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Faure, Élie
Histoire de l'art ([Band 4]): L'art moderne — Paris: Librarie Plon, 1948

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https://doi.org/10.11588/diglit.71101#0053
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cuteries des rues, la palpitation nacrée des ventres, le frisson
luisant des écailles, le glissement visqueux des longs corps
cylindriques, l'épaisseur des viandes, la chaleur des poils et
des plumes entassés pêle-mêle, une odeur de mer et de sang
caillé flottant parmi les rousseurs des gibiers d'automne, les
bleus et les verts des algues et des profondeurs marines.
C'était encore trop pour lui. Fyt l'aida dans sa besogne.
Crayer, qui aimait aussi les poissons, la mer, les viandes de
boucherie, ferma les yeux timidement pour leur laisser ce
domaine et crut devoir se réserver les portraits équestres,
les triomphes monarchiques et les théologies pompeuses
dans le décor des colonnades torses et des tentures de brocart.
Le bon peintre Jacob van Oost lui abandonna les nus
athlétiques et les mélodrames musclés pour s'enfermer dans
sa Bruges mourante avec ses bourgeois enrichis qui se dra-
paient dans les manteaux et les pourpoints dont Rubens
habillait ses princes, debout dans la grandeur des ciels. Van
Dyck s'empara des mains, des visages, dépouilla les soldats
de leurs harnais de guerre pour mieux voir leurs chevilles
et leurs poignets, et habilla de robes très étoffées les divinités
de la Flandre païenne pour goûter un plaisir plus pervers à
les déshabiller ensuite. Là où étaient le geste sûr, la puis-
sance aisée, la superbe élégance de la force en action, il
substitua le geste apprêté, la grâce maniérée, l'élégance
apprise et fanée de la servitude et de l'oisiveté de cour.
Le noble avait quitté l'armure. Il avait accepté que son
donjon devînt un château de plaisance, il avait livré au roi
ses ponts et ses chemins contre de beaux habits brodés.
Mais il lui restait encore dans les os une vigueur cavalière
qu'une pointe de corruption énervait au bout de ses doigts
et pâlissait sur son visage. Van Dyck promena du Sud au
Nord sa pénétration nonchalante. Il découvrit en Italie, dans
de grands palais tristes, les petits-fils d'une aristocratie vio-
lente qui s'abandonnait à sa déchéance morbide. Les petits-
fils d'une aristocratie brutale qui renonçaient à disputer le
pouvoir aux marchands le firent venir en Angleterre. Là, des
visages nerveux, rétractés par l'orage intérieur qui ne peut

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