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Chatelain, Henri Abraham; Gueudeville, Nicolas [Editor]
Atlas Historique, Ou Nouvelle Introduction A l'Histoire, à la Chronologie & à la Géographie Ancienne & Moderne: Représentée dans de Nouvelles Cartes, Où l'on remarque l'établissement des Etats & empires du Monde, leur durée, leur chûte, & leurs differens Gouvernemens ... (Band 1): Contenant la Grèce, l'Histoire Romaine, Rome Moderne, Naples, la France, l'Espagne, & les Provinces Unies — Amsterdam, 1739

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https://doi.org/10.11588/diglit.9886#0241

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76 DISSERTATION SUR LES PROVINCES UNIES.

Faliarme, & comprenant l'injustice de cet exécrable
Tribunal, avec leurs privilèges & leurs immunitez,
toutes les Provinces se récrièrent, & ce sremissement
général fut comme Fa vantcoureur de l'horrible tem-
pête , qui ne tarda gueres à éclater. En esset, les
Seigneurs mécontens redoublent leurs plaintes.Gran-
velle est contraint de quitter la partie, il retourne en
Espagne ; il y attise le seu, il anime le Roi déjà trop
dilposé à en venir aux dernières extrémitez. Cepen-.
dantle corps du Cardinal étoit à Madrid, & fon elprit
regnoit à Bruxelles, la Duchess'ede Parme nesailànt
qu'exécuter les leçons de ce Prélat. Les mécontens
s'en apperçoivent,& ne le diffimulent pas.Cette Prin-
cesse écrit à son srère, elle lui députe un des principaux
dupais; mais point d'adouciffement à efperer de Phi-
lippe , il veut être obéi. Le Comte d'Egmont ne laiffa
pas de revenir de fa députation chargé de belles paro-
les ; la Gouvernante les sit valoir, & comme elle étoit
bonne &avisée, elle rafTura les efprits ; il y eut un
intervalle lucide, & Ton seflata d'un calme entier. La
nuée de l'orage n'étoit pas loin. La Gourde Madrid
retourne à la charge pour saire obferver ses ordres, &
la Nation fe roidiitant pour le maintien de ses droits,
le tumulte fe rechaufsa. Dans cette conjoncture, la
Nobleffe forma cette première union nommée le
Compromis. Brederode, ifTu des anciens Comtes
d'Hollande, soutenu de trois cens, ou félon d'autres,
de quatre cens Gentilshommes , préfente une requête
contre la rigueur du Gouvernement. Une fupplica-
tion si nomoreufe, &si refolue, épouvanta la Régen-
te. Barlemont y prend garde, & lui dit, pour la re-
mettre, que ce sont des Gueux. Les Affociez fe pi-
quent de l'injurieufe exprefïïon; ils la relèvent, &,
par une vengeance affez bizarre, ayant joint au terme
de Gueux la besace & l'écuelle, ils font de cet emblè-
me le ligne & l'étendart de leur Consédération. Lors
que cesilluftres&prétendus Gueux, lorsque ces No-
bles fe réuniffoient ainfipar déiïlionsous lesaufpices
de la mendicité, auroient-ils cru pofer la première
pierre à l'un des plus beaux édifices que la Providence
ait élevé fur la Terre depuis deux fieclcs, auroient ils
cru jetter les premiers fondemens d'une République
dont l'opulence & les richelfes font le principal fou-
tien?
L'on s'imagine aisément que la démarche hardie de
cette Nobleffe augmenta la mauvaife humeur du Mo-
narque , ou plutôt qu'elle le mit en fureur. Sa colère
ne l'emporta néanmoins pas assez pour l'arracher de
fon Cabinet. La Ducheife de Parme avoit beau man-
der que lui feul pouvoit dilfiper ces troubles par fa
présence ; on lui représentoit en vain que son pere
avoir sait le voyage, & risqué même fa personne pour
appaiser la fedition de Gand; Philippe ne vouloit fati-
guer que dans fon Confeil, «Se d'ailleurs, il haïsfoit
trop lesFlamans pour les châtier de son propre bras.
Il choisit le Duc d'Albe pour occuper fa place, &
le pouvoir qu'il donne à ce Général en Flandre eft
précisément, mais trop serieux, helas ! le pouvoir
que le Comique François donne à son malade imagi-
naire , lors qu'il le sait initier dans le charlatanisme des
Médecins. On lui mit en main le fer& le seu, avec
tout pouvoir de s'enservir. Sa barbare & inhumaine
Majefte avoit trouvé son homme. Jamais Ministre ne
fut plus digne de son Maitre, & quand la Nature les
auroit tournez l'un pour l'autre, elle n'auroit pu les
mieux assortir. Jamais l'y vrogne le plus outré n'aima
tant le vin, que le Duc d'Albe aimoit le sang. Il étoit

né pour être bourreau. Il ne tuoit jamais assez à sa
santaifîe, & quand il n'avoit fait pendre qu'une cen-
taine d'hommes dans un jour, il n'en dormoit pas de
chagrin. On le connoiffoit fur ce pié-là. Ainii Ton
s'imagine bien quel effet le bruit de fa venue produifît
dans le Païs-Bas. Les Flamans fe crurent perdus, & il
y a des Historiens qui disent qu'il sortit bien cent mille
perfonnes. Il en eft sorti de France tout au moins au-
tant dans la dernière perfécution : jugez après cela
combien le Genre humain eft obligé aux Lieutenans
du Ciel, &aux images de Dieu.
Le Duc d'Albe vient en Flandre, & il eut, en arri-
vant , la joye de voir que la confternation & la terreur
avoient précédé là marche. Il trouvoit par-tout un
morne filence, &il lisoit fur les vifages toute l'hor-
reur de ses defleins. Rendons juftice à la Vérité. Le
Roi d'Efpagne n'étoit pas irrité sans fujet. On prê-
choit publiquement la pureté de l'Evangile. Passe
pour cela. Les Apôtres en ont donné l'exemple, &
ils aimoient mieux là-dessus obeïr à Dieu qu'aux hom-
mes. Mais la canaille, excitée apparemment par les
Prédicateurs, gens d'une dangereufe politique, &
trompettes ordinaires de la fédition, quand ils fe
fententles plus forts, la canaille, dis-je, avoit pillé
les Temples, brûlé les Images, renverfé les Autels;
je ne croi point que c'ait jamais été là l'intention de
notre divin & pacifique Legiflateur. Le Général
Efpagnoi. Millionnaire de fait, & Convertiffeur à
bout portant, VOUluc couper la racine du mal. Il
établit ce terrible Collège compofé de douze têtes,
& nommé le Confeil du Sang. C'étoit, disoitleDuc
d'Albe, pour la caufe de Jefus-Chrift. Quels Apô-
tres ! Le meilleur ami des hommes, & leur Sauveur
pourroit-il autorifer un Tribunal fi meurtrier? L'a£
semblée répondit parfaitement aux intentions du Mo-
narque, & du Gouverneur. On faififfoit les innocens,
on ufoit contre eux de toute la procédure Inquifitoire,
& leur feule confoiation en mourant, c'eft qu'on ne
les faifoitpas languir. Le plus fameux exploit de ce
Confeil ce fut l'exécution des Comtes d'Egmont & de
Horne. Ces deux Seigneurs, qui n'ignoroient pas
- qu'on les foupçonnoit, avoient compté sur leurnaif-
fance, fur leurs charges, & fur leur crédit : mais ils
s'étoient groifierement abufez. Le rang & le pou-
voir faifoient leur plus grand crime, & l'on crut
qu'un exemple ausïï formidable que leferoit celui de
leur fupplice, conflerneroit les mécontens. Le Duc
agit plus en cela fuivant fon humeur fanguinaire, que
suivant les règles de la prudence. Il étoit bien mal in-
ftruit du génie de la Nation ; c'eft de s'irriter par les
obftacles, de s'aigrir par les dirKcultez,& fur-tout de
ne point sléchir pour les menaces, ni pour les ri-
gueurs. En esset, la mort de ces deux Grands mit le
seu par-tout. Les Flamans voyent bien qu'on a résblu
leur perte, & qu'on ne veut avoir aucun ménagement
pour eux. Ce sut alors que la Liberté, qu'ils ont ai-
mée de tout tems, leur parut plus belle, &pluspré-
cieufe que jamais ; ils ne balancèrent point dans
l'alternative de la conferver, ou de périr pour el-
le. Le Ciel gardoit un Ange tutelaire au pais. Guil-
laume de Nassau , celui des mécontens que Phi-
lippe haïssoit, & craignoit le plus, avoit eu la sage
précaution de fe retirer aux approches des Efpagnols;
on dit même qu'il prédit en partant l'exécution des
Comtes. Quoi qu'il en foit , fa retraite fut un
coup important, & il fauva la Patrie avec îk per-
fonne.
Ce
 
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