GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
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qui recherchent les anciennes peintures françaises. Ce tableau sur bois
est signé Robertus le Voyer Avrel fac Rou/e, 1570. Voilà donc un
peintre d'Orléans, un contemporain et compatriote de Jean Chartier et
d'Etienne de Laulne . travaillant à Rome d'après Michel-Ange. Le style du
grand Florentin y est singulièrement rapetissé, la couleur en est crue e
le dessin imbu de cette pratique qui accuse la charpente musculaire des
corps en les capitonnant. Mais il y a dans la manière dont chaque
corps est dessiné, chaque tête étudiée et exprimée, tant de soin et tant
d'esprit, que l'on s'émerveille à la vue de ce miniaturiste aux prises avec
le colossal fresquiste, et l'on s'assure tenir encore ici un autre maître
totalement inconnu d'une école dont l'histoire est encore bien incomplète.
Daniel de Yolterre , le Florentin auquel on infligea le surnom de il
Braghettone pour avoir couvert les figures du Jugement des draperies
dont je parlais plus haut, a peint une Bécollatwn de saint Jmn-BaptisU
qui n'est point faite pour le relever à nos yeux. Ce n'est qu'une scène
dégoûtante où la science du raccourci et un reste de style grandiose vien-
nent racheter la bassesse des détails et la nullité de la couleur.
A un moment plus avancé de l'école florentine, nous pouvons voir des
artistes qui y acquirent du renom. Cristofano Allori, clans la Vierge et
VEnfant Jésus et dans l'étude du Jeune David, montre cette originalité
brillante qui le maintint supérieur à ses contemporains. Cigoli, dont il y a
ici un Ecce homo et deux autres petits morceaux, témoigne de cette cha-
leur de coloris et de cette exagération dans l'expression qui gagnait alors
la peinture. Vanm, dans Y Enfant Jésus porté par deux anges, exprime
cette recherche de l'effet et cette intensité de sentiment que les meil-
leurs maîtres de la fin du xvr siècle prirent pour idéal à la suite de Ba-
rocci, qui avait introduit à Florence comme à Rome ses habitudes d'affec-
tation. On en trouve un exemple réduit dans la Tête d'ange, toute pleine
de la suavité d'expression religieuse qui devint alors de mode dans les
arts comme dans l'Église.
L'école vénitienne peut être étudiée à Montpellier sur quelques ouvra-
ges assez caractérisés. Le Portrait d'an vieillard chauve du Titien, et le
Portrait d'un antiquaire par Sébastien del Pio.ubo , incliquent encore, à
travers leur peinture osbcurcie, la puissance de ces maîtres à rendre la vie
clans sa plus profonde réalité, tout en lui imprimant un certain air de
grandeur auprès de laquelle toute physionomie moderne paraît chétive.
Si l'on se place ensuite devant le Mariage de sainte Catherine de Paul
Yéronèse, tableau gravé dans la galerie Gerini, en 1759, on verra clans
leur splendeur ces figures si attrayantes par la plénitude de vie qui les
inonde, par la lumière qui donne tant d'éclat à leurs étoffes et qui rend
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qui recherchent les anciennes peintures françaises. Ce tableau sur bois
est signé Robertus le Voyer Avrel fac Rou/e, 1570. Voilà donc un
peintre d'Orléans, un contemporain et compatriote de Jean Chartier et
d'Etienne de Laulne . travaillant à Rome d'après Michel-Ange. Le style du
grand Florentin y est singulièrement rapetissé, la couleur en est crue e
le dessin imbu de cette pratique qui accuse la charpente musculaire des
corps en les capitonnant. Mais il y a dans la manière dont chaque
corps est dessiné, chaque tête étudiée et exprimée, tant de soin et tant
d'esprit, que l'on s'émerveille à la vue de ce miniaturiste aux prises avec
le colossal fresquiste, et l'on s'assure tenir encore ici un autre maître
totalement inconnu d'une école dont l'histoire est encore bien incomplète.
Daniel de Yolterre , le Florentin auquel on infligea le surnom de il
Braghettone pour avoir couvert les figures du Jugement des draperies
dont je parlais plus haut, a peint une Bécollatwn de saint Jmn-BaptisU
qui n'est point faite pour le relever à nos yeux. Ce n'est qu'une scène
dégoûtante où la science du raccourci et un reste de style grandiose vien-
nent racheter la bassesse des détails et la nullité de la couleur.
A un moment plus avancé de l'école florentine, nous pouvons voir des
artistes qui y acquirent du renom. Cristofano Allori, clans la Vierge et
VEnfant Jésus et dans l'étude du Jeune David, montre cette originalité
brillante qui le maintint supérieur à ses contemporains. Cigoli, dont il y a
ici un Ecce homo et deux autres petits morceaux, témoigne de cette cha-
leur de coloris et de cette exagération dans l'expression qui gagnait alors
la peinture. Vanm, dans Y Enfant Jésus porté par deux anges, exprime
cette recherche de l'effet et cette intensité de sentiment que les meil-
leurs maîtres de la fin du xvr siècle prirent pour idéal à la suite de Ba-
rocci, qui avait introduit à Florence comme à Rome ses habitudes d'affec-
tation. On en trouve un exemple réduit dans la Tête d'ange, toute pleine
de la suavité d'expression religieuse qui devint alors de mode dans les
arts comme dans l'Église.
L'école vénitienne peut être étudiée à Montpellier sur quelques ouvra-
ges assez caractérisés. Le Portrait d'an vieillard chauve du Titien, et le
Portrait d'un antiquaire par Sébastien del Pio.ubo , incliquent encore, à
travers leur peinture osbcurcie, la puissance de ces maîtres à rendre la vie
clans sa plus profonde réalité, tout en lui imprimant un certain air de
grandeur auprès de laquelle toute physionomie moderne paraît chétive.
Si l'on se place ensuite devant le Mariage de sainte Catherine de Paul
Yéronèse, tableau gravé dans la galerie Gerini, en 1759, on verra clans
leur splendeur ces figures si attrayantes par la plénitude de vie qui les
inonde, par la lumière qui donne tant d'éclat à leurs étoffes et qui rend