conscience de sa santé, de sa vigueur, de la souplesse de ses
muscles et de la profondeur de ses poumons, ne songe plus
qu'à brouter. Quand elle ne sut plus peindre, elle n'en eut
pas de remords. Son art avait manifesté un moment de sa
puissance, large, paisible, positif, joyeux, et voilà tout.
Quand il ne la manifesta plus, cette puissance continua,
mais au lieu de s'exprimer par des couleurs et des formes,
elle s'exprima par plus de bateaux sur la mer, plus de mar-
chandises dans les ports, des canaux plus nombreux, des
digues plus solides, plus de bien-être partout.
Ces forces, on l'a dit bien des fois, venaient du magnifique
effort qu'avait fait la Hollande pour s'arracher à l'étranger.
Quand l'homme, pendant quarante ans, s'est armé tous les
jours pour gagner le pain du soir et le droit de vivre à l'aurore,
qu'il s'est levé la nuit pour aller, dans les trombes de vent et
d'eau, glisser la torche aux sabords des vaisseaux de guerre,
quand il a vu se dresser pour lui des bûchers sur toutes les
places, des potences à tous les carrefours, il pourra, s'il n'a
pas faibli, regarder avec orgueil ceux qui naîtront de sa vail-
lance. Tous les peintres de la Hollande étaient fils ou petit-
fils de ceux qui avaient fait la République. Mierevelt, le
premier, naît en 1567, la veille de l'insurrection. Le dernier,
Hobbema, en 1638, quand l'Espagne est tout à fait vaincue,
quand la Compagnie des Indes Orientales inonde les ports
de denrées, quand les Pays-Bas se sentent assez forts pour
commander à leur mer dont ils barrent la Tamise avec les
vaisseaux de Ruyter et qu'ils précipitent au devant des
soldats de Louis XIV à travers les digues crevées. Entre eux
Frans Hals, Van Goyen, Rembrandt, Van Ostade, Albert
Cuyp, Ruysdaël, Terborgh, Pieter de Hooch. Vermeer de
Delft, cent autres. Les Gueux de mer ont lancé dans le flanc
des femmes la puissance du combat.
Quelques-uns, sans doute, en ce pays où tout le monde
peut être peintre sans effort, s'il ouvre les yeux, avaient fait
de la peinture avant les deux générations qui naquirent des
vainqueurs. Mais c'étaient des voix isolées, et sans échos.
Les quelques petits paysans qu'avait éveillés par hasard,
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muscles et de la profondeur de ses poumons, ne songe plus
qu'à brouter. Quand elle ne sut plus peindre, elle n'en eut
pas de remords. Son art avait manifesté un moment de sa
puissance, large, paisible, positif, joyeux, et voilà tout.
Quand il ne la manifesta plus, cette puissance continua,
mais au lieu de s'exprimer par des couleurs et des formes,
elle s'exprima par plus de bateaux sur la mer, plus de mar-
chandises dans les ports, des canaux plus nombreux, des
digues plus solides, plus de bien-être partout.
Ces forces, on l'a dit bien des fois, venaient du magnifique
effort qu'avait fait la Hollande pour s'arracher à l'étranger.
Quand l'homme, pendant quarante ans, s'est armé tous les
jours pour gagner le pain du soir et le droit de vivre à l'aurore,
qu'il s'est levé la nuit pour aller, dans les trombes de vent et
d'eau, glisser la torche aux sabords des vaisseaux de guerre,
quand il a vu se dresser pour lui des bûchers sur toutes les
places, des potences à tous les carrefours, il pourra, s'il n'a
pas faibli, regarder avec orgueil ceux qui naîtront de sa vail-
lance. Tous les peintres de la Hollande étaient fils ou petit-
fils de ceux qui avaient fait la République. Mierevelt, le
premier, naît en 1567, la veille de l'insurrection. Le dernier,
Hobbema, en 1638, quand l'Espagne est tout à fait vaincue,
quand la Compagnie des Indes Orientales inonde les ports
de denrées, quand les Pays-Bas se sentent assez forts pour
commander à leur mer dont ils barrent la Tamise avec les
vaisseaux de Ruyter et qu'ils précipitent au devant des
soldats de Louis XIV à travers les digues crevées. Entre eux
Frans Hals, Van Goyen, Rembrandt, Van Ostade, Albert
Cuyp, Ruysdaël, Terborgh, Pieter de Hooch. Vermeer de
Delft, cent autres. Les Gueux de mer ont lancé dans le flanc
des femmes la puissance du combat.
Quelques-uns, sans doute, en ce pays où tout le monde
peut être peintre sans effort, s'il ouvre les yeux, avaient fait
de la peinture avant les deux générations qui naquirent des
vainqueurs. Mais c'étaient des voix isolées, et sans échos.
Les quelques petits paysans qu'avait éveillés par hasard,
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