recueil des le-ttres
§■2.
LETTRE X L I.
A MADAME
LA MARQUISE DU DEFFANT.
A Ferney , 24 d’avril.
ÏSH bien , Madame, je suis plus honnête que vous ;
vous ne voulez pas me dire avec qui vous soupez,
et moi je vous avoue avec qui je déjeûne. Vous
voilà bien ébaubis , messieurs les Parisiens ! la bonne
compagnie chez vous ne déjeûne pas , parce qu’elle
a trop soupé ; mais moi je suis dans un pays où
les médecins sont italiens , et où ils veulent abso-
Jument qu’on mange un croûton à certains jours.
Il faut même que les apothicaires donnent des certi-
ficats en faveur des estomacs qu’on soupçonne d’être
malades. Le médecin du canton que j’habite est un
ignorant de très-mauvaise humeur, qui s’est imaginé
que je fesais très-peu de cas de ses ordonnances.
Vous ignorez peut-être , Madame, qu’il écrivit
contre moi au roi, l’année palsée , et qu’il m’accusa
de vouloir mourir comme Molière, en me moquant
de la médecine ; cela même amusa sort le conseil.
Vous ne savez pas, sans doute, qu’un soi-disant
ci-devant jésuite franc-comtois, nommé Nonotte, qui
est encore plus mauvais médecin , me déféra, il y
a quelques mois, à Rezzonico, premier médecin de
Rome, tandis que l’autre me poursuivait auprès du
loi, et que Rezzonico envoya à l’ex-jésuite, nommé
§■2.
LETTRE X L I.
A MADAME
LA MARQUISE DU DEFFANT.
A Ferney , 24 d’avril.
ÏSH bien , Madame, je suis plus honnête que vous ;
vous ne voulez pas me dire avec qui vous soupez,
et moi je vous avoue avec qui je déjeûne. Vous
voilà bien ébaubis , messieurs les Parisiens ! la bonne
compagnie chez vous ne déjeûne pas , parce qu’elle
a trop soupé ; mais moi je suis dans un pays où
les médecins sont italiens , et où ils veulent abso-
Jument qu’on mange un croûton à certains jours.
Il faut même que les apothicaires donnent des certi-
ficats en faveur des estomacs qu’on soupçonne d’être
malades. Le médecin du canton que j’habite est un
ignorant de très-mauvaise humeur, qui s’est imaginé
que je fesais très-peu de cas de ses ordonnances.
Vous ignorez peut-être , Madame, qu’il écrivit
contre moi au roi, l’année palsée , et qu’il m’accusa
de vouloir mourir comme Molière, en me moquant
de la médecine ; cela même amusa sort le conseil.
Vous ne savez pas, sans doute, qu’un soi-disant
ci-devant jésuite franc-comtois, nommé Nonotte, qui
est encore plus mauvais médecin , me déféra, il y
a quelques mois, à Rezzonico, premier médecin de
Rome, tandis que l’autre me poursuivait auprès du
loi, et que Rezzonico envoya à l’ex-jésuite, nommé