ET DE LA
Il a porté au plus haut degré le sentiment de
la décoration dans ses dessins et tableaux, pour
les tapisseries de la manufacture de Beauvais.
Une série de six tentures passait pour la plus
remarquable ; chaque tenture est divisée en six
tableaux. La première, consacrée à la chasse,
comprend les sujets suivants : la chasse au cerf,
au loup, au renard, au daim, au sanglier et le
limier.
Une autre suite, conservée au palais de Fontai-
nebleau, représente les Chasses de Louis XV,
Une de ces tapisseries, qui est comme un» sorte
de prologue à la série, montre le p inlre lui-
même dans son atelier.
Toutes ces compositions étaient ébauchées
d'après nature : les modèles no manquaient pas.
Un biographe raconte que le Roi, ayant tiré une
perdrix, trouva, en l'examinant, qu'elle présentait
une singularité, et que les plumes se terminaient
par une teinte d'un blanc sale. Il l'envoya à
Oudry, pour qu'il en fit une étude, et celui-ci
exposa au Salon de 17Ô0 le tableau qu'il avait
peint. Toutes les fois qu'un oiseau rare étail tué
dans une chasse royale, il lui était réservé; on
lui envoyait les animaux qui mouraient à la
ménagerie, et les chasseurs se faisaient de toutes
parts un plaisir de lui offrir du gibier.
Oudry était souvent mandé à la Cour, et il sui-
vait assidûment les chasses du Roi. Il réunissait
un grand nombre de croquis, quitte aies utiliser
dans une composition. Gomme il se servait beau
coup de fonds de paysages, il avait aussi besoin
d'études d'après nature ; et on le rencontrait sou-
vent, occupé à prendre des points de vue, à des-
siner des percées et des taillis, des troncs d'arbres,
des horizons dans la forêt de Saint-Germain, à
Ghan illy, ou au bois de Boulogne et dans les
jardins d'Arcueil.
D'après les dessins conservés au musée du
Louvre, Oudry apparaît comme un charmant et
délicat paysagiste. Il avait formé, de ses dessiis,
des suites de cinquante morceaux auxquels il
atlachait une grande importance, et qu'il sa refu-
sait à vendre, voulant les conserver pour ses héri-
tiers, comme un fonds dont la valeur lui parais-
sait assurée. A diverses reprises, il prit tellement
goût à dessiner, que l'idée lui vint d'illustrer
les Fables de La fontaine. Go fut une de ses
meilleures œuvres. Cochin a gravé les compo-
sitions que le fabuliste lui a inspirées, e! on les
revoit toujours avec plaisir.
Oudry nous montre les scènes du bonhomme
habillées à la façon et à la mode du xvm° siècle.
C'est là l'agrément de colle œuvre ; elle est encore
toule fraîche, toute jeune; et, en somme, quel est
l'illuslrateur qui l'a dépassée?
Dans la « comédie à cent actes divers » qui
composent les Fables de La Fontaine, les chas-
seurs ont aussi leur place. Qui ne se rappelle le
Jardinier et son seigneur ? On voit passer chez
le villageois les meules de chiens, et l'équipage
de chasse :
Chiens, chevaux et valets, tous gens bien endentés.
On assiste aux ravages do cette expédition sus-
citée par un lièvre, et aux délassements du chas
seur, qui plaisante et s'amuse, aux dépens du
manant,
Boit son vin, caresse sa lille.
CURIOSITÉ 29
tous points excellente; et les personnages qui y
figurent sont tous très largement traités. Les
scènes de chasse reviennent, dans pins d'une page
chez le fabuliste : L% Colombe et le Manant,
VAlouette et ses Petits, L° Sanglier et le Daim,
Les Lapins, Le Loup, la Mère et l'Enfant:
Chiens, chasseurs, villageois, s'assemblent pour la féie.
Cette brTlue à la camp? gne vaut bien une
chasse à courre. Quant aux bêles du bonhomme,
Oudry était tout préparé pour en rendre, d'une
façon irréprechtbie, la physionomie ; le peintre
d'animaux ne pouvait que nous donner d'excel-
lentes reproductions pour celte vivante et naïve
histoire naturelle.
***
Oudry a décoré de grandes toiles les apparfc-
menis du Roi, les châleaux de Choisy, de la
Muette, le cabinet de Mm" de Pompadour, le
château du marquis de Berirghen à Ivry, la
maison de campagne do l'intendant des finances
Fagon à Fonlcnay-aux-Boses ; il a aussi peint,
pour des colleclions d'amateurs et des particu-
liers, des tableaux plus petits, trumeaux, dessus
de cheminée, toiles i our orner des buffets, pan-
neaux imitant des sujets en relief.
Il a produit beaucoup de peintures en trompe-
l'œil. Les catalogues nous parlent do panneaux
représentant « une planche de menuiserie contre
laquelle est suspendue une lête de cerf ». D'au-
tres panneaux repn'si nter.t une perdrix rouge, un
faisan ou un liè\re accrochés sur un fond de
planche. Oudry a fait beaucoup de peintures sur
fond blanc; un tableau rond, représentant une
perdrix et un lapin, est désigné comme ayant ap-
partenu à Boucher; dans un autre lableau, il
avait peint des o;seaux de mer, des mauves; les
couleurs du plumage de ces oiseaux faisaient de
cette composition une étude de blanc sur blanc.
Les tableaux d'Oudry avaient obtenu assez de
skccôs pour atteindre clu vivant de leur auteur
des prix assez élevés. Après des commencements
pénibles, Oudry acquit une assez grande fortune.
Les lettres patentes du Roi l'avaient mis à la
tête d'une sorte d'association pour diriger la ma-
nufacture de Beauvais; il y gagna près de cent
mille livres. Il laissa à sa mort, dans la maison
qu'il habitait, un cabinet composé en majeure
partie de ses tableaux. La vente de ce cabinet,
qui comprenait aussi les dessins dont Oudry
n'avait pas voulu se séparer, produisit une somme
de quarante mille livres.
Aujourd'hui, les œuvres d'Oudry passent assez
rarement dans les ventes. La vogue n'est plus
aux sujets de chasse exécutés de cette façon. Mais
les propriétaires des tableaux de notre peintre
peuvent encore, sans crainte d'erreur, en recon-
naître la valeur. Il en est de même des amateurs
qui possèdent des tentures de Beauvais d'après
sej tableaux, surtout si elles reproduisent quel-
qu'une de ses grandes compositions.
Anïony Valauuègue.
L'illustration de cette scène par Oudry est de
Il a porté au plus haut degré le sentiment de
la décoration dans ses dessins et tableaux, pour
les tapisseries de la manufacture de Beauvais.
Une série de six tentures passait pour la plus
remarquable ; chaque tenture est divisée en six
tableaux. La première, consacrée à la chasse,
comprend les sujets suivants : la chasse au cerf,
au loup, au renard, au daim, au sanglier et le
limier.
Une autre suite, conservée au palais de Fontai-
nebleau, représente les Chasses de Louis XV,
Une de ces tapisseries, qui est comme un» sorte
de prologue à la série, montre le p inlre lui-
même dans son atelier.
Toutes ces compositions étaient ébauchées
d'après nature : les modèles no manquaient pas.
Un biographe raconte que le Roi, ayant tiré une
perdrix, trouva, en l'examinant, qu'elle présentait
une singularité, et que les plumes se terminaient
par une teinte d'un blanc sale. Il l'envoya à
Oudry, pour qu'il en fit une étude, et celui-ci
exposa au Salon de 17Ô0 le tableau qu'il avait
peint. Toutes les fois qu'un oiseau rare étail tué
dans une chasse royale, il lui était réservé; on
lui envoyait les animaux qui mouraient à la
ménagerie, et les chasseurs se faisaient de toutes
parts un plaisir de lui offrir du gibier.
Oudry était souvent mandé à la Cour, et il sui-
vait assidûment les chasses du Roi. Il réunissait
un grand nombre de croquis, quitte aies utiliser
dans une composition. Gomme il se servait beau
coup de fonds de paysages, il avait aussi besoin
d'études d'après nature ; et on le rencontrait sou-
vent, occupé à prendre des points de vue, à des-
siner des percées et des taillis, des troncs d'arbres,
des horizons dans la forêt de Saint-Germain, à
Ghan illy, ou au bois de Boulogne et dans les
jardins d'Arcueil.
D'après les dessins conservés au musée du
Louvre, Oudry apparaît comme un charmant et
délicat paysagiste. Il avait formé, de ses dessiis,
des suites de cinquante morceaux auxquels il
atlachait une grande importance, et qu'il sa refu-
sait à vendre, voulant les conserver pour ses héri-
tiers, comme un fonds dont la valeur lui parais-
sait assurée. A diverses reprises, il prit tellement
goût à dessiner, que l'idée lui vint d'illustrer
les Fables de La fontaine. Go fut une de ses
meilleures œuvres. Cochin a gravé les compo-
sitions que le fabuliste lui a inspirées, e! on les
revoit toujours avec plaisir.
Oudry nous montre les scènes du bonhomme
habillées à la façon et à la mode du xvm° siècle.
C'est là l'agrément de colle œuvre ; elle est encore
toule fraîche, toute jeune; et, en somme, quel est
l'illuslrateur qui l'a dépassée?
Dans la « comédie à cent actes divers » qui
composent les Fables de La Fontaine, les chas-
seurs ont aussi leur place. Qui ne se rappelle le
Jardinier et son seigneur ? On voit passer chez
le villageois les meules de chiens, et l'équipage
de chasse :
Chiens, chevaux et valets, tous gens bien endentés.
On assiste aux ravages do cette expédition sus-
citée par un lièvre, et aux délassements du chas
seur, qui plaisante et s'amuse, aux dépens du
manant,
Boit son vin, caresse sa lille.
CURIOSITÉ 29
tous points excellente; et les personnages qui y
figurent sont tous très largement traités. Les
scènes de chasse reviennent, dans pins d'une page
chez le fabuliste : L% Colombe et le Manant,
VAlouette et ses Petits, L° Sanglier et le Daim,
Les Lapins, Le Loup, la Mère et l'Enfant:
Chiens, chasseurs, villageois, s'assemblent pour la féie.
Cette brTlue à la camp? gne vaut bien une
chasse à courre. Quant aux bêles du bonhomme,
Oudry était tout préparé pour en rendre, d'une
façon irréprechtbie, la physionomie ; le peintre
d'animaux ne pouvait que nous donner d'excel-
lentes reproductions pour celte vivante et naïve
histoire naturelle.
***
Oudry a décoré de grandes toiles les apparfc-
menis du Roi, les châleaux de Choisy, de la
Muette, le cabinet de Mm" de Pompadour, le
château du marquis de Berirghen à Ivry, la
maison de campagne do l'intendant des finances
Fagon à Fonlcnay-aux-Boses ; il a aussi peint,
pour des colleclions d'amateurs et des particu-
liers, des tableaux plus petits, trumeaux, dessus
de cheminée, toiles i our orner des buffets, pan-
neaux imitant des sujets en relief.
Il a produit beaucoup de peintures en trompe-
l'œil. Les catalogues nous parlent do panneaux
représentant « une planche de menuiserie contre
laquelle est suspendue une lête de cerf ». D'au-
tres panneaux repn'si nter.t une perdrix rouge, un
faisan ou un liè\re accrochés sur un fond de
planche. Oudry a fait beaucoup de peintures sur
fond blanc; un tableau rond, représentant une
perdrix et un lapin, est désigné comme ayant ap-
partenu à Boucher; dans un autre lableau, il
avait peint des o;seaux de mer, des mauves; les
couleurs du plumage de ces oiseaux faisaient de
cette composition une étude de blanc sur blanc.
Les tableaux d'Oudry avaient obtenu assez de
skccôs pour atteindre clu vivant de leur auteur
des prix assez élevés. Après des commencements
pénibles, Oudry acquit une assez grande fortune.
Les lettres patentes du Roi l'avaient mis à la
tête d'une sorte d'association pour diriger la ma-
nufacture de Beauvais; il y gagna près de cent
mille livres. Il laissa à sa mort, dans la maison
qu'il habitait, un cabinet composé en majeure
partie de ses tableaux. La vente de ce cabinet,
qui comprenait aussi les dessins dont Oudry
n'avait pas voulu se séparer, produisit une somme
de quarante mille livres.
Aujourd'hui, les œuvres d'Oudry passent assez
rarement dans les ventes. La vogue n'est plus
aux sujets de chasse exécutés de cette façon. Mais
les propriétaires des tableaux de notre peintre
peuvent encore, sans crainte d'erreur, en recon-
naître la valeur. Il en est de même des amateurs
qui possèdent des tentures de Beauvais d'après
sej tableaux, surtout si elles reproduisent quel-
qu'une de ses grandes compositions.
Anïony Valauuègue.
L'illustration de cette scène par Oudry est de