. iiaiauith
1 Voir aussi pour le serment déféré aux veuves le Testament du moine Paham publié par moi dans
mes Papyrus colites et traduit p. 441 et suiv. du VIe vol. des Transactions of the Society of biblical archœology.
A la page 443 il est question de l'héritage du fils aîné de Pahain mort sans enfants. Paham dit à son
.autre fils : «Les objets mobiliers que je lui ai donnés pendant sa vie à lui Papliuuti, (mon fils aîné,) quand
»il est mort, je les ai recherchés; je les ai trouvés intacts, sans que rien ait été détérioré pendant sa vie.
«J'ai même trouvé qu'il avait acquis deux holocots et demi. Voici que maintenant je te donne pouvoir
» spécial à toi, Jacob, mon fils de choix, mon bien-aimé. Tu es le maître de rechercher tous les objets que
»j'ai donnés à Paphnuti, et ce qu'il a acquis lui-même, et cela jusqu'au moindre objet précieux ou vil.
«Ensuite porte-toi créancier pour ces deux holocots et demi. Tu es le maître d'interroger sa femme par
«serment, en tout lieu que tu voudras, même pour un tesson de poterie. Car c'est moi qui l'ordonne
«pendant que je suis encore vivant; et de plus il m'en a fait donner le pouvoir par ceux qui étaient
» auprès de lui au moment où il allait mourir. Sa femme elle-même qu'elle prête le serment au sujet de ce qu'elle
»o apporté chez lui et qu'elle emporte ce qui lui revient. Toi, Jacob, fais pour elle comme il est de coutume
«de faire aux veuves qui t'environnent dans ton bourg, alors qu'elles sont sans enfants. Renvoie-la! Qu'elle
«s'en aille chez elle au plus vite et qu'elle retourne au bourg d'où elle sort!» Un peu plus loin Paham
raconte qu'il n'a rien reçu de sa femme au moment du mariage, et que lors du partage il n'a pas eu
son dû. Lui et un des parents de sa femme avaient alors souscrit une demande afin que sa belle-mère Tsibla
prêtât serment sur le reste des objets. Mais il ne réussit pas, peut-être parce que le mari de Tsibla l'en
avait exemptée. Ce genre de serments était du reste très fréquent. Il est aussi mentionné en démotique
dans le contrat de régime mixte auquel nous faisions allusion tout à l'heure et que nous donnerons plus loin.
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Cependant ces contrats suffiraient pour prouver qu'un tel régime n'était pas impossible, et
que le mari bénéficiait alors de l'usufruit, mais souvent pour un temps limité. Dans notre
contrat Mempliite il doit rendre cette dot, soit au moment du mariage définitif, soit dans le
cas de divorce. Dans le contrat de Thèbes le cas de divorce et celui de mort sont seuls
prévus. La femme est alors exemptée du serment à faire sur la valeur réelle des biens dotaux
apportés par elle, et il est expressément spécifié que les biens mobiliers susdits doivent être
rendus en argent suivant l'estimation portée sur le contrat. Notre code a du reste décidé ce
point dans le même sens d'une façon générale et normale. L'article 1551 dit en effet : «Si
» la dot ou partie de la dot consiste en objets mobiliers mis à prix par le contrat, sans
» déclaration que l'estimation n'en fait pas vente, le mari en devient propriétaire et n'est
» débiteur que du prix donné au mobilier. » Mais cet axiome de droit qui couvre le mari
pouvait chez les Égyptiens ne pas couvrir la femme. On pouvait supposer qu'elle s'était fait
faire une donation déguisée ou bien encore qu'il y avait eu fraude de sa part dans l'apport
des objets. C'est ce que les Romains nommaient l'exception : pecuniœ non numeratœ, exception
qui aurait exposé la femme à des ennuis de la part des tiers. Ceux-ci étaient en droit d'exiger
alors le serment, que les créanciers peuvent encore déférer aux veuves, d'après l'article 2275
du Code. Nous voyons même dans les actes que ce serment déféré aux veuves était très
habituel en Egypte. On le retrouve encore à l'époque copte1 dans un curieux papyrus du
British Muséum qui est ainsi conçu :
6ic0ô.i iiTa>.m.epiT 6<\.ieù.ê6t Tujeepe çjotoc ,M.n.M.&ii&pioc enityMiioc t6cm.&ô.T m^pia.
.mu AÛpù.0CkA\. iieco_.m nujHpe n^eoa^capoe Auieiii&CTpou. jiou-a>t. ^ç^ipem. — enei2k.it Aumce*. neimOTR
.w.n(ô.)jiV.AHô.pioe nei(OT ivTio on -^(po.M.ïie)......eÛ2«_o.w.HC ««.pX- ctujooh TenoT &.ïeivô.^e
UMjw.e iito Tcv.u.epiT .u..u.ù.t eAic^fieT jù'npoceA^ei epo miTi.\uaiTô>.TOc e.o^u^eioc aui ûniTtop 11A.6.uj
(tviOTr?) no_oi5-ii Aina^Aotpopoe .vi.\ie>.pT?rpoc AÊÊfv HTpi-Mioc AUteiH&eTpon iiottûit cpe ït&eotpT-A.
fiiuTtop nè>.p3CHnpec£i. j^tu np......iimav&k .«.neç_OTrn eT(pe)n'i\.i'.poipopei aiavoi .\v.n&.iiivuj
eçoirii .sui(çJ;\xmoc inrpijvRoc. jw.unca> TeniViipotyopci ÂÎmoï Âûiù.n*.uj a/isci a^iroi a'ïtcoh efioA. iiaiauith
1 Voir aussi pour le serment déféré aux veuves le Testament du moine Paham publié par moi dans
mes Papyrus colites et traduit p. 441 et suiv. du VIe vol. des Transactions of the Society of biblical archœology.
A la page 443 il est question de l'héritage du fils aîné de Pahain mort sans enfants. Paham dit à son
.autre fils : «Les objets mobiliers que je lui ai donnés pendant sa vie à lui Papliuuti, (mon fils aîné,) quand
»il est mort, je les ai recherchés; je les ai trouvés intacts, sans que rien ait été détérioré pendant sa vie.
«J'ai même trouvé qu'il avait acquis deux holocots et demi. Voici que maintenant je te donne pouvoir
» spécial à toi, Jacob, mon fils de choix, mon bien-aimé. Tu es le maître de rechercher tous les objets que
»j'ai donnés à Paphnuti, et ce qu'il a acquis lui-même, et cela jusqu'au moindre objet précieux ou vil.
«Ensuite porte-toi créancier pour ces deux holocots et demi. Tu es le maître d'interroger sa femme par
«serment, en tout lieu que tu voudras, même pour un tesson de poterie. Car c'est moi qui l'ordonne
«pendant que je suis encore vivant; et de plus il m'en a fait donner le pouvoir par ceux qui étaient
» auprès de lui au moment où il allait mourir. Sa femme elle-même qu'elle prête le serment au sujet de ce qu'elle
»o apporté chez lui et qu'elle emporte ce qui lui revient. Toi, Jacob, fais pour elle comme il est de coutume
«de faire aux veuves qui t'environnent dans ton bourg, alors qu'elles sont sans enfants. Renvoie-la! Qu'elle
«s'en aille chez elle au plus vite et qu'elle retourne au bourg d'où elle sort!» Un peu plus loin Paham
raconte qu'il n'a rien reçu de sa femme au moment du mariage, et que lors du partage il n'a pas eu
son dû. Lui et un des parents de sa femme avaient alors souscrit une demande afin que sa belle-mère Tsibla
prêtât serment sur le reste des objets. Mais il ne réussit pas, peut-être parce que le mari de Tsibla l'en
avait exemptée. Ce genre de serments était du reste très fréquent. Il est aussi mentionné en démotique
dans le contrat de régime mixte auquel nous faisions allusion tout à l'heure et que nous donnerons plus loin.