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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
M. Lortet s'est tiré avec adresse d'une surprise analogue. La Vue du
golfe de Gênes, les" Aqueducs de Fréjus, la Marine près d'Hyère, sont
l'œuvre d'un artiste habile et exercé. M. Pessonneaux a rapporté de
l'Oberland une assez bonne étude de montagnes neigeuses.
N'oubliez pas M. Lepagnez qui se rattache à M. Carraud, ainsi que
M. Yernay et M. Bail. 11 a été question de ce dernier. M. Yernay est aussi
un de ces pionniers audacieux qui vont en avant avec une intrépidité
naïve.
M. Dubuisson peint les animaux avec plus de sentiment que de talent.
Ses tableaux où le fond est ajouté après coup, les animaux une fois ter-
minés, rappellent les moins bons de quelques peintres du siècle dernier,
de Boucher par exemple. C'est la même banalité de verts et de bleus,
d'un froid glacial. Les chevaux de M. Dubuisson ont du mouvement, de
l'action, mais le dessin laisse souvent à désirer. Le Chenil de M. Chenu
a de loin l'aspect d'un Chenil de Decamps. De près, on reconnaît que
c'est un Decamps trop bien peint.
La peinture de fleurs peut être partout ailleurs une affaire de goût ;
à Lyon, c'est une affaire de nécessité. Derrière l'art se tient l'industrie.
Derrière la peinture de fleurs se tient la fabrique, et derrière la fabrique
la mode , c'est-à-dire la coquetterie féminine qui réclame incessamment
pour ses rubans, pour ses robes, pour ses châles, pour ses tapis, pour
les étoffes de ses rideaux et de ses meubles, de nouveaux dessins, des
compositions plus riches, des couleurs plus délicates, tout ce qui s'em-
prunte au monde des fleurs. Les peintres de fleurs forment à Lyon un
bataillon serré qui marche un pied dans l'art, l'autre dans l'industrie.
Les uns considèrent la fleur en elle-même, comme un être à part dont
le portrait demande, pour être fidèle, les tons les plus vifs , les plus
brillants de la palette, l'exécution la pins finie et la plus minutieuse. Les
autres ne voient dans la fleur qu'un objet naturel détaché du paysage;
ils la traitent à la façon du paysage, par le dessin ou par la couleur,
selon l'impression reçue, avec une largeur d'effet qui absorbe quelquefois
les détails, et qui ne craint pas de neutraliser par des gris les nuances
trop éclatantes.
De là, deux écoles dans la peinture de fleurs : M. Saint-Jean est le
chef de la première. Il a porté son genre à un degré de perfection remar-
quable. La maladie seule empêche ce maître laborieux de produire de
nouveaux chefs-d'œuvre. Il n'a rien exposé cette année. A défaut du chef
voici les lieutenants. M. Beignier jouit d'une grande réputation. Il est en
effet très-habile. Il a entassé dans le même vase des roses, des pivoines,
des lilas, des tulipes, des coquelicots, des œillets, etc. Comme M. Saint-
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
M. Lortet s'est tiré avec adresse d'une surprise analogue. La Vue du
golfe de Gênes, les" Aqueducs de Fréjus, la Marine près d'Hyère, sont
l'œuvre d'un artiste habile et exercé. M. Pessonneaux a rapporté de
l'Oberland une assez bonne étude de montagnes neigeuses.
N'oubliez pas M. Lepagnez qui se rattache à M. Carraud, ainsi que
M. Yernay et M. Bail. 11 a été question de ce dernier. M. Yernay est aussi
un de ces pionniers audacieux qui vont en avant avec une intrépidité
naïve.
M. Dubuisson peint les animaux avec plus de sentiment que de talent.
Ses tableaux où le fond est ajouté après coup, les animaux une fois ter-
minés, rappellent les moins bons de quelques peintres du siècle dernier,
de Boucher par exemple. C'est la même banalité de verts et de bleus,
d'un froid glacial. Les chevaux de M. Dubuisson ont du mouvement, de
l'action, mais le dessin laisse souvent à désirer. Le Chenil de M. Chenu
a de loin l'aspect d'un Chenil de Decamps. De près, on reconnaît que
c'est un Decamps trop bien peint.
La peinture de fleurs peut être partout ailleurs une affaire de goût ;
à Lyon, c'est une affaire de nécessité. Derrière l'art se tient l'industrie.
Derrière la peinture de fleurs se tient la fabrique, et derrière la fabrique
la mode , c'est-à-dire la coquetterie féminine qui réclame incessamment
pour ses rubans, pour ses robes, pour ses châles, pour ses tapis, pour
les étoffes de ses rideaux et de ses meubles, de nouveaux dessins, des
compositions plus riches, des couleurs plus délicates, tout ce qui s'em-
prunte au monde des fleurs. Les peintres de fleurs forment à Lyon un
bataillon serré qui marche un pied dans l'art, l'autre dans l'industrie.
Les uns considèrent la fleur en elle-même, comme un être à part dont
le portrait demande, pour être fidèle, les tons les plus vifs , les plus
brillants de la palette, l'exécution la pins finie et la plus minutieuse. Les
autres ne voient dans la fleur qu'un objet naturel détaché du paysage;
ils la traitent à la façon du paysage, par le dessin ou par la couleur,
selon l'impression reçue, avec une largeur d'effet qui absorbe quelquefois
les détails, et qui ne craint pas de neutraliser par des gris les nuances
trop éclatantes.
De là, deux écoles dans la peinture de fleurs : M. Saint-Jean est le
chef de la première. Il a porté son genre à un degré de perfection remar-
quable. La maladie seule empêche ce maître laborieux de produire de
nouveaux chefs-d'œuvre. Il n'a rien exposé cette année. A défaut du chef
voici les lieutenants. M. Beignier jouit d'une grande réputation. Il est en
effet très-habile. Il a entassé dans le même vase des roses, des pivoines,
des lilas, des tulipes, des coquelicots, des œillets, etc. Comme M. Saint-