DISSERTATION
sur le
ROYAUME DE SICILE»
Mœurs anciennes des Siciliens, t$ ïëtat présent
de ce Royaume.
A Fable rapporte que les pre-
miers habitans dé cette Me é-
toient les Cyclopes, qui âvoient
une taille de Géans, & qui é-
toient extrêmement cruels. Ils
habitoient aux environs du
Mont Etna , que nous appel-
ions aujourd'hui Mont Gibel ; &
c'est ce qui a donné lieu , aux Poètes de les faire
sorgerons deVulcain,& de dire qu'ilstravailloient
dans le Mont Etna les foudres de Jupiter. Les Sica-
nes qui venoient d'Espàgne, les Trôyens, les Grecs
& les Romains y tranfporterent diverses Colonies.
Le Siège deMeffine parlîiéron & les Carthaginois,
donna occafîon aux guerres de ces deux Républi-
ques. Delà domination des Empereurs Romains,
cette Me pana fous celle des Gots, qui en furent
chassezpar Belifaire, Général des Armées de l'Em-
pereur Juftinien. Les Sarrazins & les Lombards en
Furent enfuite les maitres : à ceux-ci fuccederent les
Kormands ; puis quelques Empereurs de la Maison
de Suabe; & enfin les François «Se les Arragonnois.
Ceux-ci, ou leurs Succeileurs, eh font encore les
Maitres. Les- différentes révolutions par où a
parlé cet Etat, ont produit un grand mélange dans
les mœurs des Siciliens & ont beaucoup contribué
à les rendre inconftans. Diodore de Sicile & Aris-
tote rapportent que les Siciliens avoient beaucoup
de politeffe. C'eft k eux, que nous avons l'obliga-
tion de diverfes découvertes, & entre autres des
Horloges.. , .
La Sicile est la plus grande Me & la plus con-
fiderable de la Mer Méditerranée; elle eft au Mi-
di de l'Italie,entre le 3 6. & le 40. degré de Longitude,
& le 3 ?. & 3 8. de Latitude Elle n'eft féparée de la Ca-
labreqùepar un détroit de demi-lieue. Sa figure eft
triangulaire, & terminée par trois Caps: le premier
eft celui de Faro, le fécond celui de Paffaro & le
troifieme celui de Coco, comme on le peut remar-
quer dans la Carte. Çeftà caufede ces trois Caps,
qu'on a anciennement norrimé cette Me Trinacrie,
c'est-k-dire l'Me k trois pointes. On donné à la Si-
cile deux cens lieues de 'côtes, ou environ. L'air y
est fort fairi, quoiqu'un peu chaud pour les Etran-
gers. Le Païsest chargé de Montagnes, dont la
plus célèbre eft le Mont Gibel, qui vomit conti-
nuellement des ssammes par un goussre qui eft kfon
somniet. La Sicile a toujours été si abondante <Sc
si sertile en grains, en vins & en sruits, qu'on"
sapelloit anciennement le Grenier de l'Italie, &la
Nourricière du Peuple Romain. On y recueille aulîl
une grande quantité d'huile, de sucre, desafran,
de miel, de cire, & sur-tout de la foye dont el-
le sait grand commerce : on y trouve encore des A-
gates, des Emeraudes, du Jafpe, du Porphyre,
des Mines d'or, d'argent & de fer, & on y pêche
de très beau Corail vers les Côtes Occidentales. Cet-
te Me eft divifée en trois Valléés ou Provinces. La
Vallée de Mazara qui eft au Couchant, celles de
Demôna & de Noto au Levant , la première vers lé
Nord & l'autre au Midi. Ses Villes principales sont
Palerme, Montréal, Trapano, Mazara, Agrigen-
te, Xacca, Noto j Syracufe, Meffine <, Melazzo &
Patti.
Cette Mè eft sort sujet'te aux trembleméns de terre.
En 1693, il s'y en fit fentir un si violent & fi ter-
rible , qu'il renverfa entièrement les Villes de Catane
& d'Agoufto, & endommagea beaucoup celle de
Syracufe & diverfes autres : il périt fous les ruines
de csi8-,Villes cent cinquante mille perfonnes, fans
ceu^qui moururent de faim k la campagne;
La Sicile avoit été donnée par le Pape Urbain IV.
k Charles de France, Duc d'Anjou & Comte de Pro-
vence; & cette donation fat confirmée après la
mort d'Urbain, par Clément IV. à condition de
payer toutes les années au S. Siège un tribut de
quarante mille ducats & d'une Haquenée blanche.
Les Arragonnois qui dispiitoient k Charles la pos-
sesfion de ce Royaume j vinrent k bout de le lui en-
lever par une persidie fànglante, dont voici le récit.
Vêpres Siciliennes.
Jean de Procide,Seigneur d'une Me de même nom
dépendante du Royaume de Nàples, avoit beaucoup
d'autorité dans la Sicile fous le règne de Mainfroi.
Ayant été dépouillé de les biens & de fes charges
après l'avènement de Charles d'Anjou k la Couron-
ne , il chercha le moyen de s'en venger en saisânt
révolter la Sicile contre Charles , pour la remettre
sous la pùiffance de Pier're Roi d'Arragon, qui pré-
tendoit que le Royaume lui appartenoit, k caufe de
Confiance fa femme, fille de Mainfroi. Procide,
pour mieux réuflir dans le deffein qu'il avoit sormé,
îè déguifa en Cordelier, & après avoir fous cet ha-
bit parcouru toute la Sicile pour gagner les efprits,
il alla enfuite k Conilantinople, pour traiter avec
Michel Paleologue, & en tirer quelque secours d'ar-
gent. De lk il le rendit k Rome, où il engagea le
Pape k savoriser cette entreprise. Mais la mort du
Pape Nicolas qui regnoit alors, & l'exaltation du
Cardinal de Ste. Cécile que le Roi Charles sit élire
sous le nom de Martin IV. changèrent la face des
assaires. Cependant Procide n'abandonna point fon
dessein. Il employa deux ans k tramer, fous l'ha-
bit de Cordelier, la conjuration qui sut exécutée en
1282. Il convint avec les conjurez, qUe Je jour
de Pâques qui écheoit le 30 Mars ,ausfitôt que l'on
entendrait le son de la Cloche de Vêpres, on serait
N main
sur le
ROYAUME DE SICILE»
Mœurs anciennes des Siciliens, t$ ïëtat présent
de ce Royaume.
A Fable rapporte que les pre-
miers habitans dé cette Me é-
toient les Cyclopes, qui âvoient
une taille de Géans, & qui é-
toient extrêmement cruels. Ils
habitoient aux environs du
Mont Etna , que nous appel-
ions aujourd'hui Mont Gibel ; &
c'est ce qui a donné lieu , aux Poètes de les faire
sorgerons deVulcain,& de dire qu'ilstravailloient
dans le Mont Etna les foudres de Jupiter. Les Sica-
nes qui venoient d'Espàgne, les Trôyens, les Grecs
& les Romains y tranfporterent diverses Colonies.
Le Siège deMeffine parlîiéron & les Carthaginois,
donna occafîon aux guerres de ces deux Républi-
ques. Delà domination des Empereurs Romains,
cette Me pana fous celle des Gots, qui en furent
chassezpar Belifaire, Général des Armées de l'Em-
pereur Juftinien. Les Sarrazins & les Lombards en
Furent enfuite les maitres : à ceux-ci fuccederent les
Kormands ; puis quelques Empereurs de la Maison
de Suabe; & enfin les François «Se les Arragonnois.
Ceux-ci, ou leurs Succeileurs, eh font encore les
Maitres. Les- différentes révolutions par où a
parlé cet Etat, ont produit un grand mélange dans
les mœurs des Siciliens & ont beaucoup contribué
à les rendre inconftans. Diodore de Sicile & Aris-
tote rapportent que les Siciliens avoient beaucoup
de politeffe. C'eft k eux, que nous avons l'obliga-
tion de diverfes découvertes, & entre autres des
Horloges.. , .
La Sicile est la plus grande Me & la plus con-
fiderable de la Mer Méditerranée; elle eft au Mi-
di de l'Italie,entre le 3 6. & le 40. degré de Longitude,
& le 3 ?. & 3 8. de Latitude Elle n'eft féparée de la Ca-
labreqùepar un détroit de demi-lieue. Sa figure eft
triangulaire, & terminée par trois Caps: le premier
eft celui de Faro, le fécond celui de Paffaro & le
troifieme celui de Coco, comme on le peut remar-
quer dans la Carte. Çeftà caufede ces trois Caps,
qu'on a anciennement norrimé cette Me Trinacrie,
c'est-k-dire l'Me k trois pointes. On donné à la Si-
cile deux cens lieues de 'côtes, ou environ. L'air y
est fort fairi, quoiqu'un peu chaud pour les Etran-
gers. Le Païsest chargé de Montagnes, dont la
plus célèbre eft le Mont Gibel, qui vomit conti-
nuellement des ssammes par un goussre qui eft kfon
somniet. La Sicile a toujours été si abondante <Sc
si sertile en grains, en vins & en sruits, qu'on"
sapelloit anciennement le Grenier de l'Italie, &la
Nourricière du Peuple Romain. On y recueille aulîl
une grande quantité d'huile, de sucre, desafran,
de miel, de cire, & sur-tout de la foye dont el-
le sait grand commerce : on y trouve encore des A-
gates, des Emeraudes, du Jafpe, du Porphyre,
des Mines d'or, d'argent & de fer, & on y pêche
de très beau Corail vers les Côtes Occidentales. Cet-
te Me eft divifée en trois Valléés ou Provinces. La
Vallée de Mazara qui eft au Couchant, celles de
Demôna & de Noto au Levant , la première vers lé
Nord & l'autre au Midi. Ses Villes principales sont
Palerme, Montréal, Trapano, Mazara, Agrigen-
te, Xacca, Noto j Syracufe, Meffine <, Melazzo &
Patti.
Cette Mè eft sort sujet'te aux trembleméns de terre.
En 1693, il s'y en fit fentir un si violent & fi ter-
rible , qu'il renverfa entièrement les Villes de Catane
& d'Agoufto, & endommagea beaucoup celle de
Syracufe & diverfes autres : il périt fous les ruines
de csi8-,Villes cent cinquante mille perfonnes, fans
ceu^qui moururent de faim k la campagne;
La Sicile avoit été donnée par le Pape Urbain IV.
k Charles de France, Duc d'Anjou & Comte de Pro-
vence; & cette donation fat confirmée après la
mort d'Urbain, par Clément IV. à condition de
payer toutes les années au S. Siège un tribut de
quarante mille ducats & d'une Haquenée blanche.
Les Arragonnois qui dispiitoient k Charles la pos-
sesfion de ce Royaume j vinrent k bout de le lui en-
lever par une persidie fànglante, dont voici le récit.
Vêpres Siciliennes.
Jean de Procide,Seigneur d'une Me de même nom
dépendante du Royaume de Nàples, avoit beaucoup
d'autorité dans la Sicile fous le règne de Mainfroi.
Ayant été dépouillé de les biens & de fes charges
après l'avènement de Charles d'Anjou k la Couron-
ne , il chercha le moyen de s'en venger en saisânt
révolter la Sicile contre Charles , pour la remettre
sous la pùiffance de Pier're Roi d'Arragon, qui pré-
tendoit que le Royaume lui appartenoit, k caufe de
Confiance fa femme, fille de Mainfroi. Procide,
pour mieux réuflir dans le deffein qu'il avoit sormé,
îè déguifa en Cordelier, & après avoir fous cet ha-
bit parcouru toute la Sicile pour gagner les efprits,
il alla enfuite k Conilantinople, pour traiter avec
Michel Paleologue, & en tirer quelque secours d'ar-
gent. De lk il le rendit k Rome, où il engagea le
Pape k savoriser cette entreprise. Mais la mort du
Pape Nicolas qui regnoit alors, & l'exaltation du
Cardinal de Ste. Cécile que le Roi Charles sit élire
sous le nom de Martin IV. changèrent la face des
assaires. Cependant Procide n'abandonna point fon
dessein. Il employa deux ans k tramer, fous l'ha-
bit de Cordelier, la conjuration qui sut exécutée en
1282. Il convint avec les conjurez, qUe Je jour
de Pâques qui écheoit le 30 Mars ,ausfitôt que l'on
entendrait le son de la Cloche de Vêpres, on serait
N main