grâce à la lutte de l'Allemagne pour se reconquérir contre
Napoléon, que la grande musique allemande, par Richard
Wagner, a fermé son cycle héroïque. L'explosion sentimen-
tale longtemps refoulée a la couleur pour expression. L'Eu-
rope conquise, l'Orient entrevu, entrent en tumulte dans
l'émotion sensuelle des Français. Le rêve romantique et le
réalisme classique se heurtent et se mêlent en France, où
l'Italie et l'Allemagne se rencontrent pour la troisième fois.
Et c'est ici que la Renaissance du Sud et la Renaissance du
Nord se confrontent pour affirmer un accord définitif.
Cet accord, que consacre la peinture française — c'est
l'éternelle destinée de la France d'équilibrer, dans une divine
mesure, la vie diffuse du Nord et l'intelligence du Sud —
Rubens l'avait réalisé une heure. Par lui, l'esprit de Michel-
Ange rejoignait l'humanité de Rembrandt pour définir,
dans l'œuvre la plus instinctive, la plus spontanée, la plus
animale, mais aussi la plus permanente de la peinture par
son indifférence à tout ce qui n'est pas l'objet et le mouve-
ment, la mission européenne dans sa profonde unité. Sous
peine de mort, le Nord de l'Europe devait accepter de s'assi-
miler la pensée méditerranéenne, comme la pensée médi-
terranéenne, pour se survivre, devait charger son arabesque
de la marée de sensations directes, de musique, de rêverie et
de mystère que l'âme du Nord apportait. Nous vivons de
notre ingénuité première, mais quand les mouvements d'idées
naissent autour de nous et nous encerclent peu à peu, comme
de grandes eaux autour d'une île, si notre ingénuité refuse
d'y puiser l'aliment qui la refera, une affreuse aridité suc-
cède à l'éruption des fruits qui la rendaient si savoureuse.
Ce qui tue, ce n'est pas d'apprendre, c'est de ne pas sentir
ce qu'on apprend. L'innocence est immortelle chez qui
cherche toujours. Elle renaît de ses cendres, et le pressenti-
ment nouveau n'apparaît que quand l'expérience et l'étude
ont détruit ou confirmé le pressentiment ancien. Le Nord
et le Sud s'étaient, depuis les invasions barbares, influencés
réciproquement sans arrêt, mais jamais, jusqu'à Rubens, le
prophétisme intellectuel n'avait introduit sa ligne continue
— 7 —
Napoléon, que la grande musique allemande, par Richard
Wagner, a fermé son cycle héroïque. L'explosion sentimen-
tale longtemps refoulée a la couleur pour expression. L'Eu-
rope conquise, l'Orient entrevu, entrent en tumulte dans
l'émotion sensuelle des Français. Le rêve romantique et le
réalisme classique se heurtent et se mêlent en France, où
l'Italie et l'Allemagne se rencontrent pour la troisième fois.
Et c'est ici que la Renaissance du Sud et la Renaissance du
Nord se confrontent pour affirmer un accord définitif.
Cet accord, que consacre la peinture française — c'est
l'éternelle destinée de la France d'équilibrer, dans une divine
mesure, la vie diffuse du Nord et l'intelligence du Sud —
Rubens l'avait réalisé une heure. Par lui, l'esprit de Michel-
Ange rejoignait l'humanité de Rembrandt pour définir,
dans l'œuvre la plus instinctive, la plus spontanée, la plus
animale, mais aussi la plus permanente de la peinture par
son indifférence à tout ce qui n'est pas l'objet et le mouve-
ment, la mission européenne dans sa profonde unité. Sous
peine de mort, le Nord de l'Europe devait accepter de s'assi-
miler la pensée méditerranéenne, comme la pensée médi-
terranéenne, pour se survivre, devait charger son arabesque
de la marée de sensations directes, de musique, de rêverie et
de mystère que l'âme du Nord apportait. Nous vivons de
notre ingénuité première, mais quand les mouvements d'idées
naissent autour de nous et nous encerclent peu à peu, comme
de grandes eaux autour d'une île, si notre ingénuité refuse
d'y puiser l'aliment qui la refera, une affreuse aridité suc-
cède à l'éruption des fruits qui la rendaient si savoureuse.
Ce qui tue, ce n'est pas d'apprendre, c'est de ne pas sentir
ce qu'on apprend. L'innocence est immortelle chez qui
cherche toujours. Elle renaît de ses cendres, et le pressenti-
ment nouveau n'apparaît que quand l'expérience et l'étude
ont détruit ou confirmé le pressentiment ancien. Le Nord
et le Sud s'étaient, depuis les invasions barbares, influencés
réciproquement sans arrêt, mais jamais, jusqu'à Rubens, le
prophétisme intellectuel n'avait introduit sa ligne continue
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