DISSERTATION
GENERALE
s u k
LA F R A N
£»
ETTE Couronne est la plus belle
qui lèfoit formée de lachûtedes
Romains dans les Gaules; Je ne
remonterai point julqu'à l'origi-
ne de cette Puiffance,pour rame-
ner enfuite, pié à pic , jufqu'à
l'état où nous la voyons. C'est
une route battue,&qui d'ailleurs
me feroit faire trop de chemin. Je laine, donc, aux
Historiens à difputer d'où cette Nation eft sortie, & si
fonnorri désigrte l'indépendance, la franchife,ou la
sérocité; je leur làifte à distingUer fes premiers Monar-
ques, & à fixer là véritable époque de son établhTe-
ment. Je traiterai cette matière avec une méthode i,
vague à la vérité , mais qui m'abrégera du travail, &
?wsérâ moins ennuieuse au Ledleur. Je prendrai la
rance par trois endroits disserens.Par son Gouverne-
ment , par ses malheurs ?&par fa profperité. Je propo-
ferai fur chacune de ces idées ce que le bon fens me dic-
tera, & le tout, du moins autant que je pourrai me
rendre maitre de mon panchant tout républicain, le
tout fans aigreur, & fans partialité.
S'il est vrai, comme c'est l'opinion commune £
que ces deux termes, François & Libre,signifient
la même chofe, on peur bâtir là-defnis une conjec-
ture , fans trop hazarder. C'eft que les fondateurs
de cet Etat ont ufé de toutes les précautions ima-
ginables contre l'autorité arbitraire > & qu'ils n'ont
rien omis, pour assurer à.eux, & à leurs Descen-
dans, le précieux tréfor de la Liberté. Puisque ces
Peuples faifoient profelïïon de vivre en hommes, &
qu'ils déteftoient l'esclavage ; il n'y a nulle aparence
qu'ils ayent prétendu fe donner un Maitre illimité
dans fon pouvoir; cela va tout feuh Pour moi, je
préfume,& l'on ne m'en difluadera point * que les
Auteurs de cette PuùTance firent de bonnes &fàges
Loix pour écarter le Defpotifme, & pour sermer
toutes les avenues à l'opprefïïon. Nefe fentant pas
Eropres au Gouvernement républicain, ils voulurent
ien réunir toute l'autorité dans une seule perfonne}
mais à telles & telles conditions, & ils bornèrent
allez le pouvoir du Prince, pour l'empêcher d'être
Tyran. Toute une Nation s'abandonner pour ja-
mais, & sans referve j à la volonté d'un homme,
cela me paroît le plus grand de tous les travers, &
j'ai trop bonne opinion de nos ancêtres pour les
foupçonher d'avoir mis dans un si grand risque l'in-
térêt commun de leur Société. N'y a-t-il donc que
la France au Monde, direz- vous, où la Loi suprêrne
confiste dans le bon-plailir du Souverain? Je fuis
tout-à sait éloigné de cette pensée. Tant s'en faut:
Presque toute la Terre est inondée du Despotishïe,
& les Etats libres font en fi petit nombre, qu'à pei-
ne peuvent-ils saire une exception. Mais, outre que
quantité de Nations, qui n'ayant de l'homme que la
sigure & la Machine, sembîent avoir été sormées
pour la chaine ; il l'on remontoit à la source , fî
l'on fouilloit dans les Archives & dans les Contrats
originaux de la fondation des Sociétezs on verroit
que les chofes font fur Un pié bien différent de celui
où elles devraient être $ oc l'on tômberoit d'accord
que l'ambition des Maitres & l'imprudence des Su?
jets ont laine prendre au Sceptre ce, pouvoir fans ref-
sriction, qu'il exerce par-tout. D'ailleurs, je con-
tinue à m'appuyer fur la iùppofition, que nos pre-
miers François, par une juste haine pour la fervitude
& pour le jpug j saisoient proselïïon de fe distinguer
des autres Peuples ; ce qui fait, commevous voyez*
un cas à part 3 ce qui donne du poids & de la sorce
à mon raisonnement.
Je pose doncentheseque l'ancien Gouvernement
de notre Nation rouloit lur le Droit naturel, & que
l'équité en étoit la base & le pivot. Le Prince y
étoit revêtu de toute l'autorité nécelTaire au bonheur
de la Nation \ mais fon pouvoir n'étoit point dé-
truifant* & il étoit dans un heureux impolïïble de
rendre lès Sujets malheureux. Généralilïïme naturel
de toutes les sorces de la Nation, il veilloit à la
fureté de l'Etat) &.ilavôit la gloire de le défen-
dre contre les agreffeurs. Premier Intendant & Ches
de la Juftice, il veilloit à ce qu'elle sut bien admi-
niftrée, ayant soin de soutenir cette Reine, cette ame
des Sociétez contre la grandeur s les rieheffes, la
beauté, contre tous les attraits,enfin, par lefquels
un Juge fe laiffe corrompre, & devient le suppôt
de l'iniquité. Dispenfateur des charges, des emplois,
des dignitez, des honneurs j ce Monarque recom-
pensoit le mérite ; les polies étoient occupez par des
têtes dignes de les remplir ; l'argent n'élevoit point
à l'épée, ni à la robe, & des lujets très utiles n'ê~
toient point réduits, manque de fortune, à languir
toute leur vie dans la pduiïiere, & dans l'obscurité:
Maitre des bienfaits & des grâces, il excitoit par fes
largeffes une émulation pour la vertu, il exerçoit las
clémence fur des condamnez moins criminels que
malheureux. Mais je doute , qu'il fût au pouvoir
de ces Princes de trancher décifivement fur les affai-
res de la guerre ou de la paix. Ce font des points*
d'une trop haute conféqûenee, & dont les suites peu-
vent s'étendre trop loin. Qu'un Monarque, pour
contenter fa paffion, rompe avec fes alliez,- s'avilè
de vouloir conquérir fes voisins j viole les traitez &
les conventions, voilà l'Etat exppfé à fe perdre, il
eft, du moins, en danger de soussrir quelque échec;
& ce qui est mconteftable, c'eft, que la Nation eft
chargée de tout le sang innocent , que son honneur
eft nêtri par une injustice criante, srancliiflbns
le mot , qu'elle eft coupable d'un crime qu^n ne
pourroit punir avec trop de rigueur dans un parti-
culier.
G D'uni
GENERALE
s u k
LA F R A N
£»
ETTE Couronne est la plus belle
qui lèfoit formée de lachûtedes
Romains dans les Gaules; Je ne
remonterai point julqu'à l'origi-
ne de cette Puiffance,pour rame-
ner enfuite, pié à pic , jufqu'à
l'état où nous la voyons. C'est
une route battue,&qui d'ailleurs
me feroit faire trop de chemin. Je laine, donc, aux
Historiens à difputer d'où cette Nation eft sortie, & si
fonnorri désigrte l'indépendance, la franchife,ou la
sérocité; je leur làifte à distingUer fes premiers Monar-
ques, & à fixer là véritable époque de son établhTe-
ment. Je traiterai cette matière avec une méthode i,
vague à la vérité , mais qui m'abrégera du travail, &
?wsérâ moins ennuieuse au Ledleur. Je prendrai la
rance par trois endroits disserens.Par son Gouverne-
ment , par ses malheurs ?&par fa profperité. Je propo-
ferai fur chacune de ces idées ce que le bon fens me dic-
tera, & le tout, du moins autant que je pourrai me
rendre maitre de mon panchant tout républicain, le
tout fans aigreur, & fans partialité.
S'il est vrai, comme c'est l'opinion commune £
que ces deux termes, François & Libre,signifient
la même chofe, on peur bâtir là-defnis une conjec-
ture , fans trop hazarder. C'eft que les fondateurs
de cet Etat ont ufé de toutes les précautions ima-
ginables contre l'autorité arbitraire > & qu'ils n'ont
rien omis, pour assurer à.eux, & à leurs Descen-
dans, le précieux tréfor de la Liberté. Puisque ces
Peuples faifoient profelïïon de vivre en hommes, &
qu'ils déteftoient l'esclavage ; il n'y a nulle aparence
qu'ils ayent prétendu fe donner un Maitre illimité
dans fon pouvoir; cela va tout feuh Pour moi, je
préfume,& l'on ne m'en difluadera point * que les
Auteurs de cette PuùTance firent de bonnes &fàges
Loix pour écarter le Defpotifme, & pour sermer
toutes les avenues à l'opprefïïon. Nefe fentant pas
Eropres au Gouvernement républicain, ils voulurent
ien réunir toute l'autorité dans une seule perfonne}
mais à telles & telles conditions, & ils bornèrent
allez le pouvoir du Prince, pour l'empêcher d'être
Tyran. Toute une Nation s'abandonner pour ja-
mais, & sans referve j à la volonté d'un homme,
cela me paroît le plus grand de tous les travers, &
j'ai trop bonne opinion de nos ancêtres pour les
foupçonher d'avoir mis dans un si grand risque l'in-
térêt commun de leur Société. N'y a-t-il donc que
la France au Monde, direz- vous, où la Loi suprêrne
confiste dans le bon-plailir du Souverain? Je fuis
tout-à sait éloigné de cette pensée. Tant s'en faut:
Presque toute la Terre est inondée du Despotishïe,
& les Etats libres font en fi petit nombre, qu'à pei-
ne peuvent-ils saire une exception. Mais, outre que
quantité de Nations, qui n'ayant de l'homme que la
sigure & la Machine, sembîent avoir été sormées
pour la chaine ; il l'on remontoit à la source , fî
l'on fouilloit dans les Archives & dans les Contrats
originaux de la fondation des Sociétezs on verroit
que les chofes font fur Un pié bien différent de celui
où elles devraient être $ oc l'on tômberoit d'accord
que l'ambition des Maitres & l'imprudence des Su?
jets ont laine prendre au Sceptre ce, pouvoir fans ref-
sriction, qu'il exerce par-tout. D'ailleurs, je con-
tinue à m'appuyer fur la iùppofition, que nos pre-
miers François, par une juste haine pour la fervitude
& pour le jpug j saisoient proselïïon de fe distinguer
des autres Peuples ; ce qui fait, commevous voyez*
un cas à part 3 ce qui donne du poids & de la sorce
à mon raisonnement.
Je pose doncentheseque l'ancien Gouvernement
de notre Nation rouloit lur le Droit naturel, & que
l'équité en étoit la base & le pivot. Le Prince y
étoit revêtu de toute l'autorité nécelTaire au bonheur
de la Nation \ mais fon pouvoir n'étoit point dé-
truifant* & il étoit dans un heureux impolïïble de
rendre lès Sujets malheureux. Généralilïïme naturel
de toutes les sorces de la Nation, il veilloit à la
fureté de l'Etat) &.ilavôit la gloire de le défen-
dre contre les agreffeurs. Premier Intendant & Ches
de la Juftice, il veilloit à ce qu'elle sut bien admi-
niftrée, ayant soin de soutenir cette Reine, cette ame
des Sociétez contre la grandeur s les rieheffes, la
beauté, contre tous les attraits,enfin, par lefquels
un Juge fe laiffe corrompre, & devient le suppôt
de l'iniquité. Dispenfateur des charges, des emplois,
des dignitez, des honneurs j ce Monarque recom-
pensoit le mérite ; les polies étoient occupez par des
têtes dignes de les remplir ; l'argent n'élevoit point
à l'épée, ni à la robe, & des lujets très utiles n'ê~
toient point réduits, manque de fortune, à languir
toute leur vie dans la pduiïiere, & dans l'obscurité:
Maitre des bienfaits & des grâces, il excitoit par fes
largeffes une émulation pour la vertu, il exerçoit las
clémence fur des condamnez moins criminels que
malheureux. Mais je doute , qu'il fût au pouvoir
de ces Princes de trancher décifivement fur les affai-
res de la guerre ou de la paix. Ce font des points*
d'une trop haute conféqûenee, & dont les suites peu-
vent s'étendre trop loin. Qu'un Monarque, pour
contenter fa paffion, rompe avec fes alliez,- s'avilè
de vouloir conquérir fes voisins j viole les traitez &
les conventions, voilà l'Etat exppfé à fe perdre, il
eft, du moins, en danger de soussrir quelque échec;
& ce qui est mconteftable, c'eft, que la Nation eft
chargée de tout le sang innocent , que son honneur
eft nêtri par une injustice criante, srancliiflbns
le mot , qu'elle eft coupable d'un crime qu^n ne
pourroit punir avec trop de rigueur dans un parti-
culier.
G D'uni