® E M. DE VOLTAIRE.
343
LETTRE CXCI.
A MADAME
LA MARQUISE DU DE FF A NT.
12 de juillet.
Je vous ai parlé plus d’une fois à cœur ouvert,-
Madame, il est actuellement fendu en deux , et
je vous envoie les deux moitiés dans cette lettre.
L’Envie et la Médisance sont deux nymphes immor-
telles. Ces demoiselles ont répandu que certains
philosophes , que vous n’aimez pas, avaient ima-
giné de me dresser une statue, comme à leur député ;
que ce n’était pas les belles-lettres qu’on voulait
encourager, mais qu’on voulait se servir de mon
nom et de mon visage pour ériger un monument
à la liberté de penser. Cette idée, dans laquelle il
y a du plaisant , peut me faire tort auprès du roi.
On m’assure même que vous avez pensé comme
moi, et que vous l’avez dit à une de vos amies.
Cette pauvre philosophie est un peu persécutée.
Vous savez que le gros recueil de B Encyclopédie est
prisonnier d’Etat à la bastille avec Sc Billard et
Sc Grizel ; cela est de fort mauvais augure.
Je me trouve actuellement dans une situation où
j’ai le plus grand besoin des bontés du roi. Je ne
sais si vous savez que j’ai recueilli chez moi une
centaine d’émigrans de Genève, que je leur bâtis
Y 4
343
LETTRE CXCI.
A MADAME
LA MARQUISE DU DE FF A NT.
12 de juillet.
Je vous ai parlé plus d’une fois à cœur ouvert,-
Madame, il est actuellement fendu en deux , et
je vous envoie les deux moitiés dans cette lettre.
L’Envie et la Médisance sont deux nymphes immor-
telles. Ces demoiselles ont répandu que certains
philosophes , que vous n’aimez pas, avaient ima-
giné de me dresser une statue, comme à leur député ;
que ce n’était pas les belles-lettres qu’on voulait
encourager, mais qu’on voulait se servir de mon
nom et de mon visage pour ériger un monument
à la liberté de penser. Cette idée, dans laquelle il
y a du plaisant , peut me faire tort auprès du roi.
On m’assure même que vous avez pensé comme
moi, et que vous l’avez dit à une de vos amies.
Cette pauvre philosophie est un peu persécutée.
Vous savez que le gros recueil de B Encyclopédie est
prisonnier d’Etat à la bastille avec Sc Billard et
Sc Grizel ; cela est de fort mauvais augure.
Je me trouve actuellement dans une situation où
j’ai le plus grand besoin des bontés du roi. Je ne
sais si vous savez que j’ai recueilli chez moi une
centaine d’émigrans de Genève, que je leur bâtis
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