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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 16.1864

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Nr. 1
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Blanc, Charles: Eugène Delacroix, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18739#0031

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EUGÈNE DELACROIX.

27

ment de finesse et d’énergie la souplesse des races félines,* leur grâce
dans la cruauté, leurs voluptés féroces, et la sauvagerie du désert qui les
encadre.

Le voyage d’Afrique fut donc une heureuse diversion dans l’existence
unie et casanière d’Eugène Delacroix. Ce voyage nous a valu la plus intelli-
gente, peut-être, des interprétations de l’Orient, et quelques chefs-d’œuvre
de couleur: les Convulsionnaires cle Tanger, la Noce juive, Muley-Abd-
er-Rahman entouré de sa garde, les Femmes d’Alger, les Exercices
militaires des Marocains, une Rue à Méquinez, et plusieurs scènes de la
vie arabe. Je vois encore le grand tableau représentant Muley-Abd-er-
Rahman qui parade à la porte de son palais de Méquinez, environné de
ses officiers, la noble figure du kaïd Mohammed, placé à la gauche du
sultan, la tête du Muchtar si bien caressée par un rayon de lumière,
l’ensemble pittoresque des soldats rangés en ligne au second plan; mais
ce que je vois surtout au fond de mes souvenirs, c’est un ciel du ton le
plus rare, un ciel d’une beauté impossible à qui n’est pas coloriste. Sur
ce beau ciel se détachent les vieux remparts de Méquinez que borde
comme un ourlet de verdure, charmante transition entre le ton fauve des
murailles et le bleu profond du ciel... Ah ! il faut en convenir, la manière
dont Delacroix a vu l’Orient (car l’occident de l’Afrique est encore de
l’Orient pour nous), cette manière est plus large et plus haute que
celle de Decamps. Si les murs de Delacroix sont maçonnés d’une façon
moins solide, en revanche ils sont peints d’une main plus magistrale.
Dans la parade de l’empereur du Maroc, l’architecte des remparts est un
poète. Et même quand la lumière inonde les murailles, comme dans la
Noce juive, la consistance de la matière, la rudesse du crépi ne sont pas
ce qui vient à l’œil. Le prisme d’une pensée s’interpose toujours, chez De-
lacroix, entre la réalité et le spectateur. Pour les costumes, il les manie
également en maître, bien qu’il soit incapable d’en détailler les plans,
d’en dire les plis, de les formuler. Decamps en ferait de superbes ori-
peaux, un autre en compterait les boutons et les soutaches ; lui, il les
élève à la dignité d’une draperie. Là, comme ailleurs, voyant tout cle
haut et avec les yeux de l’esprit, il nous apporte, non pas cette petite vé-
rité superficielle, qui est la prose, mais cette grande vérité d’au delà, qui
est la poésie.

G II AU LliS BLANC.

(La fin prochainement.)
 
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