ET DE LA CURIOSITE 47
CHRONIQUE MUSICALE
Les Concerts
Au moment même où M. Camille Chevillard
répétait l'Or du Rhin, M. Edouard Colonne pré-
parait la seconde scène du deuxième acte de Tris-
tan et Yseult. Wagner nous laisse peu de répit
au concert, décidément, mais je dois avouer que
la scène d'amour de Tristan où il ne se passe
presque rien que delà musique, suivant l'expres-
sion de Wagner lui-même, me semble mieux
appropriée à une exécution symphonique que
YUr duRhin, où la pantomime et le décor tiennent
une si grande place. D'ailleurs, Wagner n'acca-
parait pas entièrement le programme de M. Co-
lonne : Beethoven y figurait aussi avec l'ouver-
ture de Coriolan, Lalo avec son Concerto espa-
gnol, il. Rabaud avec la Fantaisie russe, dont
j'ai rendu compte l'autre semaine, et M. C. Geloso
avec un concerto de piano de sa composition qu'il
exécutait pour la première fois.
Ce concerto, qui remplaçait la première scène
du second acte de Tristan, a été assurément
conçu ]iar un bon musicien, en qui le virtuose
n'a pas porté dommage au compositeur; il est
adroitement développé, non sans quelque lour-
deur, cependant, et habilement écrit pour l'or-
chestre, quoiqu'on puisse relever, ça et là, cer-
taines vulgarités d'instrumentation. Mais les idées
qui y sont mises en œuvre ne sont ni très sail-
lantes, ni très personnelles, sauf peut-être celles
de la seconde partie, la mieux réussie des trois,
à mon avis. L'ouvrage est, d'ailleurs, d'aspect
brillant, et, en l'exécutant avec toute la compé-
tence que lui conférait sa qualité de pianiste et
d'auteur, M. Geloso a bien mérité l'accueil flat-
teur que lui a fait le public.
La scène d'amour de Tristan, une des plus ex-
traordinaires conceptions de Wagner, se déroule,
au théâtre, avec une majestueuse lenteur qui en
rend l'impression plus ou moins fatigante, selon
la disposition d'esprit du spectateur.
Au concert, teut l'intérêt se concentre sur la
musique et l'auditeur, sachant d'avance que
rien ne peut se passer que dans l'orchestre,
est mieux préparé à goûter tous les raffinements
techniques que Wagner a prodigués là plus qu'en
aucune autre de ses partitions.
L'exécution de cette scène colossale a été re-
marquable comme ensemble, et l'on peut com-
plimenter M. Colonne d'en avoir obtenu une sem-
blable dans des conditions peu faites pour favo-
riser l'équilibre de la voix et de l'orchestre. Les
passages de douceur, en particulier, rendus avec
une finesse do sonorité très sédui?ante, s'oppo-
saient heureusement à ceux où les instruments, en
raison de leur disposition en gradins, se déchaî-
naient avec trop de violence. Mma Adiny et
M. Kalisch, qui chaulaient les deux rôles prin-
cipaux, et M"° Planés, qui faisait Brangœne,
ont droit à dos éloges pour la manière dont ils
se sont acquittés d'une tâche lourde et périlleuse
entre toutes.
Au Conservatoire, très beau concert, qui débu-
tait par la Symphonie en si bémol de Beethoven,
dont le premier morceau et le finale ont été parti-
culièrement bien dits ; le programme comprenait,
entre autres morceaux du répertoire, une Suite
de Bach, deux chœurs do Mondelssohn et l'ouver-
ture d'Euri/anthe de Webor. Au milieu do ces
œuvres connues, le 3e acte CCArmide, allégé de
quelques épisodes, présentait tout" l'attrait d'une
nouveauté; c'est un plaisir toujours neuf, en
effet, de constater à quel point Gluck sait encore
s'imposer aujourd'hui, malgré les immenses
progrès que la musique a accomplis depuis son
temps. Le troisième acte d'Armide, le plus beau,
sans conteste, de la partition, avec le cinquième,
a produit la plus profonde impression. M>° Teanne
Kaunay eu a chanté le principal rôle avec une
intelligence et une sûreté vocale qui lui ont valu
de chaleureuses ovations ; à ses côté, Mmo Chré-
tien-Vaguet, à qui était dévolu le personnage de
la Haine, a été également très applaudie. Les
chœurs et l'orchestre, sous la direction expéri-
mentée de M. Taffanel, se sont montrés les
dignes interprètes d'une musique si noble, si riche
en trouvailles expressives et dramatiques qu'à cer-
tains instants on la croirait composée d'hier. La
sublime fin de ce troisième acte, notamment,
semble détachée de quelque partition de Berlioz
ou de Wagner et l'on a peine à croire qu'une telle
conclusion tragique ait pu être écrite en 1777.
P. D.
-"O--«■-
REVUE DES REVUES
P Revue universelle (20 janvier). — Intéres-
sante étude historique et esthétique de M. Fié-
rons-Gevaert sur L'Embellissement des villes
(13 grav. reproduisant des monuments, places
publiques, rues, ensembles décoratifs, etc., em-
pruntés à Paris ou à d'autres villes de France et
do l'étranger).
(2 février). —MM. PhilippeZilcken et A. Pl. don-
nent une intéressante revue des récentes pro-
ductions de L'Art en Hollande accompagnée de
8 reproductions de tableaux, édifices, meubles, etc.
B Revue illustrée (1er lévrier). — Article de
M. Maurice Guillemot sur Jules Chéret (portrait
et 16 roprod. de croquis de l'artiste).
= Les Modes (1900, n° 1). — Cette nouvelle
revue contient une curieuse élude du comte
Robert de Montosquiou sur le peintre Boldini,
accompagnée de 3 reproductions, — et un article
de M. Gabriel Mourey sur l'essai de mobilier
moderne tenté par MM. G. de Feure, Golonna et
Gaillard à 1' « Art nouveau » (5 grav.).
0 L'Art du cuir (15 janvier). — Tel est le titre
d'une nouvelle revue dirigée par l'artiste ciseleur
en cuir M. G. Dubouchet.
Ce premier numéro contient de lui un article
sur l'histoire du cuir; le début d'une étude de
M. Grollier sur La Reliure d'art à l'Exposi-
tion de 1900; un article signé Celliniste sur
L'Esthétique moderne. Hors texte : une planche
reproduisant une reliure on cuir incisé.
CHRONIQUE MUSICALE
Les Concerts
Au moment même où M. Camille Chevillard
répétait l'Or du Rhin, M. Edouard Colonne pré-
parait la seconde scène du deuxième acte de Tris-
tan et Yseult. Wagner nous laisse peu de répit
au concert, décidément, mais je dois avouer que
la scène d'amour de Tristan où il ne se passe
presque rien que delà musique, suivant l'expres-
sion de Wagner lui-même, me semble mieux
appropriée à une exécution symphonique que
YUr duRhin, où la pantomime et le décor tiennent
une si grande place. D'ailleurs, Wagner n'acca-
parait pas entièrement le programme de M. Co-
lonne : Beethoven y figurait aussi avec l'ouver-
ture de Coriolan, Lalo avec son Concerto espa-
gnol, il. Rabaud avec la Fantaisie russe, dont
j'ai rendu compte l'autre semaine, et M. C. Geloso
avec un concerto de piano de sa composition qu'il
exécutait pour la première fois.
Ce concerto, qui remplaçait la première scène
du second acte de Tristan, a été assurément
conçu ]iar un bon musicien, en qui le virtuose
n'a pas porté dommage au compositeur; il est
adroitement développé, non sans quelque lour-
deur, cependant, et habilement écrit pour l'or-
chestre, quoiqu'on puisse relever, ça et là, cer-
taines vulgarités d'instrumentation. Mais les idées
qui y sont mises en œuvre ne sont ni très sail-
lantes, ni très personnelles, sauf peut-être celles
de la seconde partie, la mieux réussie des trois,
à mon avis. L'ouvrage est, d'ailleurs, d'aspect
brillant, et, en l'exécutant avec toute la compé-
tence que lui conférait sa qualité de pianiste et
d'auteur, M. Geloso a bien mérité l'accueil flat-
teur que lui a fait le public.
La scène d'amour de Tristan, une des plus ex-
traordinaires conceptions de Wagner, se déroule,
au théâtre, avec une majestueuse lenteur qui en
rend l'impression plus ou moins fatigante, selon
la disposition d'esprit du spectateur.
Au concert, teut l'intérêt se concentre sur la
musique et l'auditeur, sachant d'avance que
rien ne peut se passer que dans l'orchestre,
est mieux préparé à goûter tous les raffinements
techniques que Wagner a prodigués là plus qu'en
aucune autre de ses partitions.
L'exécution de cette scène colossale a été re-
marquable comme ensemble, et l'on peut com-
plimenter M. Colonne d'en avoir obtenu une sem-
blable dans des conditions peu faites pour favo-
riser l'équilibre de la voix et de l'orchestre. Les
passages de douceur, en particulier, rendus avec
une finesse do sonorité très sédui?ante, s'oppo-
saient heureusement à ceux où les instruments, en
raison de leur disposition en gradins, se déchaî-
naient avec trop de violence. Mma Adiny et
M. Kalisch, qui chaulaient les deux rôles prin-
cipaux, et M"° Planés, qui faisait Brangœne,
ont droit à dos éloges pour la manière dont ils
se sont acquittés d'une tâche lourde et périlleuse
entre toutes.
Au Conservatoire, très beau concert, qui débu-
tait par la Symphonie en si bémol de Beethoven,
dont le premier morceau et le finale ont été parti-
culièrement bien dits ; le programme comprenait,
entre autres morceaux du répertoire, une Suite
de Bach, deux chœurs do Mondelssohn et l'ouver-
ture d'Euri/anthe de Webor. Au milieu do ces
œuvres connues, le 3e acte CCArmide, allégé de
quelques épisodes, présentait tout" l'attrait d'une
nouveauté; c'est un plaisir toujours neuf, en
effet, de constater à quel point Gluck sait encore
s'imposer aujourd'hui, malgré les immenses
progrès que la musique a accomplis depuis son
temps. Le troisième acte d'Armide, le plus beau,
sans conteste, de la partition, avec le cinquième,
a produit la plus profonde impression. M>° Teanne
Kaunay eu a chanté le principal rôle avec une
intelligence et une sûreté vocale qui lui ont valu
de chaleureuses ovations ; à ses côté, Mmo Chré-
tien-Vaguet, à qui était dévolu le personnage de
la Haine, a été également très applaudie. Les
chœurs et l'orchestre, sous la direction expéri-
mentée de M. Taffanel, se sont montrés les
dignes interprètes d'une musique si noble, si riche
en trouvailles expressives et dramatiques qu'à cer-
tains instants on la croirait composée d'hier. La
sublime fin de ce troisième acte, notamment,
semble détachée de quelque partition de Berlioz
ou de Wagner et l'on a peine à croire qu'une telle
conclusion tragique ait pu être écrite en 1777.
P. D.
-"O--«■-
REVUE DES REVUES
P Revue universelle (20 janvier). — Intéres-
sante étude historique et esthétique de M. Fié-
rons-Gevaert sur L'Embellissement des villes
(13 grav. reproduisant des monuments, places
publiques, rues, ensembles décoratifs, etc., em-
pruntés à Paris ou à d'autres villes de France et
do l'étranger).
(2 février). —MM. PhilippeZilcken et A. Pl. don-
nent une intéressante revue des récentes pro-
ductions de L'Art en Hollande accompagnée de
8 reproductions de tableaux, édifices, meubles, etc.
B Revue illustrée (1er lévrier). — Article de
M. Maurice Guillemot sur Jules Chéret (portrait
et 16 roprod. de croquis de l'artiste).
= Les Modes (1900, n° 1). — Cette nouvelle
revue contient une curieuse élude du comte
Robert de Montosquiou sur le peintre Boldini,
accompagnée de 3 reproductions, — et un article
de M. Gabriel Mourey sur l'essai de mobilier
moderne tenté par MM. G. de Feure, Golonna et
Gaillard à 1' « Art nouveau » (5 grav.).
0 L'Art du cuir (15 janvier). — Tel est le titre
d'une nouvelle revue dirigée par l'artiste ciseleur
en cuir M. G. Dubouchet.
Ce premier numéro contient de lui un article
sur l'histoire du cuir; le début d'une étude de
M. Grollier sur La Reliure d'art à l'Exposi-
tion de 1900; un article signé Celliniste sur
L'Esthétique moderne. Hors texte : une planche
reproduisant une reliure on cuir incisé.