ET DE LA CURIOSITE 30
Lails d'une charmante chambre d'enfants compo-
sée par MM. Cccil Aldin et John Hassal, de
Londres).
BIBLIOGRAPHIE
Iconographie de Bourdaloue ; le type aux
yeux fermés, son histoire, son influence, par
le P. Henri Chéiîot, S. J., avec trois portraits
en héliogravure. Paris, Victor Retaux, 1900, in-'i".
L'iconographie de nos grands écrivains ménage
encore quelques trouvailles. Une des plus inté-
ressantes paraîtêtre colle que l'historien de Bour-
daloue, le P. Henri Chérot, nous apporte clans sa
nouvelle publication.
Chacun sait que le grand orateur passe pour
avoir eu l'habitude do prêcher les yeux fermés.
Ce n'est là qu'une légende, et les documents ici
rassemblés en font justice. Cette tradition est
venue du portrait que Jean Jouvenot vint dessiner,
le 13 mai 1704, au lit de mort de Bourdaloue pon-
dant l'exposition du corps. Ce dessin est parvenu
jusqu'à nous, mais l'artiste au lieu do représenter
son modèle étendu sur le lit funéraire, l'a assis
devant une table tenant de la main droite un cru-
cifix, la main gauche sur la poitrine et dans l'at-
titude d'une ardente oraison. « La tête du fameux
prédicateur, écrit M. de Chenneviéres, a été évi-
demment dessinée par Jouvenot immédiatement
après la mort. Tous les signes de la mort sont
là, dans les yeux, dans le nez, dans la bouche ;
puis il a imaginé de mettre en mouvement ce ca-
davre et de faire survivre la prière à la mort. »
La collection du marquis de Chenneviéres a pos-
sédé ce dessin, aujourd'hui chez M. l'abbé Le
Monnier, curé de Saint-Ferdinand des Ternes, qui
a réuni de nombreux portraits ecclésiastiques du
xvii0 siècle.
Jouvenet a exécuté un tableau d'après cette
étude, en faisant disparaître le crucifix et en joi-
gnant les mains du saint jésuite. On a constaté
récemment son existence à l'Ancienne Pinacothè-
que do Munich. Ce tableau, dont on trouvera ici
la première reproduction satisfaisante, a conservé,
bien entendu, au modèle les yeux fermés. Il a été
gravé par Simonneau, dont la gravure a été popu-
larisée depuis, en tète des éditions des Sermons de
Bourdaloue.
C'est l'histoire de ces trois formes de la même
œuvre, dessin, peinture, gravure, qu'a racontée,
avec un grand luxe de documents, le P. Chérot.
Il reste à retrouver le portrait aux yeux ouverts
peint par Elisabeth Chéron, aux environs do 1693.
En amenant la question au point où elle est
aujourd'hui, avec la méthode qu'il y a apportée,
l'auteur donne un véritable modèle de disserta-
tion iconographique.
P. N.
NÉCROLOGIE
VERDI
L'Italie vient de perdre son plus grand musi-
cien, le seul qui, depuis la mort do Rossini, se
fût imposé à l'admiration universelle et qui eût
su conquérir par ses travaux une gloire moins
passagère que celle dont se contentent, en général,
les compositeurs dramatiques transalpins. Verdi
fut, sans discussion possible, le premier des mu-
siciens italiens du siècle, par la robustesse et la
franchise de son inspiration, par la sûreté de son
sentiment scéniquo et surtout parla constance et
la conscience qu'il déploya pour s'assimiler un
art tout différent do celui qui lui valut ses pre-
miers triomphes, et pénétrer ses œuvres d'un
idéal do plus en plus noble. L'avenir dira si
Verdi, dans le siècle de Beethoven et de Richard
Wagner, fut un génie musical de premier ordre
et si sou effort pour se libérer des conventions
d'une rhétorique usée ne fut pas nuisible, en un
certain sens, aux qualités toutes spontanées de
son imagination. Mais, laissant à d'autres le
soin de déterminer si Riijoletto, par exemple,
œuvre de jeunesse, est plus ou moins caractéris-
tique du tempérament de son auteur qn'Otello.
nous pouvons, en toute assurance, affirmer que
le chemin qui l'a conduit d'une partition à l'autre
est considérable et que la gloire tic Verdi, dans le
futur, sera de l'avoir parcouru.
Le maître qui vient do quitter ce momie,
chargé de lauriers et d'années, n'a guère, pendant
cinquante-cinq ans, abandonné la lutte. Elle ne
fut, d'ailleurs, pas très âpre. Depuis 1839, alors
qu'âgé de vingt-six ans, il fit représenter à la
Scala de Milan son premier ouvrage, Oberto,
jusqu'à 1893, date de l'exécution de Falstaff,
Verdi n'a pas écrit moins de vingt-huit opéras.
Presque tous furent chaleureusement accueillis el
il suffit de citer Ernani (1844), Rigoletlo (1851),
Il Trovatore (1853), La Tramata (1853), Les Vêpres
Siciliennes (1855), Bon Carlos (18j7), AidaÇlSll),
Otello (1887), Falstaff (1893), pour évoquer le
souvenir de dates triomphales dans les fastes de
la scène lyrique européenne. Verdi eut du moins
ce mérite de ne jamais se laisser abuser par les
clameurs idolâtres delà foule; il chercha toujours
à se perfectionner, en suivant les impulsions d'un
sentiment artistique de plus en plus épuré, plu-
tôt qu'en se laissant guider par le succès. A ce
point de vue, on peut le considérer comme un
éducateur puissant du goût italien. Il ne se
servit de sa popularité que pour affiner chez ses
admirateurs fanatiques le sens musical et les
amener progressivement du banal dilettantisme
mélodique de Donizetti et de Mercadante au res-
pect de la vérité scénique et de la vraisemblance
do l'expression lyrique du drame.
Ses dernières œuvres marquent chacune, à cet
égard, un progrès sensible, correspondant à un
progrès nouveau du public d'Italie. Aussi con-
çoit-on que la péninsule tout entière soit aujour-
d'hui en deuil. L'Italie musicale sent peut-être
confusément qu'elle a perdu son maître, son vrai
guide, celui qui la conduisait, par delà l'art sen-
suel dont elle s'était enivrée au temps de Bellini,
vers Gluck et vers Richard Wagner, sans qu'elle
dût renoncer à son propre génie.
Dans la vie comme dans l'art, Verdi fut avant
tout un « caractère ». Il se déroba tant qu'il put
aux exigences do la situation de grand homme, té-
moignant, on toute occasion, son horreur de la
réclame et craignant même le bruit de sa re-
nommée. M. Hugues Imbort, dans l'article du
Guide musical qu'il consacre à la mémoire du
maître, cite une do ses lettres, écrite do Gênes
le 7 mars 1887. au président du Cercle interna-
Lails d'une charmante chambre d'enfants compo-
sée par MM. Cccil Aldin et John Hassal, de
Londres).
BIBLIOGRAPHIE
Iconographie de Bourdaloue ; le type aux
yeux fermés, son histoire, son influence, par
le P. Henri Chéiîot, S. J., avec trois portraits
en héliogravure. Paris, Victor Retaux, 1900, in-'i".
L'iconographie de nos grands écrivains ménage
encore quelques trouvailles. Une des plus inté-
ressantes paraîtêtre colle que l'historien de Bour-
daloue, le P. Henri Chérot, nous apporte clans sa
nouvelle publication.
Chacun sait que le grand orateur passe pour
avoir eu l'habitude do prêcher les yeux fermés.
Ce n'est là qu'une légende, et les documents ici
rassemblés en font justice. Cette tradition est
venue du portrait que Jean Jouvenot vint dessiner,
le 13 mai 1704, au lit de mort de Bourdaloue pon-
dant l'exposition du corps. Ce dessin est parvenu
jusqu'à nous, mais l'artiste au lieu do représenter
son modèle étendu sur le lit funéraire, l'a assis
devant une table tenant de la main droite un cru-
cifix, la main gauche sur la poitrine et dans l'at-
titude d'une ardente oraison. « La tête du fameux
prédicateur, écrit M. de Chenneviéres, a été évi-
demment dessinée par Jouvenot immédiatement
après la mort. Tous les signes de la mort sont
là, dans les yeux, dans le nez, dans la bouche ;
puis il a imaginé de mettre en mouvement ce ca-
davre et de faire survivre la prière à la mort. »
La collection du marquis de Chenneviéres a pos-
sédé ce dessin, aujourd'hui chez M. l'abbé Le
Monnier, curé de Saint-Ferdinand des Ternes, qui
a réuni de nombreux portraits ecclésiastiques du
xvii0 siècle.
Jouvenet a exécuté un tableau d'après cette
étude, en faisant disparaître le crucifix et en joi-
gnant les mains du saint jésuite. On a constaté
récemment son existence à l'Ancienne Pinacothè-
que do Munich. Ce tableau, dont on trouvera ici
la première reproduction satisfaisante, a conservé,
bien entendu, au modèle les yeux fermés. Il a été
gravé par Simonneau, dont la gravure a été popu-
larisée depuis, en tète des éditions des Sermons de
Bourdaloue.
C'est l'histoire de ces trois formes de la même
œuvre, dessin, peinture, gravure, qu'a racontée,
avec un grand luxe de documents, le P. Chérot.
Il reste à retrouver le portrait aux yeux ouverts
peint par Elisabeth Chéron, aux environs do 1693.
En amenant la question au point où elle est
aujourd'hui, avec la méthode qu'il y a apportée,
l'auteur donne un véritable modèle de disserta-
tion iconographique.
P. N.
NÉCROLOGIE
VERDI
L'Italie vient de perdre son plus grand musi-
cien, le seul qui, depuis la mort do Rossini, se
fût imposé à l'admiration universelle et qui eût
su conquérir par ses travaux une gloire moins
passagère que celle dont se contentent, en général,
les compositeurs dramatiques transalpins. Verdi
fut, sans discussion possible, le premier des mu-
siciens italiens du siècle, par la robustesse et la
franchise de son inspiration, par la sûreté de son
sentiment scéniquo et surtout parla constance et
la conscience qu'il déploya pour s'assimiler un
art tout différent do celui qui lui valut ses pre-
miers triomphes, et pénétrer ses œuvres d'un
idéal do plus en plus noble. L'avenir dira si
Verdi, dans le siècle de Beethoven et de Richard
Wagner, fut un génie musical de premier ordre
et si sou effort pour se libérer des conventions
d'une rhétorique usée ne fut pas nuisible, en un
certain sens, aux qualités toutes spontanées de
son imagination. Mais, laissant à d'autres le
soin de déterminer si Riijoletto, par exemple,
œuvre de jeunesse, est plus ou moins caractéris-
tique du tempérament de son auteur qn'Otello.
nous pouvons, en toute assurance, affirmer que
le chemin qui l'a conduit d'une partition à l'autre
est considérable et que la gloire tic Verdi, dans le
futur, sera de l'avoir parcouru.
Le maître qui vient do quitter ce momie,
chargé de lauriers et d'années, n'a guère, pendant
cinquante-cinq ans, abandonné la lutte. Elle ne
fut, d'ailleurs, pas très âpre. Depuis 1839, alors
qu'âgé de vingt-six ans, il fit représenter à la
Scala de Milan son premier ouvrage, Oberto,
jusqu'à 1893, date de l'exécution de Falstaff,
Verdi n'a pas écrit moins de vingt-huit opéras.
Presque tous furent chaleureusement accueillis el
il suffit de citer Ernani (1844), Rigoletlo (1851),
Il Trovatore (1853), La Tramata (1853), Les Vêpres
Siciliennes (1855), Bon Carlos (18j7), AidaÇlSll),
Otello (1887), Falstaff (1893), pour évoquer le
souvenir de dates triomphales dans les fastes de
la scène lyrique européenne. Verdi eut du moins
ce mérite de ne jamais se laisser abuser par les
clameurs idolâtres delà foule; il chercha toujours
à se perfectionner, en suivant les impulsions d'un
sentiment artistique de plus en plus épuré, plu-
tôt qu'en se laissant guider par le succès. A ce
point de vue, on peut le considérer comme un
éducateur puissant du goût italien. Il ne se
servit de sa popularité que pour affiner chez ses
admirateurs fanatiques le sens musical et les
amener progressivement du banal dilettantisme
mélodique de Donizetti et de Mercadante au res-
pect de la vérité scénique et de la vraisemblance
do l'expression lyrique du drame.
Ses dernières œuvres marquent chacune, à cet
égard, un progrès sensible, correspondant à un
progrès nouveau du public d'Italie. Aussi con-
çoit-on que la péninsule tout entière soit aujour-
d'hui en deuil. L'Italie musicale sent peut-être
confusément qu'elle a perdu son maître, son vrai
guide, celui qui la conduisait, par delà l'art sen-
suel dont elle s'était enivrée au temps de Bellini,
vers Gluck et vers Richard Wagner, sans qu'elle
dût renoncer à son propre génie.
Dans la vie comme dans l'art, Verdi fut avant
tout un « caractère ». Il se déroba tant qu'il put
aux exigences do la situation de grand homme, té-
moignant, on toute occasion, son horreur de la
réclame et craignant même le bruit de sa re-
nommée. M. Hugues Imbort, dans l'article du
Guide musical qu'il consacre à la mémoire du
maître, cite une do ses lettres, écrite do Gênes
le 7 mars 1887. au président du Cercle interna-