dans la Hollande en formation, la grande lumière diffuse
qui flotte des bouches du Rhin aux digues du Zuyderzée,
s'étaient rendus à pied à Bruges, à Gand, à Anvers, à
Bruxelles où les colporteurs et les trafiquants de la côte leur
avaient conté que ceux qui faisaient des tableaux pour les
donateurs et les confréries gagnaient largement leur pain.
Au xve siècle, si Van Ouwater, d'ailleurs élève de Van Eyck,
revint à La Haye, Dierick Bouts vécut à Louvain,
Claus Sluter alla jusqu'à Dijon, Malouel jusqu'à Paris.
Au xvie siècle, Cornelissen, Mostaert restaient chez eux,
mais regardaient Anvers, Pieter Pourbus habitait Bruges.
Antoine Mor servait l'Espagne au point d'en acquérir la
force aride, la sèche ardeur, le caractère sombre et nu. Lucas
de Leyde, s'il ne sortait pas de chez lui, était sollicité tantôt
par Anvers, tantôt par l'Allemagne qui l'emporta tout à fait
quand Dürer fut venu le voir et qu'ils eurent échangé leurs
idées sur la manière de creuser le cuivre et le bois. Et cepen-
dant, s'il y eut en Hollande, avant la guerre, un véritable
Hollandais, c'est bien ce bon graveur de paysages blonds et
de joies populaires où la verve de Van Ostade se pressent
quelquefois. S'il n'était mort à quarante ans, s'il avait pu
voir Pierre Breughel qui avait quitté pour Anvers la campagne
de Bréda où flotte le brouillard doré des fleuves, nous aurions
connu plus tôt, sans doute, le visage des Pays-Bas. Mais il
disparut au moment où l'Italie devenait à la mode en Flandre,
où Jean van Schoorel tentait de l'introduire à Utrecht, où
la Hollande semblait accepter Charles-Quint et renoncer à
l'orgueil de saisir la liberté.
L'insurrection, qui mit les Pays-Bas en possession de leur
indépendance, était si bien l'indice de leur maturité d'esprit
que la peinture, à peine née, s'empara de tous ses moyens.
Entre les fils des insurgés et les premiers peintres hollandais
qui regardaient vers l'Italie ou la Flandre, il y a un demi-
siècle de silence. Pas de primitifs en Hollande, moins encore
qu'à Venise. Les peintres des confréries sont déjà des hommes
modernes. Frans Hals, dès la première œuvre, est grand
peintre, il connaît toutes les lois de la polyphonie plastique,
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qui flotte des bouches du Rhin aux digues du Zuyderzée,
s'étaient rendus à pied à Bruges, à Gand, à Anvers, à
Bruxelles où les colporteurs et les trafiquants de la côte leur
avaient conté que ceux qui faisaient des tableaux pour les
donateurs et les confréries gagnaient largement leur pain.
Au xve siècle, si Van Ouwater, d'ailleurs élève de Van Eyck,
revint à La Haye, Dierick Bouts vécut à Louvain,
Claus Sluter alla jusqu'à Dijon, Malouel jusqu'à Paris.
Au xvie siècle, Cornelissen, Mostaert restaient chez eux,
mais regardaient Anvers, Pieter Pourbus habitait Bruges.
Antoine Mor servait l'Espagne au point d'en acquérir la
force aride, la sèche ardeur, le caractère sombre et nu. Lucas
de Leyde, s'il ne sortait pas de chez lui, était sollicité tantôt
par Anvers, tantôt par l'Allemagne qui l'emporta tout à fait
quand Dürer fut venu le voir et qu'ils eurent échangé leurs
idées sur la manière de creuser le cuivre et le bois. Et cepen-
dant, s'il y eut en Hollande, avant la guerre, un véritable
Hollandais, c'est bien ce bon graveur de paysages blonds et
de joies populaires où la verve de Van Ostade se pressent
quelquefois. S'il n'était mort à quarante ans, s'il avait pu
voir Pierre Breughel qui avait quitté pour Anvers la campagne
de Bréda où flotte le brouillard doré des fleuves, nous aurions
connu plus tôt, sans doute, le visage des Pays-Bas. Mais il
disparut au moment où l'Italie devenait à la mode en Flandre,
où Jean van Schoorel tentait de l'introduire à Utrecht, où
la Hollande semblait accepter Charles-Quint et renoncer à
l'orgueil de saisir la liberté.
L'insurrection, qui mit les Pays-Bas en possession de leur
indépendance, était si bien l'indice de leur maturité d'esprit
que la peinture, à peine née, s'empara de tous ses moyens.
Entre les fils des insurgés et les premiers peintres hollandais
qui regardaient vers l'Italie ou la Flandre, il y a un demi-
siècle de silence. Pas de primitifs en Hollande, moins encore
qu'à Venise. Les peintres des confréries sont déjà des hommes
modernes. Frans Hals, dès la première œuvre, est grand
peintre, il connaît toutes les lois de la polyphonie plastique,
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