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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5.1860

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Nr. 4
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Mouvement des arts et de la curiosité
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https://doi.org/10.11588/diglit.16990#0254

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MOI"YEMENT DES ARTS ET DE LA CURIOSITÉ

VENTE DE TABLEAUX MODERNES

Le vendredi 3 février 1860, les amateurs avaient été appelés à une vente de tableaux,
ou plutôt d'esquisses de maîtres modernes. La vente était annoncée pour deux heures
et demie précises. A trois heures moins dix minutes, on attendait encore. Et qui? le
crieur! Enfin, quand il se présenta, le commissaire-priseur lui dit d'un ton paternel :
Arrivez donc, crieur, on n'attend plus que vous !

Ainsi, les artistes qui viennent fiévreusement voir à quel prix le public capricieux
va monnayer leur talent; les amateurs impatients d'emporter sous leurs bras ces toiles
qu'ils ont convoitées à l'exposition de la veille; les marchands qui vont se disputer les
éléments de leur commerce; les hommes d'étude qui viennent prendre des notes sur
l'école moderne et le mouvement des esprits ; le public enfin qui. debout dans la salle,
regarde passer ces morceaux de choix avec les yeux faméliques de Pothier dans le
Gastronome sans argent...; tout ce monde intelligent ou passionné attendra, sans mur-
murer, pendant une demi-heure, dans une atmosphère lourde et malsaine, que
l'àboyeur (c'est son nom) ait achevé de restaurer, chez le marchand de vin du coin,
les séductions de son larynx.

A nos yeux, c'est là un scandale intolérable.

Tout Paris connaît cette tète, carrée sur toutes ses faces, comme un dé à jouer; ce
ventre piriforme ; cette redingote couleur d'olive moisie; ce bourrelet de graisse qui
sautille derrière une tête chauve, sur une cravate qui fut blanche un jour ; cette bouche
édentée qui se ferme, entre un nez tombant et un menton relevé, avec la'précision
d'un casse-noisette de Nuremberg; ces yeux narquois bridés par des rides innombra-
bles; ce tic nerveux qui agite incessamment les traits d'un grotesque de caoutchouc
pressé entre le pouce et l'index. Ce n'est là qu'un prétexte à caricature, et la caricature
n'est point notre fait. Mais il faut encore entendre cet organe insolemment éclatant ou
sinistrement mielleux; il faut voir ce crieur, poussant pour son compte et interpellant
dans la salle un être imaginaire, aux grands ébahissements des Béotiens présents; il
faut l'étudier dans ses transformations et le saisir tour à tour familier jusqu'à l'insulte,
hâbleur jusqu'à la parade, impertinent jusqu'à faire sortir les acheteurs de la salle.

Je le répète hautement, la présence d'un semblable crieur dans les salles du pre-
mier étage est une insulte au public distingué qui les fréquente. Son extérieur gro-
tesque n'est qu'une fatigue pour l'œil; mais ses manières d'agir, sanctionnées par la
 
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