DE M. DE VOLTAIRE.
457
LETTRE CCLXI.
A M. LE COMTE DE ROCHEFORT.
. 4 de mars.
]VIoN cher lieutenant de la garde prétorienne, je
viens de lire la meilleure pièce qu’on ait faite depuis 1771
bien long-temps , pour le fond , pour la conduite et
pour le style. Je ne sais pas si elle réussit à Paris
comme en province ; mais je sais qu’elle est excel-
lente, et que c’est ainsi qu’il faut écrire en prose. La
pièce, à la vérité, est en six actes ; mais ces six actes
sont très-bien distribués , et chacun d’eux doit faire
un très-bon effet. II me paraît que l’auteur a deux
choses nécessaires et rares, du génie et de l’esprit. Si,
par hasard, vous le voyez à Versailles, je vous sup-
plie de lui dire que j’admire sonplan, et que je suis
enchanté de son style. Cet ouvrage doit aller à l’im-
mortalité. Rien n’est.si beau que la justice gratuite,
rien n’est si consolant que de n’être pas obligé d’aller
se ruiner à cent lieues de chez soi ; c’est le plus grand
service rendu à la nation.
Comment se porte madame Dixneufans ? ferez-
vous un petit tour cette année dans le Vivarais?
aurons-nous le bonheur de vous posséder?
Madame Denis vous fait mille complimens. Le
pauvre vieux malade vous embrasse comme il peut,
car il n’en peut plus.
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LETTRE CCLXI.
A M. LE COMTE DE ROCHEFORT.
. 4 de mars.
]VIoN cher lieutenant de la garde prétorienne, je
viens de lire la meilleure pièce qu’on ait faite depuis 1771
bien long-temps , pour le fond , pour la conduite et
pour le style. Je ne sais pas si elle réussit à Paris
comme en province ; mais je sais qu’elle est excel-
lente, et que c’est ainsi qu’il faut écrire en prose. La
pièce, à la vérité, est en six actes ; mais ces six actes
sont très-bien distribués , et chacun d’eux doit faire
un très-bon effet. II me paraît que l’auteur a deux
choses nécessaires et rares, du génie et de l’esprit. Si,
par hasard, vous le voyez à Versailles, je vous sup-
plie de lui dire que j’admire sonplan, et que je suis
enchanté de son style. Cet ouvrage doit aller à l’im-
mortalité. Rien n’est.si beau que la justice gratuite,
rien n’est si consolant que de n’être pas obligé d’aller
se ruiner à cent lieues de chez soi ; c’est le plus grand
service rendu à la nation.
Comment se porte madame Dixneufans ? ferez-
vous un petit tour cette année dans le Vivarais?
aurons-nous le bonheur de vous posséder?
Madame Denis vous fait mille complimens. Le
pauvre vieux malade vous embrasse comme il peut,
car il n’en peut plus.