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dans l'énergie de la nation. Où a-t-il pris ces rochers tour-
mentés, ces cascades furieuses et cette âpre et terne couleur
qu'on dirait séchée par le vent? Quand il approche de la mer,
iî n'y voit que la tempête, les vagues à l'assaut des jetées, le
ciel et l'eau mêlés dans la poussière de l'averse et des bri-
sants. Quand il traverse le polder, le jour est livide entre les
branches échevelées, les troncs tordus sur leurs racines à
demi sorties du sol. Il frissonne avec la terre quand un nuage
noir passe sur le soleil. Les arbres arrachés et fracassés par
les torrents, les troupeaux rentrant avec l'orage sur des
ponts de bois qui tremblent et les pauvres maisons blotties,
il n'aperçoit dans la nature que ce qui répond aux drames
de conscience qui durent le bouleverser. Le vaste monde est
gris, il y a des fuites d'oiseaux noirs sur les grandes nuées
qui tiennent tout le ciel. A côté de ce mal secret qu'il n'avoue
pas mais que fait deviner son univers livré aux éléments tra-
giques où l'homme et la vie ne sont que de pauvres choses
éphémères trempées par les pluies, battues des vents,
les| batailles romantiques de Wouwerman que noient des
fumées d'incendie, ses hommes branchés, ses murs en ruine,
déguisent pour la joie des amateurs de bonne peinture mili-
taire le visage réel que prennent les aspects sinistres de la
route aux yeux d'un homme puissant.
Comme la joie de peindre semble croître chez les contem-
porains de Ruysdaël à mesure qu'approche l'heure de l'arrêt
soudain de la peinture, l'œuvre de ce grand poète de l'espace
nous force, chaque fois qu'elle se présente, à interroger sa
vie. Et nous n'en connaissons rien, sinon qu'il eut peu de
succès et mourut à l'hôpital. Sans doute il a vu les digues
rompues, le polder inondé, la génération qui pousse obligée
de tout reconquérir sur l'étranger et la mer au moment où il
vit ses années les plus viriles. Mais les vieux ressorts ont
pourtant toujours leur trempe, le paysan et le pêcheur ont
tenu leurs armes fourbies et pas un seul, parmi ceux des
peintres de son temps qui s'enferment dans leurs maisons
pour y saisir les harmonies intimes ou fixent l'eau et le nuage
dans un carré de toile grand comme les deux mains, n'éprouve

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