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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5.1860

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Nr. 6
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Blanc, Charles: Nécrologie: Alfred de Dreux
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https://doi.org/10.11588/diglit.16990#0349

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

333

pages. Une circonstance heureuse favorisa son double penchant : son
père compromit sa fortune dans je ne sais quelle entreprise, de sorte
qu'Alfred dut suivre nécessairement son inclination ; et quoi de plus admi-
rable, je le demande, que d'être forcé par le destin à faire justement
ce que l'on désire?

Bien qu'il eût appris le métier de peintre en amateur, Alfred de Dreux
le savait comme les amateurs, en général, ne le savent pas. Il l'avait appris
tout enfant et de première main, dans l'atelier de son oncle Dorcy et de
Géricault; il acheva de se former chez M. Léon Cogniet, et déjà en 1831,
à dix-neuf ans, il exposait un Intérieur décurie et un Jeune poulain sau-
tant un fossé. A cette époque, il était parvenu au dernier terme de son
ambition, et, je crois même, à l'apogée de son talent. Il possédait un che-
val! et déjà il le connaissait par cœur de la sole au chanfrein; il savait
l'étriller d'un coup de pinceau, au moyen de ces luisants de la croupe et
du poitrail qui font la joie du sportsman et le désespoir du palefrenier.
Il avait étudié toutes les robes, toutes les élégances, toutes les coquette-
ries de son modèle; il le voyait toujours dans sa pensée piaffer, trotter,
bondir, ou bien lancé à fond de train, sous le nom de Bagatelle, dans le
turf de Chantilly, ou courant le cerf dans la forêt de Gompiègne. Cependant,
il fallut ajouter au personnel de son écurie : on ne pouvait peindre des
courses sans jockeys, ni des chasses sans veneurs. Il se vit donc obligé
d'introduire, dans ses peintures de chevaux, cet indispensable élément, le
cavalier. Mais tout d'abord, ce ne furent que des habits rouges. Du plus
loin qu'on apercevait à la devanture de Susse ou de Durand-Ruel, un
écuyer en casaque écarlate, on disait : Voilà un Alfred de Dreux... Ce n'est
pas une petite affaire en peinture que de mettre cinq ou six habits rouges
dans le même tableau; mais Alfred s'en tirait à merveille : ici, le rouge
était rompu par l'ombre officieuse d'un poteau, là, par une branche de
hêtre; celui-ci blanchissait au soleil, celui-là s'estompait dans l'éloigne-
ment : bref, tous ces uniformes se disciplinaient parfaitement bien, et la
résultante était gaie, vive, amusante à l'œil. Les petits tableaux de chasse
étant très demandés^ de Dreux en fit une quantité considérable. Il devint
à la mode dans le monde, et aussi dans le demi-monde. Sa personne ayant
eu plus de succès encore que ses habits rouges^ les jolies femmes firent
pour lui beaucoup de folies, et il fit pour elles beaucoup de tableaux.
Alfred était petit, très-brun, et il portait toute sa barbe ; sa figure agréable
avait une expression un peu rêveuse, qui contrastait avec l'énergique
franchise de son talent et le caractère:résolu de sa touche. A sa mise, non'
pas correcte, mais très-préméditée et très-soignée, on reconnaissait tout
de suite un dandy, un lion, un homme du sport, et qui devait être du
 
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