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APERÇU HISTORIQUE DU MOBILIER VOTIF
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dont les représentants ont été placés tout près d’elle,
dans le temple même, exposés à l’action de la force
divine. Ces figurines votives sont un moyen de per-
pétuer, pour ainsi dire, la vénération que l’individu
a eu lieu de manifester par une visite au temple.
L’adoration n’est pas seulement un hommage rendu
à la divinité: c’est aussi un acte cultuel qui a pour
but de se mettre en contact avec elle, de subir son
influence. Car l’action divine est surtout liée à
l’endroit sacré et rayonne de l’image dans laquelle
est incorporée la force surhumaine U
Dans quelques cas il est pourtant difficile de dé-
mêler le sens qu’on a pu attacher à ces figurines. Ce
n’est pas même certain que ces ex-voto aient eu tou-
jours un sens net et précis. Ils ont aussi pu être
offerts seulement comme des travaux artistiques
(κειμήλια, αγάλματα). Certaines statuettes en calcaire
représentent un personnage assis à tête de bélier.
Faut-il en conclure qu’un culte de Zeus Ammon
s’est pratiqué dans le sanctuaire lindien, ou quel en
est le sens ? Il est difficile de répondre à cette question.
La présence des curieuses statuettes d’hommes de
mer (nos 1820—-1824) est moins étonnante. Des croy-
ances populaires relatives à l’existence de ces êtres
fantastiques ont été répandues dans presque tous
les pays environnant le bassin oriental de la Médi-
terranée 1 2 3 4. Dans l’île de Rhodes, ces idées ont été
très familières et se sont attachées aussi aux Telchines
qui ont été transformés dans le folk-lore local en
hommes de mer 3.
Rapports des sta- Quelques-unes des figurines votives
tuettes au culte . . .
local. ont une signification cultuelle nette-
ment définie : porteurs d’offrandes, musiciens etc. Mais
puisqu’il s’agit de travaux d’origine étrangère et
qu’exactement les mêmes figurines se trouvent impor-
tées dans d’autres sanctuaires grecs consacrés à
des divinités différentes, on ne peut s’attendre à y
voir exprimer un rapport particulier au culte local.
. Il paraît pourtant que dans certains cas le choix
des figurines dédiées à Lindos offre des traits parti-
culiers qu’il faut expliquer, je crois, par le culte
local. Parmi les statuettes chypriotes en calcaire,
les lions et les oiseaux 4 figurent dans un nombre rela-
1 Rappelons la curieuse historiette sur les partisans de Kylon
qui se liaient moyennant un long fil à la statue d’Athéna afin de
s'assurer la protection divine: Plut., Solon 12.
2 Voir ci-après nos remarques sur les statuettes de démons
marins, nos 1820 sq.
3 Voir Hermes 1915, p. 280 et 286.
4 II s’agit pour la plus grande partie d’oiseaux de proie. Il est
probable que les figurines en question doivent représenter le faucon
cresserellette (»Rôtelfalke«, Tinnunculus Naumanni: v. Naumann,
Natwgeschichte der Vôgel Mitteleuropas, t. V, p. 122 sq., pl. 21).
J ai observé souvent cet oiseau du haut de l’acropole et j’en ai ad-
miré les couleurs vives et le vol gracieux. Il habitait les falaises du
Déesse protectrice
de la nature.
Transformation du
mobilier votif à
l’époque du grand
dépôt.
tivement plus grand qu’ailleurs. Leur quantité est,
en effet, si grande qu’elle ne peut être due au hasard.
D’une façon analogue on trouve parmi les faïences
un très grand nombre de chats et d’oiseaux de
proie, tandis que d’autres animaux, d’un caractère
égyptien spécial, font défaut.
Je suppose que ces dernières
figurines reflètent une phase parti-
culière du caractère originel de la déesse lindienne, celle
de la protectrice de la Nature (πότνια Θηρών). La
grande quantité d’objets d’usage qui ont rapport
aux femmes (fibules, parures, instruments d’ouvrages
féminins, etc.) témoignent que la déesse est intime-
ment liée à la vie des femmes. Ces traits sont caracté-
ristiques tant de la grande déesse mycénienne que de
la grande mère asiatique. Nous avons émis ci-dessus
l’hypothèse qu’Athana Lindia descend d’une telle
.aïeule préhistorique. Les dons votifs que nous venons
de mentionner doivent être interprétés, selon notre
manière de voir, comme documents attestant que
cette phase de la nature de la déesse lindienne ne
s’était pas encore évanouie aux temps archaïques.
A l’époque du grand dépôt d’ex-
voto, il s’est opéré un changement
presque radical du mobilier votif. Il
est vrai qu’on a continué encore de dédier toutes sortes
d’objets utilisables, c’est-à-dire analogues à ceux dont
on se servait pour les besoins pratiques de la vie jour-
nalière. Mais en général les ex-voto sont devenus plus
monotones: on a donné la préférence à un petit nom-
bre de catégories d’objets, à l’exclusion des autres:
vases, lampes, figurines en terre cuite. Ces catégories
constituaient évidemment les dons votifs de tous les
jours, dédiés par le public ordinaire qui s’adressait
à la déesse, abstraction faite des cas où une occasion
particulière demandait une offrande extraordinaire.
Les vases sont des mêmes formes qu’auparavant.
En ce qui concerne leur caractère d’ex-voto, il est
peu important que les produits des ateliers attiques
(nos 2620—2844) ont presque supplanté, à cette
époque, les poteries fabriquées dans d’autres contrées
grecques, excepté celles qui sont de facture locale.
On y voit assez souvent des graffites qui ne figurent
pas sur les poteries plus anciennes: l’art d’écrire est
devenu plus commun. Ces petites inscriptions contien-
nent de règle une dédicace succincte. Nous renvoy-
ons à ce sujet aux nos 2795—2852.
Quant aux vases, il faut encore Vases
mentionner un fait particulier. Les vases miniature,
miniature, qui commençaient à apparaître dans les
couches archaïques, l’ont emporté sur ceux qui sont
rocher, et probablement il a été l’oiseau sacré d’Athana Lindia,
comme la chouette était celui de la déesse d’Athènes. Cf. nos
1841 sq.
APERÇU HISTORIQUE DU MOBILIER VOTIF
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dont les représentants ont été placés tout près d’elle,
dans le temple même, exposés à l’action de la force
divine. Ces figurines votives sont un moyen de per-
pétuer, pour ainsi dire, la vénération que l’individu
a eu lieu de manifester par une visite au temple.
L’adoration n’est pas seulement un hommage rendu
à la divinité: c’est aussi un acte cultuel qui a pour
but de se mettre en contact avec elle, de subir son
influence. Car l’action divine est surtout liée à
l’endroit sacré et rayonne de l’image dans laquelle
est incorporée la force surhumaine U
Dans quelques cas il est pourtant difficile de dé-
mêler le sens qu’on a pu attacher à ces figurines. Ce
n’est pas même certain que ces ex-voto aient eu tou-
jours un sens net et précis. Ils ont aussi pu être
offerts seulement comme des travaux artistiques
(κειμήλια, αγάλματα). Certaines statuettes en calcaire
représentent un personnage assis à tête de bélier.
Faut-il en conclure qu’un culte de Zeus Ammon
s’est pratiqué dans le sanctuaire lindien, ou quel en
est le sens ? Il est difficile de répondre à cette question.
La présence des curieuses statuettes d’hommes de
mer (nos 1820—-1824) est moins étonnante. Des croy-
ances populaires relatives à l’existence de ces êtres
fantastiques ont été répandues dans presque tous
les pays environnant le bassin oriental de la Médi-
terranée 1 2 3 4. Dans l’île de Rhodes, ces idées ont été
très familières et se sont attachées aussi aux Telchines
qui ont été transformés dans le folk-lore local en
hommes de mer 3.
Rapports des sta- Quelques-unes des figurines votives
tuettes au culte . . .
local. ont une signification cultuelle nette-
ment définie : porteurs d’offrandes, musiciens etc. Mais
puisqu’il s’agit de travaux d’origine étrangère et
qu’exactement les mêmes figurines se trouvent impor-
tées dans d’autres sanctuaires grecs consacrés à
des divinités différentes, on ne peut s’attendre à y
voir exprimer un rapport particulier au culte local.
. Il paraît pourtant que dans certains cas le choix
des figurines dédiées à Lindos offre des traits parti-
culiers qu’il faut expliquer, je crois, par le culte
local. Parmi les statuettes chypriotes en calcaire,
les lions et les oiseaux 4 figurent dans un nombre rela-
1 Rappelons la curieuse historiette sur les partisans de Kylon
qui se liaient moyennant un long fil à la statue d’Athéna afin de
s'assurer la protection divine: Plut., Solon 12.
2 Voir ci-après nos remarques sur les statuettes de démons
marins, nos 1820 sq.
3 Voir Hermes 1915, p. 280 et 286.
4 II s’agit pour la plus grande partie d’oiseaux de proie. Il est
probable que les figurines en question doivent représenter le faucon
cresserellette (»Rôtelfalke«, Tinnunculus Naumanni: v. Naumann,
Natwgeschichte der Vôgel Mitteleuropas, t. V, p. 122 sq., pl. 21).
J ai observé souvent cet oiseau du haut de l’acropole et j’en ai ad-
miré les couleurs vives et le vol gracieux. Il habitait les falaises du
Déesse protectrice
de la nature.
Transformation du
mobilier votif à
l’époque du grand
dépôt.
tivement plus grand qu’ailleurs. Leur quantité est,
en effet, si grande qu’elle ne peut être due au hasard.
D’une façon analogue on trouve parmi les faïences
un très grand nombre de chats et d’oiseaux de
proie, tandis que d’autres animaux, d’un caractère
égyptien spécial, font défaut.
Je suppose que ces dernières
figurines reflètent une phase parti-
culière du caractère originel de la déesse lindienne, celle
de la protectrice de la Nature (πότνια Θηρών). La
grande quantité d’objets d’usage qui ont rapport
aux femmes (fibules, parures, instruments d’ouvrages
féminins, etc.) témoignent que la déesse est intime-
ment liée à la vie des femmes. Ces traits sont caracté-
ristiques tant de la grande déesse mycénienne que de
la grande mère asiatique. Nous avons émis ci-dessus
l’hypothèse qu’Athana Lindia descend d’une telle
.aïeule préhistorique. Les dons votifs que nous venons
de mentionner doivent être interprétés, selon notre
manière de voir, comme documents attestant que
cette phase de la nature de la déesse lindienne ne
s’était pas encore évanouie aux temps archaïques.
A l’époque du grand dépôt d’ex-
voto, il s’est opéré un changement
presque radical du mobilier votif. Il
est vrai qu’on a continué encore de dédier toutes sortes
d’objets utilisables, c’est-à-dire analogues à ceux dont
on se servait pour les besoins pratiques de la vie jour-
nalière. Mais en général les ex-voto sont devenus plus
monotones: on a donné la préférence à un petit nom-
bre de catégories d’objets, à l’exclusion des autres:
vases, lampes, figurines en terre cuite. Ces catégories
constituaient évidemment les dons votifs de tous les
jours, dédiés par le public ordinaire qui s’adressait
à la déesse, abstraction faite des cas où une occasion
particulière demandait une offrande extraordinaire.
Les vases sont des mêmes formes qu’auparavant.
En ce qui concerne leur caractère d’ex-voto, il est
peu important que les produits des ateliers attiques
(nos 2620—2844) ont presque supplanté, à cette
époque, les poteries fabriquées dans d’autres contrées
grecques, excepté celles qui sont de facture locale.
On y voit assez souvent des graffites qui ne figurent
pas sur les poteries plus anciennes: l’art d’écrire est
devenu plus commun. Ces petites inscriptions contien-
nent de règle une dédicace succincte. Nous renvoy-
ons à ce sujet aux nos 2795—2852.
Quant aux vases, il faut encore Vases
mentionner un fait particulier. Les vases miniature,
miniature, qui commençaient à apparaître dans les
couches archaïques, l’ont emporté sur ceux qui sont
rocher, et probablement il a été l’oiseau sacré d’Athana Lindia,
comme la chouette était celui de la déesse d’Athènes. Cf. nos
1841 sq.