DEUXIÈME APPARITION
VILLARD DE HONNECOURT
A PROPOS
DE LA RENAISSANCE DES ARTS
Il est revenu, comme il l'avait promis, notre ex-confrère Yillard de
Honnecourt, un soir de ce triste mois de décembre. Le grésil frappait les
vitres, à peine si on entendait le roulement des voitures sur le pavé tapissé
de neige, les portes étaient bien closes, le feu clair : « Bonsoir, confrère, »
dit l'ombre en s'asseyant près du foyer. « Je viens vous voir pour vous,
entretenir d'une question qui nous touche, moi et mes vieux amis, Pierre
de Corbie, Robert de Luzarches, Pierre de Montereau, Renaud de Gormont,
Jean de Ghelles et tant d'autres, mes contemporains et mes émules, sinon
mes rivaux. Puisque, de votre temps, on a jugé à propos d'éditer mes cahiers
de croquis, non-seulement à Paris, mais à Londres, puisque messieurs Las-
sus, Mérimée, Quicherat, Darcel, Willis et vous-même, vous êtes amusés à
commenter mes notes, j'ai pensé, ainsi que mes vieux confrères, que nous
pouvions réclamer de vous un petit service... ou plutôt un acte de justice.
Quand on prétendait que les cathédrales appelées gothiques parce qu'elles
ont été bâties par les descendants des Gallo-Romains subjugués par les
Francs, étaient évidemment des imitations des forêts de la Germanie, ce
qui tombe sous le sens, puisque l'Ile-de-France les a vues naître et qu'elles
sont construites en pierre, que ces imitations des forêts de la Germanie
ont été suggérées parles croisés revenant, au xne siècle, de la Syrie ;
nous nous contentions de rire, dans l'autre monde, de ces rêveries. Mais
depuis que ces opinions n'ont plus pour refuge qu'une vingtaine de cer-
veaux en France, il ne convient pas que vous vous arrêtiez à mi-chemin
de la vérité ; or il est encore un bon nombre de personnes sensées qui
croient que la renaissance des arts est entrée toute bottée chez nous, avec
VILLARD DE HONNECOURT
A PROPOS
DE LA RENAISSANCE DES ARTS
Il est revenu, comme il l'avait promis, notre ex-confrère Yillard de
Honnecourt, un soir de ce triste mois de décembre. Le grésil frappait les
vitres, à peine si on entendait le roulement des voitures sur le pavé tapissé
de neige, les portes étaient bien closes, le feu clair : « Bonsoir, confrère, »
dit l'ombre en s'asseyant près du foyer. « Je viens vous voir pour vous,
entretenir d'une question qui nous touche, moi et mes vieux amis, Pierre
de Corbie, Robert de Luzarches, Pierre de Montereau, Renaud de Gormont,
Jean de Ghelles et tant d'autres, mes contemporains et mes émules, sinon
mes rivaux. Puisque, de votre temps, on a jugé à propos d'éditer mes cahiers
de croquis, non-seulement à Paris, mais à Londres, puisque messieurs Las-
sus, Mérimée, Quicherat, Darcel, Willis et vous-même, vous êtes amusés à
commenter mes notes, j'ai pensé, ainsi que mes vieux confrères, que nous
pouvions réclamer de vous un petit service... ou plutôt un acte de justice.
Quand on prétendait que les cathédrales appelées gothiques parce qu'elles
ont été bâties par les descendants des Gallo-Romains subjugués par les
Francs, étaient évidemment des imitations des forêts de la Germanie, ce
qui tombe sous le sens, puisque l'Ile-de-France les a vues naître et qu'elles
sont construites en pierre, que ces imitations des forêts de la Germanie
ont été suggérées parles croisés revenant, au xne siècle, de la Syrie ;
nous nous contentions de rire, dans l'autre monde, de ces rêveries. Mais
depuis que ces opinions n'ont plus pour refuge qu'une vingtaine de cer-
veaux en France, il ne convient pas que vous vous arrêtiez à mi-chemin
de la vérité ; or il est encore un bon nombre de personnes sensées qui
croient que la renaissance des arts est entrée toute bottée chez nous, avec