Faure, Élie: Histoire de l'art ([Band 4]): L'art moderne (Paris: Librarie Plon, 1948)

qui monte, la plainte sanglotante et nasillarde, infinie, aride,
ardente, triste comme le désert.
Il n'a pas compris l'Espagne secrète, celle qu'expriment
les mystiques par la nuit et l'or dans la nef, les lueurs livides
qui rampent sur les toiles de Greco, éclairant des spectres,
ou rien, comme si elles suggéraient quelque formidable
absence, celle du fou sublime courant les routes, pour pro-
téger le faible qui le rosse, celle que retrouvera Goya pour
lui prêter son accent le plus frénétique, celle que Velazquez
transposait radicalement — sans sujet, pourrait-on dire —
dans ses harmonies hermétiques, celle qui parfois pèse comme
un couvercle de plomb sur les toiles de Zurbaran où des
irisations de perle jouent parmi les sombres couleurs. Et
c'est cette Espagne qui est la vraie — la seule, — conquête
d'une âme inapaisable sur l'aridité, l'obéissance, la vue impi-
toyable de l'objet et du destin.

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