3i
introduction
32
pour ainsi dire de grandeur naturelle. Ils ont le
plus souvent la forme d'un skyphos, plus rarement
celle d’une kylix1. Dans cette catégorie, les pro-
duits corinthiens sont prédominants. Des milliers
de ces petits vases de peu d’apparence et fabriqués
sans art ont été expédiés par les ateliers corinthiens à
toutes les contrées du monde grec. L’exportation
a commencé avant le milieu du 6e siècle, mais la plu-
ralité en appartient à l’époque du grand dépôt (525
—400).
Ces vases ne sont que des imitations. Ils sont trop
petits pour avoir servi à l’emploi pratique. On les
trouve dans d’autres pays grecs, soit dans les sanc-
tuaires, comme à Lindos, soit dans les tombeaux.
Ce sont, au sens propre du mot, des vases de subs-
titution; quant à leur destination, il faut rappeler
qu’on en a trouvé dans les tombeaux siciliens conte-
nant de petits ossements2 3 4 5, c’est-à-dire des restes
d’un petit morceau de viande. Mais cela constitue
une exception; la forme est celle d’un vase à boire,
et on ne peut guère douter qu’ils n’aient rem-
placé une libation réelle, c’est-à-dire une certaine
quantité de vin qu’on a dû offrir, aux temps plus
anciens, dans une coupe ordinaire. Ces vases de
substitution nous font donc connaître une partie
des offrandes comprises dans la tradition littéraire
sous la dénomination de απυρα ιερά. Dans la chroni-
que lindienne, l’auteur a fait offrir des coupes à boire
en argent par les héros, auxquels il n’était pas con-
venable d’attribuer des dédicaces d’une nature parti-
culière 3. Les faits mis au jour par nos fouilles font
voir que cette pauvre invention ne représente pas
simplement un expédient facile pour se tirer d’em-
barras; elle reflète en vérité une ancienne coutume
d’offrande, qui se trahit d’une autre manière dans la
foule des petits vases de substitution 4.
Lampes. Les lampes ne font leur apparition,
comme dons votifs, qu’à partir d’une certaine époque
de la période du grand dépôt 5. Elles présentent les
formes grecques courantes du 5e siècle, et elles ont
été fabriquées soit en Attique, soit, pour la plus grande
partie, dans divers ateliers locaux. Au contraire, on
n’a pas trouvé de lampes dans les couches archaïques
de l’acropole. Des faits signalés il ne faut pourtant
1 Voir nos 2594—-2600. Les autres formes ne figurent qu’à
titre d’exceptions, v. nos 2601·—2611.
2 Voir p. e. MA I, p. 847 sq. (Megara Hyblaea).
3 Voir les chapitres I, IV, VI, VII, VIII.
4 Cf. Fouilles de Delphes, V, p. 89: »A Délos, et sans doute
aussi ailleurs, c’était l’usage d’offrir une phialé à chaque fête,
à chaque sacrifice solennel.dans le seul temple d’Apollon
Délien, les inventaires en mentionnent près de 1600 (BCH 1882,
p. 109) «. — Sur la dédicace de vases minuscules, cf. encore Tiryns,
I. P· 94-
5 Voir nos 2543—2564.
pas tirer la conclusion que dans l’île de Rhodes la
lampe n’aurait pas été en usage avant le 5e siècle;
car à Vroulia, place occupée pendant la période
670—570 av. J.-C., on en a trouvé une douzaine de
spécimens, soit dans les maisons, soit dans le téménos
(v. Vroulia, p. 159)· En d’autres pays grecs on a
découvert également des lampes qui remontent au
6e siècle, sinon plus haut (v. JHSt. 1911, p. 93).
Comment donc expliquer l’apparition tardive de la
lampe dans le mobilier votif du sanctuaire lindien?
Quelques-unes des lampes découvertes dans le
grand dépôt et en d’autres endroits de l’acropole ont
été sans doute des ex-voto ordinaires. L’une d’elles
(n° 2557) est munie d’une inscription gravée à la
pointe qu'il faut interpréter dans ce sens, et dans
d’autres pays grecs on a trouvé des lampes qui por-
tent également des dédicaces incisées T. Mais une telle
interprétation ne suffit guère pour expliquer le nom-
bre considérable d’exemplaires mis au jour dans le
grand dépôt d’ex-voto et datant d’un espace de temps
assez limité (115 spécimens; plus 96 spécimens con-
temporains, trouvés en d’autres endroits de l’acro-
pole). Je pense qu’il faut y voir un témoignage de
cérémonies nocturnes célébrées dans le sanctuaire,
qui ont pu donner lieu à la dédicace d’une certaine
quantité de lampes. L’inscription incisée d’un
spécimen datant du commencement du 4e siècle
(n° 3198) semble appuyer cette hypothèse. On y
lit Άθαναίαι roi λύχνοι: la lampe en question pro-
vient, par conséquent, de la dédicace d’un certain
nombre de spécimens offerts en même temps. Une
fête nocturne (παννυχίς) se rattachait à beaucoup
de cultes grecs 2, et dans plusieurs sanctuaires on a
découvert des quantités de lampes dont l’existence
ne comporte guère d’autre explication 3. Quant à
l’acropole lindienne, il est à remarquer que parmi les
rares ex-voto des époques tardives nous voyons encore
figurer des lampes (nos3i98—3213), attestant, si notre
explication est juste, que les cérémonies en question
se sont maintenues en vigueur jusqu’à la fin du culte
païen.
A cette manière de voir on pourrait pourtant faire
une objection qui paraît au premier coup d’oeil de
nature sérieuse. Les éléments essentiels du culte
lindien remontent très haut; il n’est guère probable
qu’on aurait introduit au 5e siècle des παννυχίδες,
1 Cf. p. e. BMC, Lamps, nos 158 et 159 (Chypre et Naukratis) ;
AA 1910, p. 226, fig. 26 (Berezanj), etc.
2 Syll.\ n° 271, 1. 30—32 (Panathénaia) ; Paus. 6, 22, 9 (Arté-
mis Alpheiaia, Élide) ; Paus. 7, 19, 1 (Artémis Triklaria, Patrai) ;
Platon, Respubl., p. 328 A (Bendis, Le Pirée) ; SyllP, n° 1038,
1. 16 (Éleusis) ; Hérod. 4, 76 (Kybélé, Kyzikos) ; Syll.‘, n° 687,
1. 13 (Asklépios, Athènes) ; Plut., Sept. sap. conv., c. 18 (Poséidon,
Tainaron), etc.
3 Voir Tiryns, I, p. 100.
introduction
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pour ainsi dire de grandeur naturelle. Ils ont le
plus souvent la forme d'un skyphos, plus rarement
celle d’une kylix1. Dans cette catégorie, les pro-
duits corinthiens sont prédominants. Des milliers
de ces petits vases de peu d’apparence et fabriqués
sans art ont été expédiés par les ateliers corinthiens à
toutes les contrées du monde grec. L’exportation
a commencé avant le milieu du 6e siècle, mais la plu-
ralité en appartient à l’époque du grand dépôt (525
—400).
Ces vases ne sont que des imitations. Ils sont trop
petits pour avoir servi à l’emploi pratique. On les
trouve dans d’autres pays grecs, soit dans les sanc-
tuaires, comme à Lindos, soit dans les tombeaux.
Ce sont, au sens propre du mot, des vases de subs-
titution; quant à leur destination, il faut rappeler
qu’on en a trouvé dans les tombeaux siciliens conte-
nant de petits ossements2 3 4 5, c’est-à-dire des restes
d’un petit morceau de viande. Mais cela constitue
une exception; la forme est celle d’un vase à boire,
et on ne peut guère douter qu’ils n’aient rem-
placé une libation réelle, c’est-à-dire une certaine
quantité de vin qu’on a dû offrir, aux temps plus
anciens, dans une coupe ordinaire. Ces vases de
substitution nous font donc connaître une partie
des offrandes comprises dans la tradition littéraire
sous la dénomination de απυρα ιερά. Dans la chroni-
que lindienne, l’auteur a fait offrir des coupes à boire
en argent par les héros, auxquels il n’était pas con-
venable d’attribuer des dédicaces d’une nature parti-
culière 3. Les faits mis au jour par nos fouilles font
voir que cette pauvre invention ne représente pas
simplement un expédient facile pour se tirer d’em-
barras; elle reflète en vérité une ancienne coutume
d’offrande, qui se trahit d’une autre manière dans la
foule des petits vases de substitution 4.
Lampes. Les lampes ne font leur apparition,
comme dons votifs, qu’à partir d’une certaine époque
de la période du grand dépôt 5. Elles présentent les
formes grecques courantes du 5e siècle, et elles ont
été fabriquées soit en Attique, soit, pour la plus grande
partie, dans divers ateliers locaux. Au contraire, on
n’a pas trouvé de lampes dans les couches archaïques
de l’acropole. Des faits signalés il ne faut pourtant
1 Voir nos 2594—-2600. Les autres formes ne figurent qu’à
titre d’exceptions, v. nos 2601·—2611.
2 Voir p. e. MA I, p. 847 sq. (Megara Hyblaea).
3 Voir les chapitres I, IV, VI, VII, VIII.
4 Cf. Fouilles de Delphes, V, p. 89: »A Délos, et sans doute
aussi ailleurs, c’était l’usage d’offrir une phialé à chaque fête,
à chaque sacrifice solennel.dans le seul temple d’Apollon
Délien, les inventaires en mentionnent près de 1600 (BCH 1882,
p. 109) «. — Sur la dédicace de vases minuscules, cf. encore Tiryns,
I. P· 94-
5 Voir nos 2543—2564.
pas tirer la conclusion que dans l’île de Rhodes la
lampe n’aurait pas été en usage avant le 5e siècle;
car à Vroulia, place occupée pendant la période
670—570 av. J.-C., on en a trouvé une douzaine de
spécimens, soit dans les maisons, soit dans le téménos
(v. Vroulia, p. 159)· En d’autres pays grecs on a
découvert également des lampes qui remontent au
6e siècle, sinon plus haut (v. JHSt. 1911, p. 93).
Comment donc expliquer l’apparition tardive de la
lampe dans le mobilier votif du sanctuaire lindien?
Quelques-unes des lampes découvertes dans le
grand dépôt et en d’autres endroits de l’acropole ont
été sans doute des ex-voto ordinaires. L’une d’elles
(n° 2557) est munie d’une inscription gravée à la
pointe qu'il faut interpréter dans ce sens, et dans
d’autres pays grecs on a trouvé des lampes qui por-
tent également des dédicaces incisées T. Mais une telle
interprétation ne suffit guère pour expliquer le nom-
bre considérable d’exemplaires mis au jour dans le
grand dépôt d’ex-voto et datant d’un espace de temps
assez limité (115 spécimens; plus 96 spécimens con-
temporains, trouvés en d’autres endroits de l’acro-
pole). Je pense qu’il faut y voir un témoignage de
cérémonies nocturnes célébrées dans le sanctuaire,
qui ont pu donner lieu à la dédicace d’une certaine
quantité de lampes. L’inscription incisée d’un
spécimen datant du commencement du 4e siècle
(n° 3198) semble appuyer cette hypothèse. On y
lit Άθαναίαι roi λύχνοι: la lampe en question pro-
vient, par conséquent, de la dédicace d’un certain
nombre de spécimens offerts en même temps. Une
fête nocturne (παννυχίς) se rattachait à beaucoup
de cultes grecs 2, et dans plusieurs sanctuaires on a
découvert des quantités de lampes dont l’existence
ne comporte guère d’autre explication 3. Quant à
l’acropole lindienne, il est à remarquer que parmi les
rares ex-voto des époques tardives nous voyons encore
figurer des lampes (nos3i98—3213), attestant, si notre
explication est juste, que les cérémonies en question
se sont maintenues en vigueur jusqu’à la fin du culte
païen.
A cette manière de voir on pourrait pourtant faire
une objection qui paraît au premier coup d’oeil de
nature sérieuse. Les éléments essentiels du culte
lindien remontent très haut; il n’est guère probable
qu’on aurait introduit au 5e siècle des παννυχίδες,
1 Cf. p. e. BMC, Lamps, nos 158 et 159 (Chypre et Naukratis) ;
AA 1910, p. 226, fig. 26 (Berezanj), etc.
2 Syll.\ n° 271, 1. 30—32 (Panathénaia) ; Paus. 6, 22, 9 (Arté-
mis Alpheiaia, Élide) ; Paus. 7, 19, 1 (Artémis Triklaria, Patrai) ;
Platon, Respubl., p. 328 A (Bendis, Le Pirée) ; SyllP, n° 1038,
1. 16 (Éleusis) ; Hérod. 4, 76 (Kybélé, Kyzikos) ; Syll.‘, n° 687,
1. 13 (Asklépios, Athènes) ; Plut., Sept. sap. conv., c. 18 (Poséidon,
Tainaron), etc.
3 Voir Tiryns, I, p. 100.