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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 16.1864

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Nr. 3
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Thoré, Théophile: Galerie de MM. Pereire, [1]: les cabinets d'amateurs à Paris
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https://doi.org/10.11588/diglit.18739#0224

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208

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

il y a des variantes très-singulières! Serait-ce un double du chef-d’œuvre
de Madrid? une première pensée de Velâzquez? La touche est d’une maî-
trise incomparable. Et justement, ce qui diffère du tableau de Madrid a
des accents libres et tout spontanés. Qui aurait osé changer ainsi la com-
position du grand artiste, en copiant son chef-d’œuvre? Vraiment c’est
aussi beau que Velâzquez lui-même. Il faut voir!

Le tableau, rentoilé et légèrement dépouillé de ses vieux vernis, resta
exposé plusieurs jours dans l’atelier de M. Haro, l’habile peintre restau-
rateur, où il fut admiré par M. Eugène Delacroix, par MM. Ingres, Man-
drin, Lehmann, par MM. Théophile Gautier, Louis Yiardot, Clément de
Ris, par beaucoup de peintres, de critiques et d’amateurs, dont le senti-
ment s’est trouvé unanime quant à la beauté de l’œuvre et à son extrême
adhérence à la pratique de Velâzquez. Même bravoure de touche, même
splendeur de la pâte dans les lumières; çà et là, des fragments ébauchés
avec une liberté magistrale ; partout, la transparence des ombres, et l’air
qui circule partout. Certains accessoires grassement peints font penser à
Chardin, mais Chardin n’a jamais été en Espagne, et d’ailleurs la toile
ancienne porte les mêmes préparations que les toiles espagnoles em-
ployées par Velâzquez. La pâte fermement émaillée accuse une vétusté de
deux siècles. Si la peinture n’était pas de Velâzquez, elle serait toujours
de son temps. Et qui pourrait l’avoir ainsi égalé, en modifiant des parties
importantes de sa composition ? Seul, Luca Giordano, qui vint à Madrid
trente-deux ans après la mort de Velâzquez, eût été assez habile, peut-
être, pour le répéter avec ce prestige. Si cette merveilleuse peinture
n’est pas de Velâzquez, elle ne peut être que du Giordano. C’est là,
je crois, le résumé des opinions les plus compétentes, après l’espèce
d’enquête ouverte dans l’atelier de M. Haro.

Aujourd’hui, ces Hilanderas, placées dans le cabinet de travail de
M. Isaac, y jettent de la lumière , et le tableau de Madrid n’a pas plus
grand air dans sa belle salle du musée.

Et quel intérêt ont ces variantes : deux têtes de face, au lieu d’être
de profd, des bras et des mains qui n’ont plus le même mouvement, de
petits personnages nouveaux dans les fonds, de nouveaux accessoires
aux lambris et même au premier plan, le chat qui s’est remué, une jambe
escamotée, un vase exécuté magiquement; et ces caprices ont toute
l’allure de Velâzquez. Notez que Velâzquez a fait souvent des esquisses
ou des doubles de ses œuvres les plus importantes. Ainsi, du fameux ta-
bleau las Meninas (n° 155 du musée de Madrid), il y a en Angleterre une
esquisse d’une rare beauté. Ainsi, du fameux tableau les Lances ou la
Reddition de la place de Recela (n° 319), on a vu récemment, à Paris,
 
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